Panne sèche ? Attentisme ? L’opposition congolaise a du mal à faire entendre sa voix quatre mois après la victoire de Félix Tshisekedi à la présidentielle de décembre 2023. Katumbi, Fayulu, Kabila, Matata… Chacun organise pourtant sa stratégie.
Après la réélection écrasante de Félix Tshisekedi, avec plus de 73% des voix, et une main mise totale sur la majorité à l’Assemblée nationale, l’opposition politique congolaise se fait discrète. Si les candidats malheureux de la présidentielle et des législatives de décembre 2023 ont tous fustigé les irrégularités d’un scrutin chaotique, ils peinent tous à trouver le bon angle d’attaque pour rebondir et préparer la riposte. Les lendemains d’élections sont souvent difficiles pour les perdants, d’autant que le futur gouvernement n’a toujours pas vu le jour, quatre mois après les élections. La nouvelle Première ministre, Judith Suminwa, promet de dévoiler un exécutif congolais « resserré » à la fin avril. Dans ce contexte d’attente, difficile pour les opposants d’exister. La désignation du bureau définitif de l’Assemblée nationale traîne en longueur et l’opposition préfère laisser l’Union sacrée présidentielle se déchirer pour le partage des postes.
Katumbi déjà en embuscade pour 2028
Le seul parti d’opposition présent à l’Assemblée est celui de Moïse Katumbi, Ensemble pour la République. Mais avec une petite vingtaine d’élus, les députés de l’ancien gouverneur du Katanga ne sont pas mesure de former un groupe parlementaire. Ce qui réduit considérablement leur poids politique. Un seul de leurs membres, Christian Mwando, sera présent au bureau de l’Assemblée. Dans le camp katumbiste, on assure vouloir déjà préparer la présidentielle de 2028. Mais pour cela, il faut que Félix Tshisekedi, qui vient d’être réélu pour son deuxième et dernier mandat, ne soit pas tenté de modifier la Constitution pour s’accrocher au pouvoir. D’où un intense lobbying auprès des partenaires de la RDC pour mettre la pression sur le camp présidentiel. Pour l’instant, Moïse Katumbi reste absent du débat politique, laissant le patron du parti, Hervé Diakiese, dénoncer l’inaction de Félix Tshisekedi depuis sa réélection : inflation, report des élections des gouverneurs et des sénateurs, guerre à l’Est, insécurité…
Fayulu et l’Eglise aux avant-postes de la contestation
Seul candidat malheureux à la présidentielle très présent sur les réseaux pour fustiger Félix Tshisekedi : Martin Fayulu. Son boycott des législatives le prive de représentants à l’Assemblée, mais au final, il reste plus audible que le patron d’Ensemble, notamment sur la guerre à l’Est. Pour le président de l’Ecidé, sa position est claire : la fraude aux élections de décembre enlève toute légitimité à Félix Tshisekedi, qu’il ne reconnait pas comme président de la République démocratique du Congo. Fayulu réclame un dialogue, sous l’égide de l’Eglise catholique, entre le gouvernement, la société et l’opposition, pour tout remettre à plat. Et cela tombe bien, le cardinal Fridolin Ambongo est la personnalité congolaise qui a émis les critiques les plus virulentes contre Félix Tshisekedi.
« Un pays paralysé »
En mars, l’archevêque de Kinshasa a tout d’abord critiqué l’apathie du pouvoir depuis les élections de décembre : « Ça fait trois mois que notre pays est pratiquement paralysé pour la simple raison que toute la classe politique s’est invitée autour du grand gâteau que l’on est en train de se disputer ». En avril, il dénonce la distribution d’armes par le gouvernement aux groupes armés Wazalendo et FDLR, au lieu « de renforcer l’armée régulière avec des soldats sélectionnés et bien formés ».
Kabila attend son heure
Un autre opposant de l’ombre est sur la même ligne que Martin Fayulu : Joseph Kabila. L’ancien président a boycotté l’ensemble du processus électoral de décembre, empêchant ses troupes de se présenter à la présidentielle et aux autres scrutins. Il ne reconnait donc pas le scrutin de décembre. En faisant l’impasse sur les élections de 2023, le Raïs estime, comme Fayulu, pouvoir revenir dans l’arène politique à travers un dialogue politique. Le camp Tshisekedi accuse Joseph Kabila de vouloir jouer la stratégie du chaos, en soutenant notamment, l’ancien président de la Commission électorale (CENI), Corneille Nangaa, partis soutenir les rebelles du M23. Des accusations alimentées par le ralliement de plusieurs cadres du PPRD de Kabila à l’AFC de Nangaa.
Matata, observateur attentif
Si la situation est claire pour Martin Fayulu et Joseph Kabila, elle l’est beaucoup moins pour d’autres opposants, comme Augustin Matata Ponyo. Courtisé par le camp présidentiel, et candidat sénateur, l’ancien Premier ministre attend de voir comment tourne le vent avant de se positionner. D’autant que son procès dans l’affaire de détournement de fonds présumés du projet agro-industriel, Bukanga Lonzo, plane toujours au-dessus de sa tête. Le procès a d’ailleurs été opportunément repoussé en juillet, une fois l’échiquier politique congolais recomposé.
Le mystère Mukwege
Reste une dernière inconnue : l’avenir politique de Denis Mukwege. Avec un score quasi-humiliant de 0,22%, le prix Nobel ne s’est pas encore exprimé sur la suite qu’il pourrait donner à son arrivée en politique. Avec une entrée en campagne trop tardive et un manque cruel de moyens financiers, Denis Mukwege s’est heurté à la dure réalité de la politique congolaise et à un réel déficit de popularité. Le célèbre gynécologue pourrait de nouveau rempiler, mais pour cela, il demande une vraie réforme de la loi électorale, de la CENI et de la Cour constitutionnelle, qui ont largement favorisé le président sortant.
Chamboule-tout politique
L’annonce de la composition du nouveau gouvernement, lancera sans doute les hostilités pour les opposants au président Tshisekedi. La répartition des postes dans les ministères et les institutions au sein d’une majorité pléthorique et très hétérogène, pourrait rebattre les cartes de l’échiquier politique congolais. Des opposants pourraient se rallier à la majorité. Et certains partis, mal servis, pourraient être tentés de quitter l’Union sacrée pour venir regonfler les rangs de l’opposition au sein de l’Assemblée nationale. Raison pour laquelle les opposants attendent de voir l’effet de possibles « migrations » au Parlement. Un « nomadisme » politique érigé en sport national en RDC. Mais au final, deux blocs très classiques d’opposants se font jour : une opposition radicale incarnée par Fayulu et Kabila, et une opposition dite « républicaine » symbolisée par Katumbi ou Matata. Deux oppositions qui restent difficilement réconciliables. Du pain béni pour Tshisekedi… pour l’instant.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Voici un de mes scénarios concernant l’avenir du pays pour les cinq prochaines années :
Ça n engage que moi, mais de mon point de vu le deuxième mandat de Felix est déjà fini. Les réformes structurelles qu il souhaite mettre en œuvre, il n en verra pas les résultats au cours de ce mandat.
Cependant il a une fenêtre de tir en 2025-2026 pour changer la constitution.
L idéal aurait été de lancer le débat pendant la campagne électorale. Ne pas avancer masqué, de sorte à ce que fort de la légitimité de son élection, il puisse ouvrir ce chantier. Passer ce délai, il sera trop tard.
Pour comprendre ce qu il est possible de faire dans les 3 prochaines années dans le domaine économique et social, il faut analyser la trajectoire budgétaire et les choix politiques des dirigeants.
On ne peut mettre en œuvre une politique qu en fonction des moyens budgétaires et financiers dont on dispose.
Or la majeur partie des recettes de l’État ont été mobilisé pour notre défense nationale et insuffisamment pour les investissements d’avenir.
Par ailleurs, la lutte contre la corruption version Tshisekedi est définitivement morte et enterrée depuis ces élections.
Il y aura bien qques arrestations ici ou là pour les médias et le public, ms ces derniers mois les plus hautes autorités judiciaires ont été encouragées au plus haut niveau à se compromettre dans ces pratiques.
De ce fait, je ne vois pas comment redresser la situation dans les 3 ou 4 prochaines années avec ces mêmes personnes indignes de leur fonction.
Or il ne peut y avoir un assainissement en profondeur du fonctionnement de notre État et de ses finances sans que l on ait dans le même temps une justice fonctionnelle.
Aussi, en raison de la lente dégradation de la situation économique, on peut anticiper les nombreuses oppositions, impatiences, trahisons et contestations.
Parmi ses alliés, dans le but d’obtenir d’eux un soutien pour un troisième mandat, il faudra pour le président promettre beaucoup selon l adage qui veut « qu’en politique, il faut donner ce qu’on n’a pas, et promettre ce qu’on ne peut pas donner.”
Cependant, il n y a pas assez de poste dans la République pour satisfaire tous les appétits. Il faudra donc s attendre à des défections dans son camp.
L opposition politique est faible, ce n est pas elle que craint le chef de l Etat, encore moins l’opposition extérieure armée.
Cependant, le président a plus d ennemis qu il n en compte et moins d alliés qu il le croit.
Le danger serait pour lui une redoutable convergence des oppositions. L église catholique, les ONG, leurs médias et leurs relais locaux et internationaux, l opposition politique, une partie de la majorité s étant ralliée à l opposition et l opposition extérieure armée.
C est seul le chemin par lequel je verrais le retour en grâce des renégats de l AFC pour négocier une amnistie et des postes par une alliance avec toutes les oppositions coalisées contre le pouvoir.
Une possible crise politique majeure, comme il y en a désormais tous les 10 ans dans ce pays peut rebattre les cartes plus tôt que prévu. Mais l’ivresse du pouvoir engourdie bien souvent la lucidité de ses détenteurs.
La modification de la Constitution ou la deuxième passation pacifique du pouvoir va faire rentrer le pays dans une période de grande incertitude. Ça sera un virage dur à négocier. Il faudra pour Felix quoi qu’il décide des hommes solides et loyaux. Je n en vois pas bcp dans son entourage.
Le pouvoir doit faire très attention avc les alliés de l Union sacrée. Ces gens soutiennent Felix comme la corde soutient le pendue.
Faire une primaire de 3 des présidents du praesidium de l Union sacrée signifie aux yeux des adversaires que le président n a pas voulu ou réussi à trancher le problème des ambitions de ses alliés.
C est un signe avant-coureur d absence d autorité.
L immense masse hétéroclite des membres de l Union sacrée est aussi une faiblesse avant d être un handicap.
Le pouvoir dominant de Tshilombo qui fait ce qu’il veut et l’opposition dominée et inexistante : la population ne croit plus aux opposants, le rapport de force c’est Corneil Nangaa qui a recruté et entraîné des bataillons de huit mille militaires, bien disciplinés qui se comportent très bien envers la population contrairement aux FARDC qui sont armées et complètement abandonnées par leur hiérarchie et par l’Etat congolais semant la violence dans la population déjà meurtrie.
Wait and see