Le film « L’homme qui répare les femmes – La colère d’Hippocrate » consacré au célèbre gynécologue Denis Mukwege vient d’être interdit de diffusion par les autorités congolaises. En cause : un climat politique pré-électoral très tendu, où la projection du documentaire pourrait faire de l’ombre au pouvoir en place à Kinshasa.
Trop beau pour être vrai. Le très émouvant documentaire de Thierry Michel et Colette Braeckman, « L’homme qui répare les femmes – La colère d’Hippocrate », devait être diffusé la semaine prochaine à Kinshasa, puis au Kivu en présence du docteur Denis Mukwege. Thierry Michel affirmait il y a encore quelques jours que « les ministres Lambert Mende et Kin Kiey Mulumba avaient assuré que ce film était autorisé (…) et que les directions de l’Institut français et de la Délégation Wallonie Bruxelles attendaient la confirmation écrite ». Mais patatra… les auteurs du film ont appris ce mercredi 2 septembre que le documentaire était « interdit de diffusion en RDCongo ». Selon le ministre de l’information, « les forces armées estiment avoir été calomniées par ce documentaire portant sur les viols de femmes congolaises et sur l’action du Docteur Denis Mukwege au Kivu ».
Prix Sakharov
Pour Thierry Michel, c’est l’incompréhension. « Il est inexplicable que, après plus de 6 mois de diffusion intense de par le monde, et après plusieurs mois d’attente d’une autorisation, le film montrant l’action du Docteur Mukwege et les témoignages congolais relatant les massacres de populations civiles et les viols avec extrême violence dont les femmes sont victimes, ne puisse pas être montré à la population congolaise, mais aussi au personnel de l’hôpital de Panzi » explique le réalisateur. Le film a en effet obtenu 7 prix internationaux dans 5 pays et 3 continents. « L’homme qui répare les femmes » a été montré au Parlement Européen qui a attribué un prix prestigieux au docteur Mukwege : le prix Sakharov.
Une vérité qui dérange
La décision des autorités congolaises n’est pourtant pas une surprise. Le sujet du film est doublement sensible en République démocratique du Congo (RDC). Le documentaire montre une réalité dérangeante pour le pouvoir de Kinshasa : le viol utilisé comme arme de guerre depuis 20 ans dans l’est de la RDC. Avec sur le banc des accusés : aussi bien les dizaines de milices rebelles, mais aussi l’armée congolaise (FARDC), qui agit en toute impunité. Cette vérité dérange. Mais ce film intervient également dans un climat pré-électoral extrêmement tendu en RDC. Le président Joseph Kabila ne peut pas se représenter pour un troisième mandat, selon la Constitution, mais l’opposition craint qu’il ne cherche à s’accrocher au pouvoir. Dans cette ambiance délétère qui règne à Kinshasa, beaucoup prête au docteur Mukwege (à tort) la volonté de se lancer en politique. Le film de Thierry Michel et Colette Braeckman pourrait alors apparaître comme « une publicité » (qu’il n’est pas) pour le docteur de Bukavu.
« Mukwege vit sous protection des Nations Unies »
Thierry Michel rappelle que Denis Mukwege « a été victime de tentatives d’assassinats et il a perdu un de ses proches lors d’une de ses tentatives. Il vit cloîtré dans son hôpital et ne peut sortir que sous la protection des Nations Unies ». Pour le réalisateur, lui aussi un temps interdit d’entrée sur le sol congolais – voir notre article – « l »interdiction de la diffusion programmée de ce film est une manière de bâillonner en RDC sa parole et celle des victimes de ces guerres ». Une interdiction qui peut paraître dérisoire, alors que le film vient de faire le tour du monde.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Je demande aux autorités congolaises de laisser faire vivre la situation par les congolais(e)s de la RDC.