Génocide des Tutsi du Rwanda : derrière Charles Onana, les exaltés de « France Turquoise »
« Contestation de l’existence d’un crime contre l’humanité, en l’espèce un crime de génocide » : c’est l’incrimination qui a conduit le polémiste Charles Onana et son éditeur Damien Serieyx devant la XVIIe chambre du tribunal correctionnel de Paris du 7 au 11 octobre derniers[1]. Nous rendons compte aujourd’hui de la troisième journée du procès, le 10 octobre. Après le témoignage du général Jean-Claude Lafourcade, ancien patron de « Turquoise », ceux du général Quesnot et du général Tauzin ont confirmé une sorte de vieille haine viscérale des Tutsi. Cette séquence judiciaire achève de mettre en pièces la prétendue « neutralité » de l’opération dite « militaro-humanitaire » française à la fin du génocide et l’idéologie qui la sous-tendait. Heureusement, le témoignage de Me Bernard Maingain a permis de réinsuffler clarté et vérité dans cette journée de paroles souvent confuses et/ou vicieuses. L’avocat belge a aussi levé pour la première fois un coin du voile sur les tractations déployées en Belgique – et sur leurs acteurs – entre 1990 et 1994 pour tenter d’empêcher l’issue tragique. Synthèse réalisée par Jean-François DUPAQUIER à partir des notes d’audience de Survie, Ibuka-France et divers observateurs ou témoins. 3e jour d’audience du procès de Charles Onana Ce troisième jour d’audience a débuté ce jeudi 10 octobre par l’appel des trois témoins de la matinée. Le premier est Nkiko Nsengimana, d’origine rwandaise, un politologue et ancien témoin-expert du TPIR [pour la défense de Jean de Dieu Kamuhanda, ensuite condamné à la prison à vie…][2]. Cité par Charles Onana, il est âgé de 68 ans. Le témoin explique être un militant des droits de l’Homme. Avant le génocide, en tant que membre de la société civile rwandaise, il a pu suivre le processus de négociations sur la paix et la répartition de pouvoir au sein des institutions rwandaises. Il stigmatise « le manque de volonté du FPR de partager le pouvoir, souhaitant plutôt l’obtenir par la guerre. » [3] Un des thèmes favoris d’Onana. Avant le génocide, Nkiko Nsengimana dit avoir œuvré à laisser ouverts des espaces de discussion pour faire baisser les tensions. Selon lui il n’y a pas eu de planification du génocide. Il parle d’un « génocide rétributif » : un génocide « qui prendrait forme progressivement et qui serait une réaction spontanée à une menace réelle ou supposée. » Selon Nkiko Nsengimana, il n’y a pas eu de planification du génocide Selon Nkiko Nsengimana, le FPR a abandonné à leur sort les Tutsi de l’intérieur, avec qui il ne partageait rien. Il cite le livre de référence « Aucun témoin ne doit survivre » rédigé par Alison DesForges pour Human Rights Watch (HRW) et la Fédération Internationale des Droits Humains (FIDH). Il y voit « beaucoup de phrases communes avec celles de M. Onana qui sont poursuivies aujourd’hui ». Nkiko Nsengimana : – « Il suffit de consulter les pages 808, 810, 813-818, 820-824, 838, 839, 844, 845, 849, 851… Par exemple, pages 813 et 814 : « Alison DesForges écrit que le FPR veut gagner la guerre plutôt que de sauver des Tutsis »[…]. C’est ce que dit Nkiko Nsengimana. Le problème, c’est que dans les deux pages citées, Alison DesForges dit autre chose à savoir que face à l’échec de ses efforts pour une solution négociée, le FPR entreprit de mettre seul un terme au génocide. Nkiko Nsengimana poursuit : « Voyez la page 816. Il est écrit que le FPR s’oppose à la venue de la MINUAR. » [nouveau problème : cette interprétation est caricaturale. LE FPR déclarait à la fin du mois d’avril que l’intervention était tardive et craignait d’être ralenti dans ses mouvements militaires qui permettaient de protéger réellement les Tutsi dans les zones libérées] « Alison DesForges écrit que le FPR veut gagner la guerre plutôt que de sauver des Tutsis » Nkiko Nsengimana dit avoir fait partie de ceux qui ont appelé la FIDH à lancer une commission d’enquête début 1993, et ajoute que l’enquête a été partiale : « Carbonare a été problématique en fondant en larmes » [que veut-il dire par là, alors que la suite a montré que Jean Carbonare avait raison en craignant un génocide ?]. Nkiko Nsengimana continue sans pouvoir être démenti au moment où il s’exprime : « Dans les années 1990 la FIDH enquêtait aussi sur les crimes au Congo/Zaïre mais depuis les années 2000 elle a changé. Puisque le ministère de l’intérieur rwandais actuel parle de 2 millions de morts pendant le génocide [Nkiko Nsengimana ne fournit pas la référence de ce chiffre – pour autant que la référence soit réelle] c’est qu’il y a eu plus de morts Hutu et Twa que Tutsi ». Et le témoin enfonce le clou : « Eric Gillet a dit qu’il ne faut pas réécrire l’Histoire du génocide, mais il ne faut pas non plus réécrire l’Histoire de façon à stigmatiser collectivement tous les Hutus ». « Il y a eu plus de morts Hutu et Twa que Tutsi » Nkiko Nsengimana a varié dans ses analyses. Dans un rapport d’expertise au TPIR en faveur d’un homme finalement condamné pour génocide, il a écrit en 2002 au sujet des trois premiers mois de 1994 que « l’insécurité généralisée a donné lieu à l’installation d’un climat de guerre. Les deux camps opposés renchérissaient dans la propagande fondée sur des discours d’incitation à la violence et à la haine ethnique[…] ». Le témoin ne se complait-il pas dans un certain équilibrisme ? Il ajoutait en 2002 : « Le FPR, sans conteste militairement plus fort, donnait l’impression d’être le plus déterminé à reprendre la guerre puisqu’il affirmait déjà dans deux journaux ugandais que « les chances de Kagame de prendre Kigali se sont multipliés par 100[6] » et qu’il était prêt à foncer et à s’emparer de Kigali en un jour. Il était déterminé à reprendre les hostilités, quel qu’en fut le prix pour les Tutsi de l’intérieur et pour l’opposition. Devant les délégués de la société civile qui lui proposaient de privilégier le compromis politique à la force militaire afin d’éviter le sort tragique qui ne manquerait pas de s’abattre sur l’opposition et les Tutsi de l’intérieur, il avait déclaré que « même dans l’Allemagne nazie, il y … Lire la suite de Génocide des Tutsi du Rwanda : derrière Charles Onana, les exaltés de « France Turquoise »
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