Accusé « d’atteinte à la sûreté de l’Etat » et « d’espionnage », le chercheur belgo-portugais Joseph Figueira Martin est en détention à Bangui depuis le 25 mai dernier. Si les autorités belges, portugaises et centrafricaines sont désormais en contact étroit, son frère, Georges, plaide pour « un immense malentendu », renforcé par la présence de la milice russe Wagner.
Cela fait maintenant 50 jours que Joseph Figueira Martin est détenu en Centrafrique. Ce chercheur et consultant expérimenté de 41 ans était en mission dans le Sud-Est du pays pour une ONG américaine, Family Health International 360 (FHI 360). Il y préparait un programme de développement communautaire. Spécialiste des questions de transhumance et de pastoralisme, Joseph Figueira Martin avait collaboré pour des organisations reconnues comme International Crisis Group (ICG), Global Witness ou l’Union européenne (UE). Ce citoyen belgo-portugais a été interpellé le 25 mai à Zemio, dans la région du Haut-Mbomou, une zone frontalière avec la République démocratique du Congo (RDC) voisine.
« Il y a un immense malentendu »
Le consultant humanitaire est accusé par la justice centrafricaine « d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, d’incitation à la haine et à la révolte contre les Forces de Défense et de Sécurité ». On reproche à Joseph Figueira Martin d’avoir été en lien avec des groupes armés et d’avoir voulu mettre en place un « vaste réseau terroriste ». Selon son frère, Georges, contacté par Afrikarabia, Joseph a été transféré la semaine dernière de l’Office centrale de répression du banditisme (OCRB), au camp de Roux, où ses conditions de détention se sont détériorées. Georges Martin réfute en bloc les charges qui pèsent contre son frère. Selon lui, « il y a un immense malentendu ». « Son travail pour l’amélioration des conditions de vie des populations locales l’amène à se déplacer dans des zones de conflit difficiles d’accès. Pour s’y rendre, il est obligé de demander des autorisations pour pouvoir circuler, justement à ces personnes à qui on lui reproche d’avoir parlé » explique Georges Martin. « Il doit communiquer avec tous les acteurs de la région pour évaluer la situation et identifier les besoins des populations. Il a un rôle de prévention des conflits, et on ne comprend vraiment pas ce qu’on lui reproche ».
« Aujourd’hui, les trois gouvernements se parlent »
Fin juin, la famille de Joseph Figueira Martin est sortie de son silence, via un communiqué, pour demander aux autorités belge, portugaise et à l’ONG FHI 360 « de tout faire » pour venir en aide à Joseph. Il semblerait que cette initiative ait permis d’accélérer les contacts entre les trois gouvernements, belge, portugais et centrafricain, mais aussi avec l’ONG américaine, qui était restée peu active sur le sujet. Aujourd’hui, Georges indique que tous les acteurs se parlent « pour trouver une solution » à la détention de son frère. La famille de Joseph compte également sur la France pour jouer un rôle de médiation qui pourrait être dans cette affaire, sachant que seule Paris possède une ambassade sur place, à Bangui, contrairement à Bruxelles ou Lisbonne. Même si les relations entre la France et la Centrafrique sont tendues, les deux capitales continuent de maintenir un canal de dialogue qui pourrait être déterminant.
Wagner omniprésent en Centrafrique
La situation sécuritaire et géopolitique en Centrafrique n’est pas des plus simples. Le pays est toujours morcelé entre les groupes armés locaux : 3R (Retour, Réclamation et Réhabilitation) au Nord-Ouest, et UPC (Union pour la Paix en Centrafrique) au Centre et au Sud-Est, la zone où travaillait Joseph. C’est dans cette région, que les paramilitaires russes de Wagner combattent avec des miliciens locaux, l’UPC du chef rebelle Ali Ndarassa. La présence de Wagner explique sans doute « le malentendu » évoqué par Georges Martin. « Je pense que les Russes ont mal interprété le fait que Joseph travaillait pour une ONG américaine et donc, espionnerait pour le compte des Etats-Unis ». L’arrestation de Joseph Figueira Martin a d’ailleurs été largement relayée par certains médias et comptes pro-russes sur les réseaux sociaux, avec photos, captures d’écran de téléphone à l’appui.
Pas de témoin où Wagner opère
Selon un spécialiste de la région, la présence de la milice Wagner est cruciale dans cette affaire. « Pour Wagner, l’objectif de cette arrestation est de faire un exemple avec un message clair : on ne veut pas de chercheurs, de journalistes ou d’ONG internationales dans notre arrière-cour ». Si la situation politique à Bangui reste complexe, le frère de Joseph Figueira Martin veut rester confiant, et souhaite « tendre la main vers les autorités centrafricaines pour trouver une solution ensemble. Même si ce sont plutôt les autorités belges et portugaises qui devraient davantage s’engager à échanger avec Bangui. En tant que famille, nous voulons établir un dialogue qui se veut constructif ».
Christophe Rigaud – Afrikarabia
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