Une vidéo montre une scène d’égorgement et de dépeçage de trois personnes par des hommes en uniforme. Le porte-parole du président Nkurunziza parle « d’exagération » et menace de poursuites l’avocat belge Bernard Maingain qui a remis la vidéo à l’ONU pour authentification.
Afrikarabia a hésité à diffuser cette vidéo dont deux minutes sont accessibles sur Youtube. Elle montre des hommes en uniforme dans une scénarisation de l’horreur qui rappelle les pires séquences d’extermination de civils diffusées sur internet. On voit des bourreaux torturer et exécuter des jeunes hommes au bord d’une fosse commune éclaboussée de sang. Les bourreaux leur arrachent le cœur, leur coupent les testicules. Dans deux cas, il semble que les victimes soient inertes, ayant perdu la vie avec le dépeçage. Dans le troisième cas, le jeune homme se débat encore…
Une vidéo diffusée sur France 3
Cette vidéo a été en partie diffusée sur la chaîne de télévision française France 3 le 13 janvier. Le sujet évoquait des faits tournés à Karusi, ce qu’a ensuite démenti la chaîne de télévision, et ce à juste titre.
A notre connaissance la vidéo n’a pas été tournée à Karusi. Elle a été diffusée au début du mois de janvier 2016 comme « matériel pédagogique » pour mieux motiver un groupe d’Imbonerakure. Depuis des mois, la sinistre « Documentation » du Burundi entraîne les miliciens Imbonerakure. Il s’agit de les former au « modus operandi ».
Dans un curieux mail qu’on lira ci joint , Willy Nyamitwe, conseiller en communication du président du Burundi et homme-clef de ses basses œuvres, reconnaît avoir été en possession de cette vidéo dès le mois de décembre 2015, donc avant qu’il ait été projeté au camp clandestin de Karusi. Etrange. Etrange aussi qu’on retrouve des corps ligotés comme sur la vidéo dans Bujumbura et des personnes décédées victimes des mêmes dépeçages.
Révélations de Me Bernard Maingain
On connaît le parcours de cette vidéo. « Ce sont en fait des gens à l’intérieur de l’appareil militaire et policier qui sont parvenus à entrer en possession de ce document et qui l’ont fait parvenir à un membre de leur famille en Europe », a expliqué au micro de France 3 l’avocat belge Bernard Maingain.
Les services des Nations-Unies ont reçu la vidéo et n’importe qui a connu les scènes d’horreur de la région des grands lacs ne pouvait tenir cette pièce sous le boisseau.
Le haut commissaire aux Droits de l’Homme a lui aussi exprimé son inquiétude dans un « statement » diffusé avant la visite du conseil de sécurité (« communiqué « émis le 14 janvier). L’ONU évoque des suspicions de charniers, indique que jamais le Burundi n’a été aussi proche d’un génocide et parle des premières informations reçues concernant des viols commis au préjudice de la population. Coïncidence troublante.
Le vrai problème est : que se passe-t-il durant les séances d’entrainement des Imbonerakure ? La vidéo litigieuse est une réponse qui évoque le pire ce qui justifie sans doute la réaction si violente du gouvernement.
« Chaque jour dans tout le pays, on enlève des jeunes, on les torture, on les tue, on les mutile. Cela est fait par des miliciens ou la garde présidentielle », confirme l’historien burundais David Gakunzi.
L’ONU va-t-elle réagir ?
Pointé du doigt par l’ONU depuis plusieurs semaines, le gouvernement burundais attaque l’avocat Bernard Maingain qui défend de nombreux opposants.
Après s’être opposé à son intervention pour la défense des militaires poursuivis devant la Cour à Gitega, le gouvernement burundais a essayé de le déstabiliser à cette occasion et il a annoncé qu’il le poursuivrait en justice tout en lui interdisant l’accès au territoire du Burundi.
Willy Nyamwité, porte parole de la présidence, a envoyé un mail à Me Bernard Maingain dès le 14 janvier 2016. Sans bien vérifier sa troublante argumentation. Quelques jours plus tard, ce dernier a réagi par un courriel dont la teneur a été rendue publique – à consulter ici.
Jean-François DUPAQUIER