Après plusieurs semaines d’atermoiements, la Commission électorale (CENI) a publié les résultats partiels des élections législatives en République démocratique du Congo (RDC). Si la majorité présidentielle de Joseph Kabila arrive en tête, les grands partis sont en perte de vitesse au profit d’une centaine de petites formations hétéroclites. Côté majorité, Joseph Kabila devra donc conclure des alliances et s’appuyer sur les nouveaux gagnants du scrutin : les « indépendants » du PPPD et le MSR de Pierre Lumbi et ses 25 sièges. Côté opposition, l’UDPS devra elle aussi trouver des alliés pour avoir voix au chapitre.
Les contours de la nouvelle assemblée nationale congolaise commencent à se dessiner plus nettement. Après les résultats, presque complets, publiés par la CENI, 432 sièges sont désormais attribués, sur les 500 de l’assemblée. Après un rapide calcul, Joseph Kabila devrait pouvoir compter sur un peu plus de 245 députés, alors que l’opposition cumulerait péniblement 80 sièges. Pour le chercheur Thierry Vircoulon, responsable de l’Afrique centrale à l’International Crisis Group (ICG), « le fond de la structure politique de l’assemblée nationale congolaise, n’a pas vraiment changé et la hiérarchie des partis est respectée. Mais on peut noter un « aplatissement » de l’assemblée avec une prolifération de toutes petites formations au dépend des grands partis traditionnels. Une prolifération de petits partis qui va à l’encontre de ce que cherchait Joseph Kabila et le PPRD. Le pouvoir souhaitait un système bi-partisan avec un grand bloc de la majorité et un grand bloc d’opposition. On est dans la tendance inverse, c’est à dire une fragmentation politique« .
Derrière le PPRD d’Evariste Boshab (58 sièges), la majorité présidentielle de Joseph Kabila devra trouver une nouvelle coalition. Notamment avec le PPPD de Ngoma Binda et ses 27 sièges, le MSR de Pierre Lumbi (25 sièges), le Palu d’Antoine Gizenga (16 sièges), l’ARC d’Olivier Kamitatu (14 sièges), l’AFDC de Modeste Bahati (12 sièges) et plusieurs dizaines « d’indépendants ». Pour l’opposition, le premier parti devient l’UDPS d’Etienne Tshisekedi (34 sièges) qui coiffe le MLC de Jean-Pierre Bemba (20 sièges), l’UNC de Vital Kamerhe (16 sièges) et l’UFC de Léon Kengo (3 sièges).
Thierry Vircoulon note trois faits marquants pour la majorité de Joseph Kabila :
– « la dégringolade du Palu d’Antoine Gizenga« , qui chute avec seulement 16 sièges,
– « la bonne performance du MSR de Pierre Lumbi« ,
– « l’arrivée d’un petit nouveau, le PPPD, une sorte de « faux nez » du PPRD, qui permettait à certains candidats de ne pas se présenter avec l’étiquette du PPRD« .
Cette recomposition de la majorité présidentielle aura bien sûr des conséquences sur la composition du futur gouvernement et la nomination du prochain Premier ministre. Selon Thierry Vircoulon, « Joseph Kabila devra choisir entre prendre quelqu’un au sein du PPRD (premier parti de l’assemblée), soit rester dans sa logique précédente et choisir son Premier ministre dans un parti allié. Si tel est le cas, je pense que le MSR de Pierre Lumbi est assez bien placé, ainsi que le PPPD« . Dans le camp de l’opposition, il faudra aussi composer avec ses alliés pour exister. Pour Thierry Vircoulon, « s’il n’y a pas d’alliance sérieuse entre l’UDPS et le MLC, l’opposition sera réduite à sa portion congrue à l’assemblée nationale« .
Mais attention, il existe encore plusieurs inconnues sur l’issue du scrutin législatif :
– tous les résultats ne sont pas encore publiés, comme à Kinshasa, dans le Rutshuru et à Mbujyi Mayi,
– il y a ensuite 7 circonscriptions où l’on doit revoter suite à des violences,
– des centaines de recours ont enfin été déposés à la Cour suprême de justice de Kinshasa, à cause des nombreuses irrégularités qui ont émaillé le scrutin et aux soupçons de fraudes.
Après une élection présidentielle contestée et l’auto-proclamation d’Etienne Tshisekedi comme président élu, la crise politique congolaise ne s’apaisera pas avec des législatives qui ne donneront visiblement aucune place à l’opposition. La communauté internationale semble se satisfaire de ce statu quo politique.
Christophe RIGAUD