Fraîchement élu, le nouveau président Tshisekedi cherche des alliés pour contrer la majorité pro-Kabila à l’Assemblée nationale et au Sénat, et la mainmise des proches de l’ancien président sur l’appareil sécuritaire et économique du pays.
Pas d’Etat de grâce pour Félix Tshisekedi. A peine installé à la tête de la République démocratique du Congo (RDC), le tout nouveau président, dont la victoire reste contestée, a vu les dossiers s’empiler sur son bureau et a dû gérer plusieurs situations explosives. Trois jours après son investiture, c’est à l’université de Lubumbashi que des violences éclatent. En cause, des coupures d’eau et d’électricité, ainsi que des frais de scolarité qui augmentent. Le bilan des échauffourées est lourd : 4 morts dont un policier. Félix Tshisekedi, très attendu sur ce type de dossier, fait immédiatement interpeler plusieurs policiers, et leur procès s’est ouvert dès le 1er février. Un premier bon point pour Félix Tshisekedi.
Deux jours plus tard, les salariés de la Société de transports du Congo (Transco) entrent en grève pour réclamer des arriérés de salaire… jusqu’à 50 mois pour certains. Le directeur général de la Transco est suspendu. A la Société commerciale de transport et des ports, à la Société commerciale des Postes et des Télécommunication, ou à la Société nationale d’assurance, les employés descendent dans la rue pour exiger une meilleure gestion de ces entreprises publiques. La présidence promet de s’occuper de ces dossiers chauds, mais le temps presse, et les marges de manoeuvre de Félix Tshisekedi sont restreintes.
Un budget réservé à un gouvernement pro-Kabila
Pour répondre aux fortes attentes sociales des Congolais, dont plus de 70% vivent avec moins de deux dollars par jour, le nouveau président devra trouver les moyens financiers pour combler l’absence de l’Etat dans tous les secteurs du pays. Mais pour cela, Félix Tshisekedi devra avoir accès au maigre budget de l’Etat congolais : entre 5 et 6 petits milliards de dollars pour un gigantesque pays continent de 80 millions d’habitants… autant dire une goutte d’eau dans un océan de sous développement.
Ironie du sort, c’est la coalition du FCC qui restera aux manettes du futur gouvernement congolais. Le prochain Premier ministre devra être issu de la plateforme pro-Kabila. Autant dire que le président congolais n’aura aucune marge de manoeuvre financière pour répondre aux attentes des Congolais. Pour occuper la Primature, les bruits de couloirs font fuiter avec insistance le nom d’Albert Yuma, l’actuel président de la Gécamines. Un choix judicieux, qui permettrait à Joseph Kabila de continuer de contrôler les ressources de la plus importante entreprise minière congolaise, et de présenter un Premier ministre au profil moins politique et moins répressif que le sécurocrate Henri Mova, lui aussi en lice pour la Primature.
Sécuritaire : un champ d’action limité pour Tshisekedi
Si le président Tshisekedi aura difficilement la main sur les ressources financières de l’Etat, il aura également du mal à s’imposer sur le plan sécuritaire. Sans formation militaire et sans relais dans l’armée, Félix Tshisekedi devra composer avec les hommes placés par son prédécesseur, Joseph Kabila. Le nouveau président a tout de même tenté d’envoyer des signes de changements aux Congolais : tout d’abord en exigeant l’arrestation des policiers responsables des violences de l’université de Lubumbashi, et ensuite en demandant aux autorités policières « de la retenue » dans l’encadrement du meeting de l’opposant Martin Fayulu, ce samedi, qui s’est déroulé sans répression et sans arrestation.
Mais très rapidement, on s’est rendu compte que Félix Tshisekedi n’aurait pas les mains libres sur les dossiers sécuritaires. Ce week-end, c’est l’ancien patron de la Direction générale des Migrations (DGM), François Beya Kasonga, qui a été nommé conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité. Ce pro du renseignement a fait ses premières armes sous Mobutu, mais aussi sous Kabila père, avant de servir le fils. Présenté comme « modéré » par la présidence, et natif du Kasaï, comme le président Tshisekedi, François Beya n’a pas laissé que des bons souvenirs aux défenseurs des droits de l’homme et aux opposants politiques. Beaucoup voient dans cette nomination la main de Joseph Kabila.
De maigres ralliements
Etriqué budgétairement et bridé sur la gestion de l’appareil sécuritaire, le président Tshisekedi tente de nouer des alliances tout azimut. Sur le plan politique, le camp présidentiel souhaiterait bien muscler sa présence à l’Assemblée nationale. Avec seulement 48 députés, la coalition Cach de Félix Tshisekedi se retrouve être la troisième force politique à l’Assemblée, loin derrière Lamuka de Martin Fayulu (80 députés), et très loin derrière le FCC pro-Kabila (350 députés). Alors que le FCC tout puissant compte bien régner en maître sur le futur gouvernement, Tshisekedi se cherche de nouveaux alliés. Peine perdu pour l’instant au sein du FCC, trop occupé à ce partager les postes ministériels.
Mais du côté de Lamuka, certains ont déjà franchi le rubicon. Les ralliements viennent du côté de la coalition Ensemble de Moïse Katumbi : Gabriel Kyungu, Delly Sessanga et Jean-Bertrand Ewanga ont tous reconnus la victoire de Félix Tshisekedi, alors que leur poulain, Martin Fayulu, continue de contester les résultats du scrutin. Les prises de guerre sont encore timides et ne remettent pas en cause les rapports de force, largement à l’avantage des proches de Joseph Kabila.
Trouver des alliés régionaux… et occidentaux
Les soutiens que Félix Tshisekedi n’arrivent pas, pour l’instant, à trouver en interne, il va les chercher à l’extérieur. Le président congolais est condamné à jouer la carte des partenaires de la RDC, avec en tête, les pays de la région. Tshisekedi se rendra cette semaine chez son voisin congolais, Denis Sassou Nguesso, puis en Angolais et au Kenya. Avec les forts soupçons de fraude qui pèse sur l’élection présidentielle, les pays de l’Union africaine, Rwanda, Congo Brazzaville, Angola, avaient émis de forts doutes sur la transparence du scrutin et avaient demandé le recompte des voix. Mais dès le lendemain, la Cour constitutionnelle avait validé la victoire de Félix Tshisekedi, prenant l’Union africaine de court. Depuis, les pays de la région ont revu leur position et se sont montrés plus conciliants avec le nouveau pouvoir. Comme l’Union européenne, avec France en tête, l’Union africaine fait le pari de la stabilité du Congo, grâce à une élection négociée entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, évitant ainsi l’embrasement du pays. Un pari à court terme que compte bien capitaliser Félix Tshisekedi.
Auprès des pays de la région, Tshisekedi peut y trouver un appui pour consolider son pouvoir… et sa légitimité, très fragile en interne. Auprès de l’Union européenne et des occidentaux, il peut trouver des marges de manoeuvres financières. Félix Tshisekedi sait que le temps presse, et le rapport de force est très défavorable pour l’actuel président, corseté par un appareil étatique entièrement noyauté par des proches du président sortant. Pour contourner le verrouillage du pays par le système Kabila, Félix Tshisekedi devra composer avec ses voisins et renouer des relations de confiance avec les occidentaux. Un revirement qui sera délicat pour le nouveau camp présidentiel qui a fustigé l’ingérence étrangère dans le processus électoral et qui a accusé son concurrent Martin Fayulu d’être le candidat de l’occident et du monde des affaires. Mais Félix Tshisekedi n’a plus le choix. Une fois installé dans le fauteuil présidentiel, la carte du soutien régional et international constitue sans doute la seule option du président congolais pour s’imposer à la tête de l’Etat congolais… et tenter d’y rester.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Dans toutes vos analyses, vous ignorez le soutien que plus de 80% de la population témoigne au nouveau Président ainsi que la légitimité qu’il tire du peuple
C’est effarant ce que le fanatisme peut brouiller l’objectivité d’un raisonnement.
Bon nombre de nos compatriotes ne veulent pas admettre que la FRAUDE orchestrée par la CENI et la cour constitutionnelle, vient de nous faire plonger dans une crise d’illégitimité du pouvoir.
Eux qui, hier encore, combattaient le pouvoir illégal et illégitime de Kabila n’hésitent même pas à encenser celui-ci.
Le d’une présidence illégitime et vidé de sa substance les rend fous et aveugles.