Depuis les signatures de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda et de la déclaration de principes avec les rebelles de l’AFC/M23, le calendrier prend du retard. Deux points blocage perdurent. A Washington, sur le séquençage entre la neutralisation des FDLR et le départ des troupes rwandaises. Et à Doha, sur le retrait de la rébellion des zones qu’il contrôle, ce que le l’AFC/M23 refuse.

Un mois après la signature de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda à Washington, et dix jours après celle de la déclaration de principes entre le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC/M23, la mise en oeuvre des textes et du calendrier se font attendre. Aucune avancée ne s’est fait sentir sur le terrain, où les affrontements se poursuivent entre milices supplétives de Kinshasa et rebelles. Beaucoup d’espoirs s’étaient pourtant portés sur l’accord de Washington, censé mettre fin à 30 ans d’instabilité entre la RDC et le Rwanda. Dans son volet sécuritaire, le texte prévoit le retrait des soldats rwandais du Congo et la fin du soutien au M23, alors qu’en contre-partie, la RDC doit neutraliser les FDLR, un groupe armé hostile à Kigali, et accepter le retour des réfugiés. Un volet économique, qui sera discuté en septembre, envisage un deal sur l’accès aux minerais congolais et leur transformation au Rwanda, assorti d’investissements d’entreprises américaines dans le secteur. Pour l’instant, le calendrier peine à se mettre en place.
FDLR, le séquençage de la discorde
Dans le cadre de l’accord de Washington, la mise en place d’un mécanisme conjoint de coordination entre la RDC et le Rwanda, phase préparatoire à l’organisation de la traque aux FDLR, devait être effective le 27 juillet. Force est de constater que rien n’a été acté, et sa mise en oeuvre est repoussée de plusieurs jours. En attendant, le comité de surveillance commun entre la RDC et le Rwanda, piloté par les États-Unis, le Qatar et l’Union africaine, prévu pour le 11 août, pourrait, selon des informations de RFI, être avancé cette semaine. Il sera intéressant de voir qui fait quoi sur le terrain, entre l’armée congolaise, les troupes rwandaises, l’AFC/M23 et les Wazalendo. Reste un point litigieux à éclaircir dans l’accord de Washington, qui conditionne son succès : le séquençage entre les opérations de lutte contre les FDLR et le retrait des troupes rwandaises. Pour Kigali, la neutralisation des FDLR conditionne leur départ, alors que pour Kinshasa et Washington, les deux opérations doivent se dérouler simultanément. Enfin, la traque aux FDLR semble plus délicate que prévue à mener, puisqu’une partie du groupe armé se trouve dans des zones actuellement contrôlées par l’AFC/M23.
Le délicat retrait du M23
Pour les Etats-Unis, l’accord de Washington ne peut avoir un impact positif sur le terrain, que si Kinshasa et l’AFC/M23 trouve un accord à Doha, dans l’autre initiative de paix en cours, sous médiation Qatarie. Sur la table des négociations, la RDC et les Etats-Unis réclament le retrait des rebelles des territoires qu’ils contrôlent. Une disposition « inacceptable » pour l’AFC/M23 qui plaide pour une co-administration de ces régions avec Kinshasa sur le modèle du fédéralisme. Une ligne rouge pour le gouvernement congolais qui plaide pour le retour de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire. Ces deux exigences semblent, pour le moment, irréconciliables. C’est d’ailleurs pour cette raison que les deux parties n’ont signé qu’une simple déclaration de principes, le 19 juillet dernier, et non un accord. La déclaration acte un cessez-le-feu, la libération des prisonniers politiques, et le retour des réfugiés. Mais rien sur un possible désarmement et cantonnement des rebelles. Sur le terrain, les combats se poursuivent, mais pas entre l’armée congolaise et l’AFC/M23, mais avec les Wazalendo, ces groupes armés pro-Kinshasa, ce qui permet de respecter « sur le papier » un cessez-le-feu très virtuel. La semaine dernière, la rébellion a tenu un point presse en forme de coup de pression sur Kinshasa, en conditionnant la reprise de ses discussions à Doha à la libération des prisonniers politique, et en réaffirmant qu’elle ne se retirerait pas de ses territoires. « Aucune force ne nous délogera d’ici, car nous sommes chez nous » a rappelé Benjamin Mbonimpa, le négociateur principal de l’AFC/M23 à Doha.
Le retour de l’AFC/M23 à Doha conditionné
Côté calendrier, Doha souffre, comme Washington, d’un retard à l’allumage. Le 29 juillet était la date limite pour la mise en œuvre effective des dispositions de la déclaration de principes. Pour l’instant, les combats se poursuivent sur le terrain, le dossier des prisonniers est au point mort et seul celui des réfugiés a connu une timide avancée. La RDC, le Rwanda et le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) se sont, en effet, accordés sur les principes de rapatriement volontaire des réfugiés. Le 8 août constituera la prochaine date butoir à surveiller, avec le lancement des négociations directes pour un accord de paix. Mais nous avons vu que l’AFC/M23 conditionne son retour à la table des négociations à la libération des prisonniers politiques. Une tâche complexe pour accorder les exigences de la rébellion et de Kinshasa, qui risque de prendre plus de temps que prévu.
Des accords au forceps
Enfin, il y a la date du 17 août, où l’accord final doit être signé et la question du retrait, ou repli du M23, réglée. Le calendrier semble bien optimiste au vu des nombreux points de divergences et des lignes rouges qui subsistent entre les deux parties. Ces négociations à marches forcées sont une volonté de Donald Trump qui cherche à arracher un accord de paix dans les plus brefs délais. D’ailleurs, Washington a déjà mis en branle son administration pour travailler sur le deal économique « minerais contre sécurité » avant même que l’accord global ne soit signé. Ce qui donne l’étrange impression que le business passe avant la sécurité. Pourtant, les deux textes signés à Washington et Doha, peuvent, sur le papier, enclencher une dynamique positive pour la résolution du conflit. Mais le contenu des accords ne diffère pas des précédents, qui n’ont jamais été respectés. Nairobi en 2022 et Luanda en 2042 ont tous été des échecs. Le premier, parce qu’il excluait le M23, le second parce que Kinshasa faisait des négociations directes avec les rebelles une ligne rouge infranchissable.
Kinshasa mise tout sur Washington
Les lignes ont certes bougé, puisque Kinshasa s’est résolu à entamer le dialogue avec l’AFC/M23 à Doha, mais le chemin est encore long puisque le retrait de l’AFC/M23 des zones qu’il contrôle reste le point de blocage majeur entre Kinshasa et la rébellion. D’autant que les prétextes ne manquent pas à chacune des parties pour ne pas respecter les engagements des accords signés. En fait, Kinshasa compte surtout sur Washington pour faire plier la rébellion. Donald Trump en a les moyens. Le président américain a récemment déclaré que les présidents congolais et rwandais devaient se retrouver très prochainement dans la capitale américaine pour signé le texte final. Il peut sans doute arriver à ses fins, mais avec quelle place pour l’AFC/M23, et quelles conséquences en cas de non-respect de l’accord ? Les Etats-Unis revêtiront-ils de nouveau le costume du gendarme ? Pour l’instant, nous n’en savons rien.
Christophe Rigaud – Afrikarabia