En pleine crise politique, Joseph Kabila a défendu son bilan devant la presse, sans apporter de réponse sur son avenir politique. Une sortie médiatique qui laisse surtout penser que le président congolais ne veut pas quitter le pouvoir.
Joseph Kabila, présenté comme un président « taiseux », a plutôt été volubile devant la presse, en fin de semaine dernière. Un chef de l’Etat plus à l’aise que d’habitude devant les micros, essentiellement pour défendre son bilan à la tête de la RD Congo. Très attendu sur la tenue des élections, le respect de la Constitution et son avenir poltique, Joseph Kabila a d’abord commencé son point presse… par refaire le match. Et d’expliquer qu’à son arrivée au pouvoir en 2001, « le Congo était en pleine guerre, (…), le pays était divisé, les indicateurs macro-économiques étaient au rouge, (…) le taux de croissance était négatif, (…) et la RDC avait une dette de 14 milliards de dollars ».
Mais sur l’essentiel des interrogations, à l’origine de la crise politique actuelle, Joseph Kabila a passé son temps à contourner les obstacles. Accusé par l’opposition de vouloir se maintenir au pouvoir, alors que la Constitution lui interdit de se représenter, Joseph Kabila n’a rassuré personne sur son avenir après la présidence. La seule parole qui aurait pu faire baisser la tension d’un cran à Kinshasa, aurait été l’annonce de sa non candidature à la prochaine présidentielle, comme le demandent régulièrement l’opposition et les manifestants des marches pacifiques. A la question de savoir si le chef de l’Etat serait candidat à la prochaine présidentielle… Joseph Kabila a préféré botter en touche en demandant de « donner une copie de la Constitution » à la journaliste de RFI qui avait posé la question. Un flou savamment entretenu par le président congolais à chacune de ses déclarations sur le sujet, qui ne risque donc pas de rassurer les Congolais sur une prochaine alternance politique à la tête de l’Etat.
Les élections… ou le développement ?
Sur la tenue des prochaines élections, déjà été reportées par deux fois, là encore Joseph Kabila ne garantit rien et renvoie au calendrier de la Commission électorale (CENI) qui prévoit des élections générales pour décembre 2018. Lorsque l’on sait que la Commission est régulièrement accusée par l’opposition de retarder volontairement la tenue du scrutin, on peut douter de la fiabilité du nouveau calendrier électoral.
Un doute renforcé également par le manque de moyens financiers du Congo pour organiser les élections dans un pays-continent dépourvu de toute infrastructure. Sur ce point encore, les propos de Joseph Kabila inquiètent : « Les élections dans ce pays commencent à coûter plus cher que le développement. Est-ce qu’il faut qu’on soit cité comme le pays le plus démocratique dans le monde ou bien c’est le développement qui compte ? » Une interrogation qui vient confirmer l’idée que, pour le président congolais, le développement vaut mieux que les élections. Problème au Congo, qui est classé parmi les pays les plus pauvres du monde : il n’y a ni développement, ni élections !
Autre source d’inquiétude qui fait douter sur la volonté réelle de Joseph Kabila de quitter le pouvoir : la possible tenue d’un référendum qui permettrait à l’actuel chef de l’Etat de s’autoriser à briguer un troisième mandat. Une nouvelle fois, Joseph Kabila renvoie au calendrier électoral de la CENI, qui ne prévoit pas dans son chronogramme de référendum constitutionnel pour faire sauter le verrou qui limite à deux les mandats présidentiels. Seul souci : le président congolais oublie de dire que plusieurs cadres du PPRD, son propre parti, battent ouvertement campagne dans les rues pour l’organisation d’un référendum. Référendum qui pourrait également faire passer l’élection présidentielle au scrutin indirect.
Un président déjà en campagne ?
Enfin, le discours qui a été tenu devant la presse apparaît en complet décalage avec la réalité congolaise. Le pays continue de s’enfoncer dans la violence et fait face à une crise humanitaire sans précédent avec 4 millions de déplacés internes. 120 groupes armés pullulent encore à l’Est du pays, où l’armée ne parvient pas à mettre fin aux massacres dans la région de Beni. Depuis 2016, ce sont désormais les Kasaï, dans le centre du pays, qui sont se sont enflammés dans des violences interethniques et une répression féroces des forces de sécurité. Avec un budget lilliputien de 5 milliards de dollars pour 80 millions d’habitants, la RDC est également en proie à une grave crise économique dû à la prédation des matières premières par la classe dirigeante, mais aussi par une corruption généralisée qui gangrène le pays. 80% des Congolais vivent encore sous le seuil de pauvreté.
Alors que le pays traverse sa pire crise depuis 20 ans et s’enfonce dans la répression politique, Joseph Kabila a l’air de dire : « qu’est-ce qui ne va pas ? » Et surtout, l’actuel chef de l’Etat a déjà l’air en campagne pour les prochaines élections ! Joseph Kabila a profité de sa sortie médiatique pour vanter ses multiples projets pour le pays : pétrole, infrastructures, cadre macro économique… Ce qui n’est visiblement pas le discours d’une personne qui doit quitter le pouvoir dans 10 mois ! « Quelqu’un qui veut partir le 23 décembre 2018 n’a plus à brandir un projet société » s’étonnait le patron de l’UNC Vital Kamerhe à l’issue du point presse présidentielle. Une chose est sûre, à la fin de la conférence de presse, nous étions déjà devant un président en campagne qui testait ses meilleurs arguments pour se maintenir au pouvoir.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Pour le lâche taiseux qu’il est et pour n’y avoir apporté aucune réponse essentielle à la compréhension et au règlement de la crise en cours, ‘JK’ devrait avoir une raison impérieuse pour tenir quasiment à l’improviste cet arrogant point de presse. Que peut-elle être celle-ci sinon faire savoir à tous et surtout les plus opposés qu’« il était là et y restait envers et contre tout, illégitimement et illégalement, de force contre la loi et la volonté du peuple »… Tant pis à celui qui ne l’aura pas compris, il gobera et en subira encore malheureux les conséquences de ses contrevérités sur les faits d’hier comme d’aujourd’hui, les omissions et les silences secrets au contraire de la prétendue vérité dont notre « petit raïs » ‘omniscient et pluripotent’ était entiché de nous entretenir…
– La situation politique, sociale, économique, sécuritaire sombre que ‘JK’ trouve à son arrivée en janvier 2001 est largement due à l’invasion/occupation du ‘conglomérat d’aventuriers’ auquel il faisait partie ; en effet le Zaïre certes déliquescent de Mobutu en 1996-97 jouissait encore de la paix, de l’unité, de l’intégrité dans ses frontières….
– « Transformer le Zaïrois en Congolais » semble avoir été le projet de la gouvernance de ‘JK’ ! Hélas c’est là pour lui une entreprise impossible car au-delà de son bilan négatif en 17 ans, sa fonction de ‘Cheval de Troie des Rwandais et Ougandais’ découverte par tous le lui interdisait et si on reconnaît à raison avec Kamerhe le mépris non-dissimulé du peuple à travers ces propos une question capitale se pose : « quelle est la nature de ses relations avec les régimes rwandais (et ougandais), l’’occupation rwandaise’ que déjà son défunt père pourfendait avec force démonstration en 1998 n’a-t-elle pas toujours cours aujourd’hui » ?
– A la question de savoir s’il briguerait un nouveau mandat ou s’il ne convoquerait pas un référendum, ‘JK’ a renvoyé les journalistes à la Constitution et au calendrier de la Ceni… ‘JK’ nous prend-il pour d’éternels gogos qui n’auraient pas vu qu’il ne respecte ni cette Constitution ni le calendrier de la Ceni sinon ni lui ni nous ne serions encore là à deviser d’une sortie de crise ? Tout au contraire c’est nous qui ne faisons pas confiance à une quelconque volonté du pouvoir à tenir ces scrutins et ne nous fions pas au calendrier et au fonctionnement de la Ceni qui sommes autorisés à donner une copie de la Constitution et du calendrier électoral à lire à notre raïs…
– Quant à la pirouette cherchant la petite bête « entre élections et développement », on se demande bien quelle mouche l’a piqué pour douter à ce point des bénéfices connus de la démocratisation sur le développement… Pourquoi d’ailleurs ne défend-il pas que le matériel et le savoir accumulés lors des élections de 2006 et 2011 auraient du nous faire faire des économies ? On le comprend, cela aurait révélé une fois de plus la nullité et la perversité de sa gestion à la tête du pays pendant ce temps et le réel risque est que malgré ses rodomontades « nous nous retrouvons à terme ni avec des élections ni avec le développement »…
– Ignorer à ce point la dure réalité du pays, misère et insécurité avec des foyers plus tendus (Nord&Sud Kivu, Kasai, Tanganyik…) comme le fait ‘JK’ dans son numéro d’autosatisfaction sans oublier ses offres inconvenantes de services alors qu’il est là depuis 17 ans et a épuisé avec deux mandats électifs ses prétentions sont là non seulement des dénis dangereux mais confirment bel et bien que ‘JK’ contrairement à ses proclamations ouvertes ne veut d’aucune élection à laquelle il ne participerait pas et surtout pour laquelle il n’aura pas tout magouillé pour la gagner…
Aux Congolais et surtout aux Catho qui mènent aujourd’hui la contestation de le comprendre et surtout d’y aller jusqu’au bout car une sortie de l’autocratie exige de l’audace et de la radicalité : la légitime nécessité d’élections ne peut faire oublier que celles-ci ne suffisent pas, encore faut-il leur exiger une capacité ou un accompagnement à changer les choses durablement, l’« alternative » plutôt que la simple « alternance » comme remède le plus sûr à un avenir meilleur pour ce pays…
‘JK’ avait des choses à dire pour faire sa campagne et donc des cibles à atteindre (l’opposition, la Monusco, la Belgique…) mais sans doute pas des « réelles vérités » comme il le chante à l’adresse du peuple qui lui attend bien des réponses de sa part sur l’avenir mais qui hélas reste le dernier de ses soucis, nous l’avons bien vu…
Il ne faisait que semblant de plaider pour le pays alors que tout son discours ne plaide que pour lui-même, pour son avenir politique…
Il est plus que temps que tous les ‘patriotes Congolais’ se rassemblent pour éliminer une diabolique tumeur en notre sein que représente ce régime…