Génocide des Tutsi du Rwanda : Un général français embourbé dans la partialité négationniste

« Contestation de l’existence d’un crime contre l’humanité, en l’espèce un crime de génocide » : c’est l’incrimination qui a conduit le polémiste Charles Onana et son éditeur Damien Serieyx devant la XVIIe chambre du tribunal correctionnel de Paris du 7 au 11 octobre derniers[1]. Nous rendons compte aujourd’hui de la seconde journée du procès, qui a vu témoigner tour à tour en faveur de l’accusé cinq personnes : le général Jean-Claude Lafourcade, ancien patron de « Turquoise », puis l’ancien ambassadeur de Belgique au Rwanda Johan Swinnen, Joseph Matata, l’activiste belgo-rwandais des droits de l’homme, la Rwandaise Marie-Jeanne Rutahisire et l’ancien ministre rwandais de la Défense James Gasana. Ont également témoigné deux historiens français cités par les parties civiles, Thomas Hochmann et Florent Piton.[2]. Quoiqu’il prétende, l’ancien commandant opérationnel de « Turquoise » incarne la partialité des hauts gradés français, prisonniers par leur phobie de Paul Kagame – comme Charles Onana. Synthèse réalisée par Jean-François DUPAQUIER à partir des notes d’audience de Survie, Ibuka-France et de divers observateurs ou témoins 2e jour d’audience du procès de Charles Onana « Je m’appelle Jean-Claude Lafourcade. Je suis né le 7 janvier 1943 à Talence (Gironde). Je suis Officier Général en 2e Section » (général en retraite). Cité comme témoin par Charles Onana, le général Lafourcade est le premier appelé à la barre ce mardi 8 octobre 2024. Il lève la main droite pour jurer de dire « toute la vérité ». Il porte allègrement ses 81 ans. Il le faut, car sa vérité est lourde à porter. Jean-Claude Lafourcade avait mené une carrière militaire des plus classiques, loin des médias, lorsque pour son malheur et sa gloire il a été désigné responsable opérationnel de « Turquoise », cette opération « militaro-humanitaire » de l’armée française menée au Rwanda du 22 juin au 22 août 1994, à la fin du génocide des Tutsi. A l’été 1994 la qualification « militaro-humanitaire » de l’intervention avait surpris et déjà créé une controverse. Elle ne vient évidemment pas de l’état-major. C’était de la « Com’ ». Cet oxymore incite à penser au talent du communiquant Jacques Pilhan, l’incontournable « sorcier de l’Elysée » de la fin du second septennat Mitterrand[3].. Mme la Présidente invite le général Lafourcade à exposer son témoignage. Général Lafourcade : – « Ce que je savais du Rwanda avant d’y intervenir c’est que fin mai M. Juppé a parlé d’un génocide. Je fus ensuite appelé fin juin pour une opération humanitaire visant à mettre fin aux massacres. Il ne s’agissait pas de prendre parti pour un camp ou pour l’autre ». Les non-dits du général vont démontrer les limites de cette « neutralité » revendiquée. Lafourcade : « Il ne s’agissait pas de prendre parti pour un camp ou pour l’autre ». Le général Lafourcade se dit indigné « des accusations éhontées  [portées contre l’opération Turquoise] par les parties civiles ici présentes », alors que Turquoise a été « louée dans le monde entier et que nos soldats se sont dépensés sans compter pour sauver des vies, notamment au moment du choléra ». Selon le général, « le livre d’Onana rend compte de la vérité et de la réalité de l’opération Turquoise au Rwanda ». Depuis bien des années, Jean-Claude Lafourcade se veut le porte-parole d’une poignée de hauts gradés français ayant exercé sous ses ordres au Rwanda et au Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo) du 22 juin au 22 août 1994. La médaille a son revers : le général Lafourcade est impliqué dans une procédure judiciaire visant le sauvetage tardif des Tutsi de la colline de Bisesero, fin juin 1994. Il a été entendu en janvier 2016 par des juges d’instruction dans une procédure pour complicité de génocide[4]… Depuis son élection comme président de l’association éponyme France Turquoise, Il est le symbole des controverses sur l’opération militaire, objet de la thèse soutenue par Charles Onana devant l’université Lyon 3, thèse elle-même controversée. Lafourcade, symbole des controverses sur l’opération Turquoise Le général Lafourcade poursuit son exposé racontant l’opération « militaro-humanitaire » – par ailleurs bien connue – qu’il a dirigée. Sa déposition est fondée sur des faits qu’il a vécus lui-même, mais avec une tendance à l’hyperbole. C’est pourquoi son récit reste approximatif. Blessé dans son âme de militaire, Jean-Claude Lafourcade ressasse les accusations portées contre l’opération. Il dément avoir reçu un ordre de marche secret d’empêcher le FPR de s’emparer de Kigali. Le général Lafourcade accuse au contraire le FPR d’avoir toujours été belliqueux, faisant fuir trois millions de Hutus vers le Zaïre [chiffre très exagéré] où ils seraient morts dans la forêt ou les zones volcaniques sans eau si la force Turquoise n’avait pas « stabilisé » les populations dans sa zone. Il souligne que le FPR a fait bombarder l’aéroport de Goma en tuant des civils. Selon Lafourcade, « la France l’a empêché de poursuivre son avance victorieuse mais ne l’a jamais combattu ». A Goma, selon le général, le choléra a fait 200 000 morts [chiffre très exagéré] et Kagame en serait responsable. Le général n’a pas un mot de condamnation des auteurs du génocide contre les Tutsi. C’est là que se situe le naufrage éthique de Jean-Claude Lafourcade et de son état-major de Turquoise [à l’exception du général Sartre]. Ils auraient pu ne pas assumer une décision politique à laquelle ils se contentaient d’obéir. Ils ont préféré « prendre sur eux » et se radicaliser, jusqu’à se solidariser avec des pamphlétaires et amis de génocidaires plus que douteux. Pour le général, l’ennemi c’est Kagame… C’est que, depuis sa création le 26 juin 2006, l’association France Turquoise que préside le général Lafourcade cultive un ressentiment obsessionnel contre Paul Kagame, le président du Rwanda, accusé de tous les maux. Et suivant l’adage « les ennemis de mes ennemis sont mes amis », France Turquoise range Charles Onana parmi les plus valeureux combattant pour la vérité. Il n’est pas le seul auquel « France Turquoise » voue une sorte de culte. Dans une course à la radicalisation, le site de l’association n’hésite pas à relayer des liens vers des blogs de la « fachosphère génocidaire » et à faire la publicité de tous les auteurs, Français ou étrangers, quel que soit leur pedigrée, qui décrivent le chef de l’Etat rwandais comme un Kim Jong-un tropical.[5] … Lire la suite de Génocide des Tutsi du Rwanda : Un général français embourbé dans la partialité négationniste