Burundi : Pierre Nkurunziza III, au risque du chaos
Le président burundais sortant Pierre Nkurunziza sera pour la troisième fois candidat à la présidentielle de juin, en violation des fragiles Accords de paix d’Arusha d’août 2000. Le jusqu’auboutisme de son parti le CNDD-FDD et l’impunité de sa milice armée Imbonerakure, risquent de faire basculer le Burundi dans le chaos. Et menacent la stabilité de toute la région des Grands Lacs. Au pouvoir au Burundi avec son parti depuis 2005, le président Pierre Nkurunziza n’a pas hésité samedi 25 avril à défier la communauté internationale. Au terme d’un Congrès extraordinaire aux allures de farce, le CNDD-FDD a validé la candidature du chef de l’Etat pour briguer un troisième mandat à la tête du pays, lors des élections de juin prochain. Pourtant, l’Accord de paix d’Arusha puis la Constitution limitent à deux le nombre de mandats d’un président. Pierre Nkurunziza a ignoré les mises en garde de la communauté internationale, qui voit se profiler le spectre d’une nouvelle guerre civile. Il n’a tenu aucun compte des protestations de la société civile burundaise. Son bilan est un pays au bord de l’explosion, miné par la corruption, par l’impunité de la milice Imbonerakure (les membres de la ligue de la jeunesse du CNDD-FDD), et plus encore par l’incurie. Le régime ne tient plus que par l’institutionnalisation progressive de la terreur. Il semble avoir fait sienne la définition du pouvoir despotique par Lin Biao, longtemps le dauphin de Mao Tsé-toung : « Le pouvoir politique, c’est le pouvoir d’opprimer les autres. » En terme de développement le Burundi a fait du sur-place. Le Burundi a été souvent décrit par les observateurs comme un « frère jumeau du Rwanda ». Un frère d’infortune : même composition « ethnique », même colonisateur (régime de tutelle) qui avait racialisé la lutte pour le pouvoir, mêmes problèmes : indépendance violente manipulée par Bruxelles, surpopulation, enclavement, manque de matières premières et immense pauvreté générale. Voici un quart de siècle, Burundi et Rwanda figuraient parmi les trois pays du monde aux plus bas revenus par habitant. Si le second est aujourd’hui un modèle sa bonne gouvernance, en terme de développement le Burundi a fait du sur-place. Le Burundi, « laboratoire d’expérimentation » En octobre 1993, l’assassinat du premier président burundais démocratiquement élu, le Hutu Melchior Ndadaye, par des militaires tutsi putschistes, a ouvert le cycle d’une quinzaine d’années de guerre civile. 300 000 morts plus tard – Hutu ici, Tutsi là – et un pays ravagé, l’heure a enfin sonné d’une négociation de partage du pouvoir. Le président sud africain Nelson Mandela avait mis dans la balance tout son prestige pour imposer aux protagonistes un frêle arrangement : les Accords d’Arusha pour le Burundi, signés le 28 août 2000. L’Afrique du Sud envoyait 700 militaires pour veiller à la mise en place de l’accord et assurer la sécurité des membres de l’opposition de retour d’exil. Une assemblée nationale de transition était élue et l’Accord se transformait en Constitution. Entretemps, le génocide des Tutsi du Rwanda puis l’enchaînement des guerres du Congo avaient réveillé la conscience de la communauté internationale. L’urgence était d’éviter un second Rwanda au Burundi. L’ONG International Crisis Group le résumait dans un rapport d’avril 2000 : la communauté internationale et la région « avaient dans l’esprit de faire du Burundi un laboratoire d’expérimentation pour la solution africaine aux problèmes africains dans la région des Grands Lacs ». « Ils ont même quasiment annoncé la victoire avant l’heure » De nombreux spécialistes de la région avaient exprimé leur inquiétude sur une « usine à gaz » qui faisait l’impasse sur le jugement des coupables de tueries et partageait le pouvoir en quotas ethniques, ce système qui avait conduit le Rwanda à l’abîme.. L’objectif des négociateurs d’Arusha n’était évidemment pas de construire un « Hutuland » et un « Tutsiland », mais de relever un pays où les deux groupes auraient trouvé leur équilibre. Un exercice particulièrement difficile. Nombre de Tutsi modérés ont soutenu l’accord. Ce dernier week end, malgré l’interdiction de toute manifestation (une disposition qui ne vise réellement que les partis d’opposition), on savait que les miliciens Imbonerakure tiendraient le haut du pavé. Les habitants de Bujumbura se sont terrés à domicile après avoir constitué des stocks alimentaires. Avant même le vote du congrès extraordinaire, les Imbonerakure fêtaient la victoire de Pierre Nkurunziza. La désignation n’était qu’une formalité pour le congrès extraordinaire du parti au pouvoir. Selon la correspondante de RFI , « ils ont même quasiment annoncé la victoire avant l’heure, par une explosion de joie. « Pierre Nkurunziza est notre candidat », assuraient-ils, alors même que des officiels du parti disaient qu’à l’intérieur du siège du parti, le vote à huis clos et à main levé n’avait pas encore eu lieu. Il n’y avait donc aucun suspense ». « Le jour où il [Nkurunziza] va se déclarer, il aura ouvert le feu. » Depuis plusieurs mois, la communauté internationale multipliait déclarations et démarches pour réclamer à Pierre Nkurunziza l’engagement de ne pas se présenter pour un nouveau mandat[i]. L’ensemble des diplomates occidentaux a ostensiblement boudé le congrès extraordinaire, à l’exception de l’ambassadeur de Russie. Le fait que le Burundi s’effondrerait sans l’aide internationale n’a eu aucun impact. Pierre Claver Mbonimpa, l’une des principales figures des droits de l’homme au Burundi, a formulé une crainte générale : « Le Burundi va vers un danger. Une fois que le président de la République réclamera son troisième mandat, le jour où il va se déclarer, il aura ouvert le feu. » Les chancelleries occidentales ont invité leurs ressortissants à éviter tout déplacement qui ne serait pas indispensable. Coupure des émetteurs relais des trois principales radios indépendantes du Burundi Dimanche 26 avril, lendemain du coup de force constitutionnel, les opposants avaient promis de descendre massivement dans la rue pour protester. Le Général Pontien Gaciyubwenge, ministre de la Défense menaçait de faire intervenir l’armée burundaise si le président Nkurunziza le lui demande : « Sur réquisition du commandant suprême ou d’une autre autorité, je suis prêt à accompagner les autres acteurs de la sécurité pour résister aux détracteurs de la paix ». Au moins deux personnes ont été tuées par balle au cours de la matinée de dimanche. à … Lire la suite de Burundi : Pierre Nkurunziza III, au risque du chaos
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