« Contestation de l’existence d’un crime contre l’humanité, en l’espèce un crime de génocide » : c’est l’incrimination qui a conduit le polémiste Charles Onana et son éditeur Damien Serieyx devant la XVIIe chambre du tribunal correctionnel de Paris[1]. Nous rendons compte aujourd’hui de la fin de ce procès historique, avec les plaidoiries des avocats et le réquisitoire du parquet. Les deux accusés se sont cramponnés à leur stratégie du profil bas. L’expression favorite de Charles Onana, « double génocide », a disparu. Mais comment oublier ses déclarations antérieures, et d’autres livres sulfureux critiquant « l’histoire officielle » publiés par son éditeur, L’Artilleur ? La plaidoirie de Me Rachel Lindon, avocate d’Ibuka France, a éclairé des débats où les accusés tentaient de créer la confusion.
Synthèse réalisée par Jean-François DUPAQUIER à partir des notes d’audience de Survie, Ibuka-France et divers observateurs ou témoins.
4e jour du procès de Charles Onana, fin
Ce 11 octobre, les plaidoiries des conseils des parties civiles débutent vers 15 heures. La présidente Madame Delphine Chauchis donne la parole à Me Rachel Lindon, avocate d’Ibuka France, première à plaider. Son propos est très construit et argumenté sur une solide jurisprudence. Nous citons une large partie de sa plaidoirie car les autres avocats des parties civiles reprendront des éléments de sa démonstration.
Me Rachel Lindon rappelle la définition du génocide en droit français (Art. 211-1 du Code pénal) [2] et celle du crime contre l’humanité (Art. 212-1 du Code pénal)[3]. Elle souligne que le délit de négationnisme, traditionnellement énoncé comme « contestation de crime contre l’humanité » est une infraction prévue par l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, introduite par la loi dite Gayssot du 13 juillet 1990.
Me Lindon : « La négation, la minoration ou la banalisation outrancière d’autres génocides que la Shoah sont dorénavant réprimées de par la loi du 27 janvier 2017. Le génocide commis contre les Tutsi du Rwanda faisant l’objet d’une reconnaissance internationale et nationale, sa négation est incontestablement sanctionnable. Le « constat judiciaire » du 16 juin 2006 devant le TPIR rappelle que le génocide commis contre les Tutsi est un « fait avéré ». Il n’est plus à démontrer. [4]
Me Rachel Lindon : « La négation du génocide des Tutsi est incontestablement sanctionnable »
L’avocate rappelle qu’en France plusieurs procès de Rwandais suspectés de génocide ont donné lieu à des condamnations : celle du capitaine Pascal Simbikangwa, condamné définitivement le 14 mars 2014 à 25 ans de prison pour génocide et complicité de crime contre l’humanité ; celle de MM Octavien Ngenzi et Tito Barahira, condamnés définitivement en appel le 6 juillet 2018 à la réclusion à perpétuité ; celle de M. Muhayimana, condamné en première instance le 16 décembre 2021 à 14 ans de prison ; celle de M. Philippe Hategekimana condamné en première instance le 28 juin 2023 à la réclusion à perpétuité [son procès en appel a commencé lundi 4 novembre 2024] ; Celle de M. Sosthène Munyemana condamné en première instance le 20 décembre 2023 à 24 ans de prison. [Depuis lors est intervenue la condamnation d’Eugène Rwamucyo le mercredi 30 octobre 2024 à 27 années de réclusion – il a aussitôt fait appel]
Me Lindon : – « Dans ces affaires, les cours d’Assises ont systématiquement repris le constat juridique exposé par le TPIR dans l’affaire Karemera du 16 juin 2006 et ont toutes constaté que « le crime de génocide tel que défini par l’article 211-1 du Code pénal à savoir l’existence d’atteintes volontaires à la vie ou d’atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique, en exécution d’un plan concerté, tendant à la destruction totale ou partielle du groupe ethnique tutsi a bien été commis au Rwanda entre avril et juillet 1994 ».
« En France plusieurs procès de Rwandais suspectés de génocide ont donné lieu à des condamnations »
Me Lindon revient ensuite sur une affaire emblématique du négationnisme en France : les poursuites judiciaires contre le philosophe René Garaudy [1913-2012] pour son ouvrage intitulé « Les mythes fondateurs de la politique israélienne »[5], Garaudy, converti à l’islam au début des années 1980, y soutient la thèse négationniste d’un complot sioniste, qui aurait inventé la Shoah pour justifier l’expansionnisme israélien.
Globalement, Roger Garaudy, nie le génocide commis par les nazis contre les Juifs. Il adopte ainsi des thèses fondamentales du négationnisme : Hitler n’aurait pas donné l’ordre de l’extermination ; le mot extermination serait une fausse traduction et désigne en fait l’expulsion des Juifs ; les Juifs furent décimés par le typhus. Les fours crématoires servaient à brûler les cadavres de morts de maladie. Il n’y aurait pas de témoins fiables. Les crimes des Alliés seraient pires que ceux des nazis. Les chambres à gaz n’existeraient pas, etc.
L’antisionisme radical de Roger Garaudy l’avait conduit, dès 1982, à comparer sionisme et nazisme.
« L’arrêt de condamnation le philosophe René Garaudy… »
Condamné en première instance puis en appel, Roger Garaudy s’était pourvu en cassation. La Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 12 septembre 2000, que « la contestation de l’existence des crimes contre l’humanité entre dans les prévisions de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, même si elle est présentée sous forme déguisée ou dubitative ou encore par voie d’insinuation ; qu’elle est également caractérisée lorsque sous couvert de recherche d’une supposée vérité historique, elle tend à nier les crimes contre l’humanité commis par les nazis à l’encontre de la communauté juive ».
Me Rachel Lindon commente : « Cet arrêt est particulièrement intéressant. Il valide entièrement la décision de la Cour d’appel de Paris qui avait reconnu le prévenu coupable de contestation de crimes contre l’humanité, à l’appui d’une analyse précise des propos poursuivis. Cet arrêt est très utile pour qualifier les écrits de Charles Onana et de son éditeur Damien Serieyx, comme un décalque des écrits de M. Garaudy concernant les Juifs.
… « est très utile pour qualifier les écrits de Charles Onana et de son éditeur »
Me Lindon rappelle que Roger Garaudy se présentait comme un intellectuel et un érudit. Il faisait état, selon la Cour d’appel « d’une démonstration « ordonnée autour de deux thèmes : la contestation des conditions d’étude des faits [la Shoah], la contestation des faits eux-mêmes [l’extermination programmée] ».
La Cour d’appel de Paris a décortiqué la méthode de Garaudy qui tentait de disqualifier des faits de notoriété publique dans l’ouvrage litigieux : il « procède d’une banalisation de ces derniers, de leur péjoration, de la disqualification des institutions et des témoignages concernant le sujet, enfin d’une contestation du sens des mots ».
La Cour d’appel de Paris précisait, eu égard à la banalisation des faits que « face à un événement considéré comme exceptionnel, celui de la destruction de personnes en raison de leur seule appartenance à une race, [l’accusé] effectue un certain nombre de comparaisons qui ont pour objet de banaliser le crime […] ».
« La Cour d’appel de Paris a décortiqué la méthode de Garaudy »
Roger Garaudy se prévalait de la liberté d’expression et de « la nécessité d’ouvrir un débat ». Un argument qui n’a pas impressionné les magistrats. Ces dernier écrivent : « […] cette démarche qu’il présente comme de rigueur historique est en fait accompagnée d’une autre qui consiste, par les termes employés à frapper à l’avance d’imposture la question de l’extermination systématique et massive des juifs ; c’est ainsi que l’on relève entre guillemets « les chambres à gaz », « les génocides » et les « holocaustes », présentés comme un « alibi inespéré » (page 140), « le dogme de l’extermination par le feu » (page 145), « le mythe déguisé en histoire et son utilisation politique » (page 222), « le mythe de six millions de juifs exterminés devenu un dogme justifiant, sacralisant (comme l’indique le mot même d’Holocauste) toutes les exactions » (page 85) ; que si le mythe peut recevoir le sens d’une représentation symbolique, il apparaît, au regard du contexte, qu’il est ici employé dans un sens de contrevérité »
Dans le but de disqualifier les institutions et des témoignages, « les termes employés par Roger Garaudy au sujet du Tribunal de Nuremberg sont systématiquement de contestation de sa légitimité et de dévalorisation de son action » et que les témoignages qui contredisent le prévenu sont tous repoussés.
Roger Garaudy employait déjà des guillemets pour l’énoncé des termes « holocauste », « génocide » et « extermination »
Roger Garaudy employait déjà des guillemets pour l’énoncé des termes « holocauste », « génocide » et « extermination ». Un emploi des guillemets qui a été jugé « particulièrement révélateur de la contestation des faits auxquels ces appellations correspondent, et ce, d’autant plus que les expressions suivantes sont utilisées par ailleurs : « la mythologie exterminationniste », « les prétendus camps d’extermination » ou encore « la fable d’Auschwitz »
Comme à peu près tous les négationnistes, Roger Garaudy opposait une « vérité officielle » à sa propre contre-vérité.
En 2007, la Cour d’appel de Paris a confirmé qu’une prévenue avait justement été reconnue coupable de contestation de l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité puisqu’il était établi qu’elle avait diffusé sur son site Internet un texte insinuant que les « génocideurs » – en l’occurrence les juifs – « se feraient passer pour victimes d’un génocide ».
L’affaire Anne Guerrier
Me Rachel Lindon cite cette décision judiciaire significative d’une autre poursuite pour négationnisme : « Dans un jugement « Anne Guerrier »[6] rendu le 9 novembre 2017, la 17e chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris est entrée en voie de condamnation, sur le fondement suivant : « En imputant à des juifs d’avoir commis et organisé la Shoah pour désigner le génocide dont ont été victimes les Juifs d’Europe pendant la Seconde guerre mondiale, Anne Guerrier, qui confirme être l’auteur de ce propos et l’avoir publié sur Facebook, remet en cause les décisions du Tribunal militaire de Nuremberg, qui a reconnu l’existence de ce génocide et la responsabilité, dans ce crime, de membres du gouvernement et de l’administration de l’Allemagne nazie. »
Les juges de la 17e chambre ajoutaient : « Ce faisant, la prévenue inverse le rôle des victimes et des criminels véritables et conteste, partant, l’existence de ce crime contre l’humanité. »[7]
Me Rachel Lindon aborde ensuite la thématique du « double génocide » : « Les théoriciens du double génocide, dont les thèses continuent d’être propagées, notamment dans des cercles extérieurs aux réseaux négationnistes, ont sciemment créé la confusion autour du génocide des Tutsi et fait disparaître, ce faisant, le génocide bien réel derrière le deuxième, créé de toutes pièces. La théorie du double génocide, qui prend la forme d’une accusation en miroir, trouve son origine dans la propagande extrémiste des années 1990. Elle cite à ce sujet un article éclairant de l’historienne Hélène Dumas[8]
« Les théoriciens du « double génocide » ont sciemment créé la confusion autour du génocide des Tutsi »
L’avocate poursuit : « Cette accusation en miroir ressort bien d’un pamphlet écrit par Léon Mugesera. Ce propagandiste rwandais particulièrement actif dans les années précédant le génocide dans ce pamphlet publié en février 1991, avançait déjà « que le FPR avait l’intention de « restaurer la dictature des extrémistes de la minorité tutsi » au moyen d’un « génocide, […] l’extermination de la majorité des Hutu ».[9]
Elle commente : « L’objectif poursuivi par les négationnistes est lui aussi de masquer l’exacte réalité du génocide des Tutsi. L’idéologie est particulièrement perverse en ce que, sans nier la réalité des massacres perpétrés contre les Tutsi, elle interprète les faits de sorte que la qualification de génocide est remise en question.
Me Rachel Lindon cite un article de l’historien Jean-Pierrre Chrétien[10] : Pour ce faire, ils « s’emploient simultanément à relativiser, normaliser et légitimer les tueries ».
« Ils « s’emploient simultanément à relativiser, normaliser et légitimer les tuerie »
Le raisonnement de cette théorie est simple : le génocide aurait été causé (et non planifié) par l’attentat du 6 avril 1994 dans lequel le président Juvénal Habyarimana a trouvé la mort, cet évènement ayant déclenché la violence « spontanée » des Hutu vengeant la mort de leur président.
L’avocate réfute par avance un argument attendu des accusés sur les massacres commis pendant les deux guerres du Congo : « Ainsi que le souligne Monsieur Patrick de Saint-Exupéry, si des massacres ont été commis notamment dans les camps de réfugiés en République Démocratique du Congo (RDC), « un massacre plus un massacre plus des tas de massacres ne font pas un génocide »[11].
Vers la fin de sa plaidoirie, Me Lindon revient sur les citations faisant l’objet des poursuites pour négationnisme, reconnues par le polémiste franco-italo-camerounais Charles Onana et son éditeur Damien Serieyx dans l’ouvrage « Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise. Quand les archives parlent. »
Rappel des citations en cause
Me Rachel Lindon rappelle ces phrases qui figurent dans la citation contre MM Onana et Serieyx pour le ivre « Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise » paru fin 2019 aux Éditions de l’Artilleur:
« Il est désormais établi que l’actuel régime de Kigali ne supporte pas les universitaires, les journalistes et les auteurs dont les travaux nuancent ou contredisent le dogme ou l’idéologie du « génocide des Tutsis ». L’arme de destruction massive qui a été trouvée pour disqualifier ou pour discréditer le travail des chercheurs américains est de les traiter de « révisionnistes » ou de « négationnistes » , un vocabulaire réservé en général aux auteurs qui nient l’Holocauste des Juifs et que certains veulent étendre abusivement et maladroitement à la tragédie rwandaise. Soyons clair, le conflit et les massacres du Rwanda n’ont rien à voir avec le génocide des Juifs ! Toute tentative de mariage forcé ou de comparaison entre ces deux événements distincts est abusive et déplacée. » (page 34)
« Ceci démontre, s’il en était encore besoin, que la thèse conspirationniste d’un régime hutu ayant planifié un « génocide » au Rwanda constitue l’une des plus grandes escroqueries du XXe siècle. » (page 198)
« Paul Kagame et ses hommes n’ont jamais sauvé les Tutsis d’un quelconque « génocide » et ils n’ont jamais envisagé cela. » (page 456)
« Continuer à pérorer sur un hypothétique « plan de génocide » des Hutus ou une pseudo-opération de sauvetage des Tutsis par le FPR est une escroquerie, une imposture et une falsification de l’histoire. » (page 46)
« Personne ne nie la réalité des millions de victimes tutsies, hutues et twas du Rwanda et du Zaïre, mais faire du « génocide » la principale source d’explication ou même l’unique tentative d’explication est une aberration sur le plan intellectuel et scientifique. » (page 32)
« Les attitudes qui consistent à désigner, sous la pression du sens commun ou du discours officiel, les auteurs et les victimes présumés du « génocide » et qui écartent, dans les mêmes conditions, d’autres auteurs ou victimes présumés de crimes contre l’humanité au Rwanda relèvent soit d’une approche purement discriminatoire, (…) » (page 79)
« Les massacres de civils ont effectivement commencé dans la capitale le 7 avril 1994 après l’annonce de l’assassinat du chef de l’État rwandais. Ils vont, par la suite, s’étendre à tout le pays à l’initiative de tous les groupes armés et contre l’ensemble des populations rwandaises. Mais le mode de désignation des victimes ne se fera jamais sur les fondements d’une enquête minutieuse et approfondie mais plutôt à la hâte, dans la précipitation et l’affect du moment. » (page 89)
« Tout ce qui consiste à mettre le « génocide » et pas la conquête du pouvoir au centre de la recherche sème la confusion et entretient inutilement la polémique. » (page 125)
« Autrement dit, pour ne pas avoir à s’exposer à la moindre réflexion ou à des questions embarrassantes, les États-Unis valident ainsi, sans la moindre réserve, et très officiellement la demande pressante du FPR de retenir le mot « génocide » ou de qualifier comme tel les massacres du Rwanda. Ce terme est donc retenu sans examen ni enquête préalable. Sa validation ne sera jamais soumise à l’avis des magistrats professionnels ni à la consultation d’une quelconque juridiction internationale. C’est la volonté du FPR et la décision d’un secrétaire d’État américain qui ont conduit à parler de « génocide » au sein des Nations unies el principalement au Conseil de sécurité. » (page 190)
« Est-ce le « génocide » ou la conquête du pouvoir par les armes, qu’est-ce qui est la cause des massacres en 1994 au Rwanda ? [ ..) Autrement dit, le « génocide » n’est pas le cœur du sujet el n’explique finalement rien. » (page 409)
« Mais, depuis vingt-cinq ans, de nombreux auteurs persistent à regarder la tragédie du Rwanda avec les lunettes du « génocide li au lieu de s’intéresser à la conquête du pouvoir par la lutte armée déclenchée par le FPR dès 1990. C’est elle qui est non seulement la cause de l’horreur qu’a connue ce pays mais c’est elle qui est aussi en partie la cause de l’exode massif des populations vers le Zaïre. » (page 411)
« L’offensive médiatique régulière des accusations lancées par le régime de Paul Kagamé contre l’opération Turquoise vise simplement à ce que l’on ne regarde pas de plus près les massacres commis par les deux parties et surtout à dissimuler l’obsession d’une conquête du pouvoir par les armes el par la violence. » (page 461)
« Il faut dire que les rebelles ont profité de la vague d’émotion due à la réalité des massacres de Tutsis, de Twas et de Hutus. » (page 494)
« Certes les Tutsis sont massacrés, ciblés mais ils ne sont pas les seuls. » (page 567)
« Au Rwanda, des Tutsis, des Hutus et des Twas ont été sauvagement massacrés. » (page 621)
« Il s’agit (pour le FPR) de faire passer sa guerre de conquête du pouvoir pour une « guerre de libération li ou pour un « génocide des Tutsis » et dissimuler, en même temps, les crimes contre l’humanité qu’il a commis avec son mouvement et qui sont aujourd’hui très bien documentés. » (page 649)
« Ceci démontre, s’il en était encore besoin, que la thèse conspirationniste d’un régime hutu ayant planifié un « génocide » au Rwanda constitue l’une des plus grandes escroqueries du XXe siècle. » (page 198)
« Lorsque le procureur {du TPIR}s’est trouvé en difficulté de fournir des preuves et de la planification el du génocide, il a préféré recourir à l’artifice du « constat judiciaire» plutôt que de mettre sur la table des pièces à conviction. » (page 195)
« De même, tous ceux qui, dans les milieux universitaires et journalistiques ainsi qu’au TPIR, ne regardent, depuis plus de deux décennies, le conflit rwandais que sous l’angle d’un « génocide planifié il, tantôt sous le régime Habyarimana, tantôt sous le gouvernement intérimaire, quelques fois en 1959 ou à des dates plus ou moins vagues, le réduisent à sa stricte dimension ethnique faussant ainsi la compréhension des faits. De toute manière, une telle approche constitue, du point de vue de l’histoire et des rapports sociopolitiques entre Hutus et Tutsis une erreur grossière. » (page 412)
« Dans son ouvrage consacré à la guerre d’octobre 1990, l’ancien officier des FAR, Pascal Simbikangwa condamné en France non pour la vérité mais pour l’exemple permettant de célébrer l’histoire officielle, livre ainsi son sentiment: « La guerre que nous allons vivre dans les pages qui viennent n’est pas une guerre, c’est une connerie, c’est une connerie, dis-je, car elle manque de sens, elle n’a pas de départ et n’a nullement de fin car elle s’est faite dans les têtes et ne se terminera jamais tant que nous ne serons pas tous devenus des monstres. Ce qui demande un travail d’éducation de longue haleine. » (page 437)
Fin des citations du livre de Charles Onana.
« Par ces propos, Monsieur Onana remet en cause la nature du génocide des Tutsi et, ce faisant, sa réalité exacte »
Me Rachel Lindon reprend son souffle : « Par ces propos, Monsieur Onana remet en cause la nature du génocide des Tutsi et, ce faisant, sa réalité exacte.
« Cette démarche systématique, qui a déjà été jugée particulièrement révélatrice de la contestation des faits en cause, vise à présenter le génocide des Tutsi du Rwanda de 1994 comme des faits ne pouvant être qualifiés comme tels et l’ayant été à tort.
« Il s’agit ainsi, comme l’a déjà relevé la Cour de cassation dans une autre affaire, de frapper à l’avance d’imposture la question de l’extermination systématique et massive des Tutsi du Rwanda.
« Un examen des propos pour lesquels Messieurs Onana et Serieyx sont poursuivis permet de surcroît sans difficulté de caractériser la contestation du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 par sa négation, sa minoration ou encore sa banalisation.
« Il s’agit de frapper à l’avance d’imposture la question de l’extermination des Tutsi »
« Monsieur Onana effectue ici des rapprochements historiques avec ce qu’il considère comme un « vrai » génocide, la Shoah, et, ce faisant, banalise les faits constitutifs du génocide des Tutsi de manière remarquablement similaire à celle observée par la Cour de cassation dans un autre cas d’espèce déjà évoqué [affaire Roger Garaudy].
« Le « génocide » des Tutsi du Rwanda n’est ainsi, dans la présentation qu’en fait Monsieur Onana, en rien comparable à la Shoah, à tel point que le mot « génocide » est employé indûment et que les faits qui le constituent doivent être qualifiés de « tragédie rwandaise », « conflit » ou encore « massacres ».
« De plus, Monsieur Onana se positionne comme étant à la recherche d’une supposée vérité historique en utilisant les termes de « dogme », « thèse » ou « idéologie ». Il prétend ce faisant qu’une vérité officielle est présentée, celle de l’existence d’un génocide des Tutsi, mais qu’une autre vérité existe et doit être connue du lecteur. Il remet ainsi sans ambigüité en cause la réalité de l’extermination systématique et massive des Tutsi.
« M. Onana prétend qu’une vérité officielle est présentée »
Me Rachel Lindon : « Relevons à cet égard que l’emploi du terme « dogme » se retrouve également dans les faits dont était saisie la Cour de cassation dans l’arrêt précité [affaire Roger Garaudy].
Pour l’avocate d’Ibuka-France, « il s’agit pour Monsieur Onana de présenter le plan concerté tendant à la destruction des Tutsi du Rwanda en 1994, élément constitutif du crime de génocide, comme étant une contre vérité issue de manœuvres frauduleuses. En contestant l’existence du plan concerté, Monsieur Onana nie l’existence même du génocide qui, selon lui, n’en serait pas un, les tueries pouvant seulement être qualifiées de massacres.
Cette méthode est caractéristique du négationnisme du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994. Cette méthode prétendument scientifique passe sous silence les décisions de cours d’assises en France.
« En contestant l’existence du plan concerté, Monsieur Onana nie l’existence même du génocide »
Me Lindon : « Tout comme dans les propos examinés précédemment, Monsieur Onana s’emploie ici à nier l’existence d’un plan concerté ayant présidé à la mise en œuvre du génocide pour épouser la thèse d’un mouvement spontané. Rappelons à cet égard que la Cour d’assises de Bobigny statuant en appel dans le dossier dit Simbikangwa a jugé dans un arrêt désormais définitif :
M Me Rachel Lindon cite l’arrêt : « La Cour considère que ce plan concerté [le plan concerté nécessaire en droit français à la caractérisation du crime de génocide] se déduit de la rapidité d’exécution des massacres, et ce dès le lendemain de l’attentat contre l’avion du Président Juvénal Habyarimana, de l’existence de barrières sur l’ensemble du territoire du Rwanda, y compris à Kigali, du développement d’une propagande médiatique appelant à la haine interethnique, de la distribution d’armes et de l’ampleur des massacres, l’ensemble de ces actes relevant nécessairement d’une organisation collective » [12]
« Ce plan d’extermination des Tutsi s’est inscrit dans un processus historique et politique »
Me Rachel Lindon : « Plus récemment, la Cour d’assises de Paris a jugé :
« La cour et le jury ont également retenu que ce plan d’extermination des Tutsis s’est inscrit dans un processus historique et politique mis en œuvre depuis plusieurs années par une élite hutue qui a cherché à conserver le pouvoir en suscitant et en entretenant la haine et la peur contre la minorité tutsie en l’accusant notamment d’être les complices de l’intérieur du FPR et de son armée et en attisant une haine ethnique »[13]
Concluant sa plaidoirie, Me Lindon se fait cinglante : « Au mépris de toute réalité, Monsieur Onana ne craint pas d’affirmer que la qualification de « génocide » ne résulte pas d’une décision judiciaire définitive revêtue de l’autorité de la chose jugée et qu’elle serait demeurée celle employée par une institution onusienne. C’est nier même le génocide que d’affirmer que le FPR est à l’origine de la qualification de génocide et que celle-ci ne résulte pas d’institutions judiciaires établies. »
« Monsieur Onana, au mépris de toute réalité… »
« Monsieur Onana effectue ici, à nouveau une comparaison du génocide des Tutsi avec les crimes perpétrés par le FPR afin de mieux banaliser le premier. »
L’avocate reprend son souffle : « Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Messieurs Onana et Sereyx contestent le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 en :
- accréditant la thèse selon laquelle il existe une histoire officielle du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 qui diffère de la réalité ;
- présentant comme incorrect et non conforme à la réalité l’emploi du terme « génocide » pour désigner le génocide des Tutsi ;
- disqualifiant les juridictions ayant jugé qu’avait été commis entre avril et juillet 1994 au Rwanda un génocide contre les Tutsi ;
- établissant une confusion entre les bourreaux et les victimes du génocide des Tutsi ;
- établissant une équivalence morale entre les auteurs du génocide et le mouvement politico-militaire qui y a mis fin par les armes.
[INTER] Des accusés « présentant comme incorrect et non conforme à la réalité l’emploi du terme « génocide » pour désigner le génocide des Tutsi »
L’intention délictuelle doit, en l’espèce, être réputée caractérisée. En effet, Monsieur Onana se présente comme un journaliste, politologue et essayiste ayant l’habitude de publier des ouvrages. De surcroît, ses ouvrages portent pour un nombre conséquent d’entre eux sur le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994, bien qu’il ne les présente pas, naturellement, en ces termes exacts. »
En conséquence, Me Lindon demande que Messieurs Onana et Sereyx, minorant et banalisant de façon outrancière le génocide commis contre les Tutsi du Rwanda soient déclarés coupables de l’infraction de contestation de génocide des Tutsi au Rwanda, en le niant. Ibuka France demande un euro symbolique à titre de dommages et intérêts.
Me Sabrina Goldman, avocate de la LICRA
Me Sabrina Goldman, avocate de la LICRA, prend ensuite la parole en rappelant au tribunal la réalité du génocide des Tutsi, tués pour ce qu’ils étaient et non pas victimes d’un « massacre indifférencié ». Il s’agit d’anéantir leurs gènes, pas d’ouvrir un nouveau débat sur « planification ou pas
Me Sabrina Goldman : « La défense a tenté de détourner ce procès, en faisant croire que l’histoire n’était pas établie. On peut dire ce qu’on veut du régime de Paul Kagame, de l’opération Turquoise, sur le fait qu’on ne parle pas assez des autres crimes contre l’humanité, mais ce n’est pas l’objet du procès ».
« Aucun historien digne de ce nom n’a jamais été condamné pour négationnisme, poursuit Me Goldman. Le négationnisme du génocide des Tutsi au Rwanda consiste à admettre la réalité des morts mais à refuser de qualifier comme tel le génocide en l’écrivant avec des guillemets ».
Maître Goldman termine sa plaidoirie en citant Elie Wiesel : « Le bourreau tue toujours deux fois, la seconde fois par l’oubli ».
Me Noémie Coutrot-Cieslinski, pour le Collectif des parties civiles pour le Rwanda
Reprenant une analyse juridique assez proche de celle de Me Rachel Lindon, Me Noémie Coutrot-Cieslinski pour le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), axe sa plaidoirie sur la manière dont Charles Onana avait minoré et banalisé le génocide dans son livre, au regard de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1981. Onana a ainsi utilisé deux procédés.
Le premier est la négation de la spécificité des victimes du génocide, avec l’idée de tueries généralisées et de violences indifférenciées et une remise en cause du caractère discriminatoire des massacres. Le deuxième procédé est la mystification de la vraie cause du génocide. Charles Onana insiste sur cette idée d’ouvrir notre « spectre de compréhension ».
Me Noémie Coutrot-Cieslinski rappelle que les témoins cités par la défense ont été interrogés pendant des heures sans jamais parler du génocide. L’avocate du CPCRdénonce une tentative de suppression du génocide dans les débats.
« Les différences avec le procès contre Natacha Polony »
Me Noémie Coutrot-Cieslinski revient sur les minimisations et banalisations outrancières.
Elle insiste dans sa plaidoirie sur les différences entre cette affaire et le procès de Natacha Polony [qui a été acquittée par la même XVIIe chambre] : « Les circonstances sont à distinguer […]. « On n’est pas du tout dans la même situation que Mme Polony. Elle faisait une intervention orale à la radio, mal préparée, très largement improvisée comme elle l’a reconnu, dans le contexte de la discussion où son adversaire (lui, un bon connaisseur) a surinterprété ses propos alors même qu’elle a immédiatement dit que ce n’est pas ce qu’elle pensait et que c’est bien les décideurs qu’elle qualifiait de « salauds », etc.[14] Rien de tout ça ici. On minimise la qualité des victimes et la gravité de leur souffrance. »
A son tour, Me Gisagara, conseil de l’association Communauté rwandaise de France met en exergue le travail d’Onana, « un idéologue plus qu’un politologue ».
Me Laure Heinich : « Cela me rend malade qu’un livre comme ça soit en vente via la FNAC »
Me Laure Heinich, conseil de l’association Survie, prend la suite pour alerter sur « un livre dangereux, qui ne doit être mis dans aucune main […] Cela me rend malade qu’un livre comme ça soit en vente via la FNAC. »
L’avocate ajoute que Survie et d’autres représentants de la société civile ont alerté sur les dangers d’un tel ouvrage et demande à ce que le ministère public s’empare à son tour de la chose et prenne des réquisitions, au lieu, comme souvent lorsqu’il s’agit d’une plainte à l’initiative d’une partie, de laisser les parties face à face sans intervenir. Car cette fois c’est bien une affaire qui concerne la société tout entière. Ce livre prive de la vérité, et les dérives surviennent lorsque l’on ne parle plus des mêmes faits.
Me Heinich poursuit en soulignant que le crime de génocide est si terrible qu’on refuse de le voir. Il dépasse l’entendement, on n’arrive pas à y croire. Les témoins d’Onana le nient ou le contournent. Et ils traitent de même la plainte des associations, par la négation. Un nouvel exemple est le ricanement d’un témoin de la défense quand est évoquée l’émotion de Jean Carbonare alertant dès 1993 sur le génocide en préparation. Or les victimes ne sont jamais victimes en elles-mêmes, elles sont toujours victime de quelque chose, et nier la qualification du crime revient à les nier elles.
Me Heinich revient sur un exemple de négation du génocide des Tutsis, lorsqu’elle a interrogé Charles Onana sur le rapport de l’envoyé de l’ONU, René Degni-Segui. Ce dernier écrit en effet, fin juin 1994 dans son rapport, que la qualification de génocide est « d’ores et déjà acquise ». Mais Onana fait mine de croire que cela signifie qu’il faut chercher encore avant de pouvoir conclure qu’il y a un génocide. Ainsi, Onana fait dire à ce rapport l’inverse exact de ce qui s’y trouve. Et il semble de même ne pas avoir lu le rapport de l’ONU d’octobre 1994 (à l’origine de la création du TPIR), qui est très explicite, lui aussi, quant à la réalité du génocide perpétré contre les Tutsis.
L’avocate de Survie souligne le fait que Charles Onana a de la chance. En comparution immédiate, on envoie les gens en prison en 35 minutes en moyenne sans même entendre leur mère. Lui a eu droit à une semaine de débats pour faire défiler ses témoins.
Me Patrick Baudouin : « Laisser se développer le négationnisme est dangereux »
Me Patrick Baudouin pour la FIDH commence sa plaidoirie par un rappel historique de ce qu’il s’est passé au Rwanda avant le génocide, notamment en citant le rapport de la FIDH de 1993 sur les violations des droits de l’Homme commises depuis 1990. Il revient sur l’horreur à laquelle nous sommes confrontés dans le procès actuellement d’Eugène Rwamucyo et dans tous ces procès aux assises :
« Laisser se développer le négationnisme est dangereux, car pour l’instant ce ne sont que des mots, mais après les mots il y a les actes, et c’est exactement ce qu’il s’est passé en 1994. La décision du tribunal aura des conséquences, et elles pourront être dramatiques.é
Me Patrick Baudouin rappelle l’action critique de la FIDH dans de très nombreux pays, y compris concernant le FPR, déjà dans le rapport de 1993, et au Congo contrairement à ce que prétend la défense. Il rappelle les procès Simbikangwa, et Rwamucyo en cours. « Je comprends la révolte des Congolais mais je leur dis de ne pas suivre ce faussaire [Charles Onana], car on prépare les crimes du futur.
Le Parquet requiert condamnation de MM Onana et Serieyx
Les réquisitions
Vers 18 heures, la Procureure de la République commence ses réquisitions par le rappel de la nécessité de la loi de 2017 pour protéger la société et la liberté d’expression.
Elle demande que le tribunal, dans sa décision, rappelle l’infraction de négation de génocide, et ce que sa négation représente. « Le génocide des Tutsi est un fait historique incontestable, reconnu juridiquement par le TPIR comme par les juridictions françaises. La société doit comprendre et accepter le génocide avec toutes ses conséquences de droit. »
La représentante du Parquet ajoute : « La planification du génocide a également été reconnue par les juridictions internationales et nationales. »
La Procureure de la République enfonce le clou : « Les Tutsi étaient bien un groupe de personnes qui étaient considérées comme devant disparaître. La volonté de rompre la filiation, y compris par des meurtres de bébés à naitre suffit à le prouver, sans le moindre doute possible. »
La Procureure relève un fait significatif : « Les témoins cités par la défense ont ajouté un « mais » après avoir affirmé qu’ils ne contestaient pas le génocide. […] Les passages incriminés dépassent les limites de la liberté d’expression : il y a dans ces passages tout l’arsenal du négationnisme du génocide des Tutsi au Rwanda. S’agissant de l’élément intentionnel du délit de contestation du génocide, il se prouve par la volonté de publier l’ouvrage, par le ton et le vocabulaire dénigrants utilisés, ou encore par la revendication du livre et des propos incriminés par les prévenus. »
Selon la procureure, « le génocides des Tutsi est établi. L’infraction aussi, et son intention. La limite de la liberté d’expression est dépassée de façon outrancière. Il faut le rappeler aux prévenus et à la société tout entière.
La représentante du ministère public demande condamnation des prévenus, laissant à la présidente Madame Delphine Chauchis et à ses assesseurs le soin de fixer le quantum de la peine.
La parole est à Me Pape Ndiogou Mbaye pour la défense de Damien Serieyx
La parole est à la défense
Me Pape Ndiogou Mbaye, avocat de M. Damien Serieyx, souligné le fait que le livre en question n’avait pas pour objet le génocide mais l’opération Turquoise. Charles Onana était contraint de poser le cadre de l’opération militaire. Il a d’ailleurs mis en garde dans son livre du fait qu’il ne s’agissait pas de contester le génocide. Damien Serieyx a pris toutes ses dispositions pour vérifier la crédibilité du livre, ses sources. Les personnes appelées à témoigner ont confirmé ce qu’il était dit dans les passages en cause. C’est la première fois qu’un livre raconte tout ce qu’il s’est passé au Rwanda. L’éditeur n’avait pas l’intention de publier un livre négationniste car il n’y a pas de contestation du génocide. Me Pape Ndiogou Mbaye termine en affirmant qu’à travers ce procès, les autorités rwandaises voulaient circonscrire la parole.
La plaidoirie de Me Ndiogou Mbaye est parfois décousue. A plusieurs reprises il dit par erreur que son client est poursuivi pour complicité de génocide. A la fin il énonce « complicité de contestation de génocide ». Il ne semble pas avoir bien pris conscience que son client est poursuivi comme auteur principal de la négation.[16]
La plaidoirie de Me Emmanuel Pire pour Charles Onana
C’est au tour de Me Emmanuel Pire, avocat de Charles Onana. Il revendique en faveur de son client une « démarche positive et sincère [car] il a découvert des faits qui méritent d’être écrits et publiés. »
Me Emmanuel Pire ajoute que « le Rwanda est dirigé par une dictature ». Il pose ainsi la question : « Que peut-on écrire sur le Rwanda ? Il n’est pas question dans ce livre d’affirmer un double génocide. Charles Onana ne fait que dénoncer les crimes du FPR, qu’il distingue bien des Tutsi : il ne dit pas que les Tutsi ont massacré les Hutus. »
L’avocat d’Onana : « Le Rwanda est dirigé par une dictature »
Pour l’avocat, « Charles Onana affirme l’abandon des Tutsi par le FPR, ce qui est un fait historique, ça ne change rien à la réalité du génocide. » Me Emmanuel Pire admet que les guillemets autour du mot génocide sont « le cailloux dans la chaussure » du livre, de son auteur et de son éditeur. Mais ce faisant, dit Me Emmanuel Pire, l’auteur ne fait que citer quelqu’un d’autre, ce ne sont pas des guillemets ironiques.
L’avocat rappelle que le mot génocide n’est pas le seul entre guillemets dans le livre, et que ce n’est pas le cas dans d’autres de ses ouvrages.
Me Emmanuel Pire s’exprime durant cinquante minutes et sa plaidoirie est très construite. Il invoque la liberté d’expression et parle des « conflits d’intérêts des parties civiles ».
Selon l’avocat, il y a un malentendu de fond : « M. Onana reconnaît le génocide, il n’en nie même pas la planification, il nie qu’on en ait des preuves. Ce n’est qu’en France qu’on fait le lien entre génocide et planification, dans la Convention sur le génocide[17] et au TPIR on ne la fait pas et donc contester la planification ou ses preuves ne peut pas être un élément de négation. Charles Onana ne mélange jamais le FPR, qui commet des, crimes avec les Tutsis civils de l’intérieur qui sont victimes du génocide. »
Me Emanuel Pire : « Monsieur Onana conteste que le FPR ait voulu sauver les Tutsi de l’intérieur »
Me Emmanuel Pire poursuit : « Monsieur Onana conteste que le FPR ait voulu sauver les Tutsi de l’intérieur, ça c’est un mythe pour légitimer le pouvoir. Il ne met pas de guillemets à génocide dans ses autres ouvrages. Là il le fait car il discute de l’utilisation politique qu’en fait le FPR pour agir sur la communauté internationale avant même que ce ne soit reconnu, comme ça a été fait au Biafra (finalement non reconnu) et par la Bosnie dès 1993 (alors que ça n’a finalement été reconnu que pour Srebrenica en 1995).
« Quand il écrit que le régime de Kigali ne supporte pas les universitaires critiques il faut voir ce qui lui a subi [?] de la part de ce régime. Quand il écrit que le génocide des Tutsi est un dogme, il n’utilise pas le mot péjoratif « dogmatique » mais le mot « dogme » qui a soit un sens religieux, soit (et c’est le cas ici) le sens de fait établi incontestable. Quand il dit que ça n’a rien à voir avec la Shoah il liste les points communs et différences et ne dit rien d’autre qu’Alison des Forges quand elle dit que le génocide des Tutsis est unique, or elle n’est pas négationniste.
« M. Onana insiste sur un point essentiel : on est ici dans un contexte de guerre civile. Sur la preuve de planification, le TPIR en a longuement recherché en remontant à 1990 (malgré la limitation de sa compétence) sans trouver quoi que ce soit au-delà de tout doute raisonnable. La cour d’assises française n’a pas pu faire ce travail (le fonctionnement français et le calendrier très court ne le permettent pas) et elle s’est limité à induire la planification de l’observation de la rapidité des massacres et de l’organisation. Le FPR dit le 29 avril 1994 qu’il a des preuves solides de la planification et il ne les a jamais fournies depuis au TPIR, c’est qu’il ment: pas sur le génocide, mais sur la présence de preuves.
Me Pire : « « Monsieur Onana est pour la réconciliation »
« Charles Onana est pour la réconciliation et pour ça il faut parler de toutes les victimes. Alors que certaines parties civiles n’acceptent pas de parler des crimes de Kagame. Et que Ibuka ne s’occupe que des victimes tutsies, et encore, même pas toutes : seulement celles qui sont restées au Rwanda en acceptant le régime FPR. M. Onana ne disqualifie pas les institutions judiciaires, il dit comme le TPIR que le génocide est un fait et que sa planification n’est pas établie[18].
« Alors que Ibuka conteste les décisions du TPIR en manifestant contre les acquittements, et que Survie conteste le non-lieu sur Bisesero. Sur la cour d’assises il n’a fait que citer le titre du livre d’Epstein, peut-être de façon un peu maladroite, mais effectivement Simbikangwa a été condamné en tenant compte de l’exemplarité de la peine, ce qui est une des fonctions de la condamnation et d’ailleurs Mme la procureure requiert l’exemplarité quand elle dit que la condamnation d’Onana doit s’adresser à lui mais aussi au monde entier. Ce livre est sincère, les victimes du génocide peuvent entendre que leurs frères rwandais aussi ont souffert. »
Damien Serieyx : « Ce livre est sincère »
L’audience s’achève par une nouvelle audition des prévenus. Damien Serieyx réaffirme qu’il ne comprend pas ce qu’il fait ici, car il n’y a pas de négation du génocide dans le livre incriminé. Pour lui, sa conviction est faite : ce qui pose problème, ce n’est pas la forme mais le fond, qui résulte pourtant d’un travail approfondi qui dévoile les actions du FPR :
« J’ai publié cette étude sérieuse sur Turquoise. Dès la 4e de couverture, sous ma responsabilité, on parle clairement du génocide, sans guillemet, sans sous-entendu. Quand Dupaquier dit que les guillemets sont systématiques, il ment[19]. Le problème de ce livre, ce n’est pas la forme, c’est que le fond déplait au FPR. Une partie civile a dit des mots que je n’oublierai pas : « Les Congolais n’ont plus que les livres de Péan au marché de Bukavu. » J’aurais eu honte de dire ce qu’il a dit car vous savez bien qui envoie les vraies grenades, et qui sont les morts. Ils ont dit « ne permettez pas qu’un livre comme ça continue à exister ». »
[Pour les observations de Jean-François Dupaquier, auteur principal de ce compte-rendu, mis en cause par M. Serieyx, voir sa réponse en note.[20]]
Charles Onana : « Moi je n’ai été ni décoré ni conseiller de Kagame »
Charles Onana : « On m’a comparé à Le Pen et à Faurisson. Mais qui sont ces parties civiles qui se croient plus compétentes que les professeurs de mon jury de thèse ? Ma phrase sur l’escroquerie a fait la une de la presse internationale sans qu’on note qu’elle commence par « ceci » (souvent tronqué). Or le « ceci » fait référence à la démonstration précise qui précède, et n’est jamais citée, et qui prouve que ma phrase est précise sur le fait que le FPR n’a jamais fourni les preuves de planification qu’il a annoncées.
« En tronquant cette phrase on en fait une accusation de négationnisme. Je n’ai pas de conflit d’intérêt, alors que le président de Survie a été conseiller de la présidence rwandaise, les époux Gauthier décorés par Kagame. Moi je n’ai été ni décoré ni conseiller de Kagame. La FIDH se prétend indépendant et dit s’intéresser au Congo, mais a-t-elle jamais fait une plainte contre le Rwanda ? Ils s’intéressent aux rescapés tutsis, mais pas quand ils meurent en prison au Rwanda. Ibuka n’a jamais fait un seul communiqué pour mon ami Déo. Ils font une plainte contre Onana qui n’a jamais tué ni agressé personne et qui a des amis tutsi.
« Moi, je me soucie de tous les Rwandais »
« Qui arrêtera le cartel du crime à Kigali ? On me dit que je remets en cause les sources documentaires, que je dénigre le génocide, mais où ? Je ne suis pas ici parce que je nie le génocide, je suis ici parce que Paul Kagame l’a décidé, car il ne se remet pas de l’échec de sa plainte contre moi en 2002, quand il a renoncé à sa plainte après mon offre de preuve. Il a poussé ses alliés dans les parties civiles. Il a dit le 13 juillet « les négationnistes comme Onana doivent mourir ». Survie a dit qu’il fallait une jurisprudence française. Gisagara a dit à la télé rwandaise « si on ne condamne pas Onana, on ne sait pas à quoi sert cette loi ».
M. Onana poursuit : « L’avocat de la FIDH a dit « Onana est très dangereux ». L’avocat de Survie a dit « on fait le travail de procureur ». Alors que moi, je me soucie de tous les Rwandais, j’en ai réuni dans cette salle qui ne se parlent pas d’habitude, et je pense aux dix millions de Congolais qui sont tués, tout le monde s’en fout et il n’y a pas de plainte de ces associations. «
Fin de la déclaration de Charles Onana.
Madame la présidente annonce que le jugement est mis en délibéré au 9 décembre
Les déclarations précédentes de M. Onana
Comme M. Onana l’avait avancé dans différentes déclarations avant le procès, il avait l’intention de transformer l’audience en procès de Paul Kagame et de son régime. Il est pourtant impossible d’oublier ses précédentes déclarations :
« Entre 1990 et 1994, il n’y a pas eu de génocide contre les Tutsi, ni contre quiconque »[21] avait-il affirmé Auguste-Charles Onana en 2019. En 2010 il avait déjà lancé que le génocide des Tutsi était « l’un des plus grands mensonges et l’une des plus grandes manipulations de l’Afrique du XXème siècle. »[22]. En 2012 il avait réitéré sur« La fausse idée que les Tutsi auraient été “victimes d’un génocide” en 1994 au Rwanda »[23]. Et il avait réitéré en 2017 : « Les attitudes qui consistent à désigner sous la pression du sens commun ou du discours communément admis les auteurs et les victimes présumés du “génocide” et qui écartent, dans les mêmes conditions, d’autres auteurs ou victimes présumés de crimes contre l’humanité au Rwanda relèvent, soit d’une approche purement discriminatoire, soit d’un manque de rigueur intellectuelle dans l’analyse des événements. »[24]. Auguste-Charles Onana, 2017.
« Je ne sais pas s’il y a eu génocide ou pas »[25] énonce Auguste-Charles Onana en 2017.
« L’ensemble de la planète a été trompé et manipulé. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu de morts au Rwanda mais je dis que ce qui s’est passé en 1994 est une guerre entre Hutu et Tutsi, que chaque groupe a tué et que chaque groupe a eu des victimes. » [26] Auguste-Charles Onana, 2009.
« Ce qui est du point de vue de la terminologie impropre, c’est lorsqu’on parle du génocide des Tutsi. On ne comprend pas très bien de quoi on parle. »[27] Auguste-Charles Onana, 2017.
« Le mensonge et la manipulation ont fait croire au monde entier que cela était un génocide planifié par les Hutu contre les Tutsi. […] J’ai mené une enquête froide et impitoyable sur le plus grand mensonge que l’Afrique et le monde ont connu depuis la fin de seconde guerre mondiale. Le malaise vient du fait que j’aligne des faits, des documents inédits et des preuves irréfutables. »[28] Auguste-Charles Onana, 2008.
« Pour valider la thèse d’un “génocide planifié” par les Hutu, le TPIR achète des témoins, torture les accusés, menace les avocats, embauche de pseudo experts et utilise de faux documents. Le premier Hutu condamné à perpétuité a été jugé sur la base de faux témoignages ! »[29] Auguste-Charles Onana, 2005, concernant le procès de M. Akayezu par le TPIR.
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[1] Pour une analyse juridique du délit en cause, voir :
https://www.leclubdesjuristes.com/justice/genocide-au-rwanda-un-proces-pour-negationnisme-a-paris-7265/
[2] Article 211-1
Version en vigueur depuis le 07 août 2004
Modifié par Loi n°2004-800 du 6 août 2004 – art. 28 () JORF 7 août 2004
Constitue un génocide le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l’encontre de membres de ce groupe, l’un des actes suivants :
• atteinte volontaire à la vie ;
• atteinte grave à l’intégrité physique ou psychique ;
• soumission à des conditions d’existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe ; • mesures visant à entraver les naissances ;
• transfert forcé d’enfants.
Le génocide est puni de la réclusion criminelle à perpétuité.
Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables au crime prévu par le présent article.
[3] Article 212-1
Version en vigueur depuis le 07 août 2013
Modifié par LOI n°2013-711 du 5 août 2013 – art. 15
Constitue également un crime contre l’humanité et est puni de la réclusion criminelle à perpétuité l’un des actes ci-après commis en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique :
1° L’atteinte volontaire à la vie ;
2° L’extermination ;
3° La réduction en esclavage ;
4° La déportation ou le transfert forcé de population ;
5° L’emprisonnement ou toute autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ;
6° La torture ;
7° Le viol, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ;
8° La persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international ;
9° La disparition forcée ;
10° Les actes de ségrégation commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime ;
11° Les autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique.
Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux crimes prévus par le présent article.
[4] A ce jour, le TPIR a procédé à 93 inculpations. Des procès se sont tenus de bout en bout pour 82 accusés. Il y a eu 14 acquittements. 23 condamnés ont déjà purgé leur peine, 28 condamnées ont été transférés dans un État pour y purger leur peine, 8 sont décédés pendant qu’ils purgeaient leur peine, un est mort avant d’être transféré pour purger sa peine, un autre est décédé avant d’être transféré au Mécanisme, 3 sont décédés avant jugement. Deux Actes d’accusation ont été retirés. retirés
[5] « Les Mythes fondateurs de la politique israélienne » est un ouvrage de Roger Garaudy, publié en 1995 par les éditions La Vieille Taupe qui ne le servit qu’à ses propres abonnés, puis réédité en 1996 à compte d’auteur avec la mention « samiszdat Roger Garaudy ». Quoique son auteur ait été condamné, le livre est toujours en vente.
[6] Le Canard Enchaîné révélait le 27 juillet que Mme Anne Guerrier, professeur d’anglais en classe préparatoire littéraire dite « Khâgne » au Lycée Janson de Sailly de Paris, avait transformé sa page Facebook en bréviaire antisémite, négationniste et complotiste. Ses élèves, invités par leur enseignante à la rejoindre sur le célèbre réseau social pour discuter des sujets du moment, n’oublieront pas l’expérience de si tôt.
Morceaux choisis :
– “la Shoah a été prévue et organisée par des juifs (…) le truc de la visite du Yad Vashem, c’est à ne pas faire. Ils te contrôlent après. Emprise mentale. C’est le piège à cons. Marine Le Pen aussi. Tu ne peux plus rien faire contre eux après… »
– “Ce juif [François Hollande] qui a profité de son appartenance à la communauté pour monter en politique , et se renie maintenant en se prêtant un père “catholique ” sur wikipédia. Les gens de Rouen savent ce qu’il en est. Hollande est juif, et le nie. Ca ne vous dit rien? Ca va commencer à rétropédaler de partout, maintenant que la gamelle est moins bonne du côté de la juiverie. La presse, les intellos, les jurys littéraires, qui lui ont léché le c…, vont commencer à la critiquer, pour sauver leur peau maintenant que le vent tourne. Ainsi va le monde. Sauf qu’on n’oublie pas les collabos. Les retourneurs de veste. Les gens qui sont du côté du pouvoir, quel qu’il soit, au mépris de la morale.
[7] TJ Paris, 9 novembre 2017.
[8] Hélène Dumas, « Banalisation, révision et négation : la
« réécriture » de l’histoire du génocide des Tutsi », Revue Esprit, mai 2010.
[9] Voir aussi Jean-François Dupaquier, « Politiques, militaires et mercenaires français au Rwanda, chronique d’une désinformation », Ed. Karthala, Paris, 2014, pp 216 à 218.
[10] Jean-Pierre Chrétien, « Le génocide du Rwanda : un négationnisme structurel », revue Hommes et libertés n°151, Juillet – Août – Septembre 2021. Accessible sur : https://shs.hal.science/halshs-00701052
[11] Patrick de Saint-Exupéry : « Considérer qu’il y a eu un génocide en RDC, c’est réécrire l’histoire », Pierre Lepidi, Le Monde, 11 mars 2021. Accessible sur : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/03/11/patrick-de-saint-exupery-considerer-qu-il-y-a-eu-un-genocide-en-rdc-c-est-reecrire-l-histoire_6072800_3212.html
[12] Arrêt de la Cour d’assises de Seine-Saint- Denis et feuille de motivation du 3 décembre 2016, verdict Simbikangwa.
[13] Feuille de motivation du 20 décembre 2023, arrêt Munyemana.
[14] Polémiquant le dimanche 18 mars 2018 dans l’émission hebdomadaire « Le duel Natacha Polony-Raphaël Glucksmann », comme tous les dimanches sur France Inter à cette époque, le premier avait lancé le débat sur le génocide des Tutsi du Rwanda et la responsabilité de Paris. « Malheureusement, on est typiquement dans le genre de cas où on avait, j’allais dire, des salauds face à d’autres salauds. » répondit Natacha Polony, directrice de l’hebdomadaire Marianne, avant de développer son propos. Me Gisagara, avocat de la CRF, avait « fait du forcing » auprès des associations mémorielles pour engager contre Natacha Polony un procès pour négationnisme. Un procès perdu d’avance…
Voir notamment : https://afrikarabia.com/wordpress/genocide-des-tutsis-du-rwanda-les-enjeux-du-proces-de-natacha-polony/
[15] En droit pénal français, le quantum d’une peine désigne le montant de l’amende ou la durée de la peine privative de liberté ou des peines privatives ou restrictives de droit.
[16] Nous avons tenté de trouver les coordonnées de Me Pape Ndiogou Mbaye pour obtenir copie de ses conclusions, sans résultat. Me Pape Ndiogou Mbaye semble spécialisé en droit des étrangers et de la nationalité, droit processuel et droit des étrangers et de la nationalité.
[17] Dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, « , le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
[18] Encore un « arrangement » avec la vérité : Le TPIR a condamné plusieurs accusés pour « entente en vue de commettre le génocide. Pour d’autres il a jugé que l’incrimination d’entente en vue de commettre le génocide ne peut être retenue « au delà de tout doute raisonnable ».
[19] Le mot génocide est entre guillemets 160 fois, sans guillemets une douzaine de fois.
[20] M. Damien Serieyx me qualifiant de menteur devant la présidente de la XVIIe Chambre, Madame Delphine Chauchis, ne dit pas la vérité. Il se place même en contradiction avec l’avocat de M. Onana qui « admet que les guillemets autour du mot génocide sont « le cailloux dans la chaussure » du livre » [lire plus haut]. Il y a bien 160 fois le mot « génocide » entre guillemets dans le livre en cause. En moyenne, presque une fois toutes les deux pages. Ce « point de détail » si répétitif n’aurait pas dû échapper à Monsieur Damien Serieyx qui, pour son travail d’éditeur, n’a pas manqué de lire le manuscrit de M. Onana avant de le publier.
Ce mensonge de Damien Serieyx traduit une certaine panique et ne manque pas d’interroger sur sa sincérité, alors qu’il fait « profil bas », jouant à l’éditeur naïf, ébahi ce de qui lui arrive.
L’éditeur de L’Artilleur n’est-il pas d’abord un opportuniste de la « bonne affaire » ? Selon nos informations, le dernier livre de M. Onana, « Holocauste au Congo : L’omerta de la communauté internationale » (préface de Charles Millon), publié par L’Artilleur en 2023, a été mis au service de la propagande du président congolais Félix Tshisekedi. Ce dernier en aurait fait acheter plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, distribués gratuitement à Bruxelles et en RDC. L’ouvrage a bénéficié d’une vaste campagne d’affichage dans des stations de métro à Paris et à Bruxelles. Qui a payé cette coûteuse opération ? Combien a-t-elle rapporté à Damien Serieyx et à Charles Onana ?
L’Artilleur semble avoir flairé la bonne affaire avec des ouvrages « sulfureux » en tous genres. Il faut évoquer le livre « Histoire d’une falsification, Vichy et la Shoah dans l’Histoire officielle et le discours commémoratif » signé par Jean-Marc Berlière, Emmanuel de Chambost et René Fiévet, paru le 25 janvier 2023. « Ce livre, écrit un historien du Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH), a donné lieu à un exemple édifiant d’instrumentalisation politique de l’Histoire. »
Un autre livre des éditions l’Artilleur paru en octobre dernier posera sans doute le même genre de problème. Titré « Ceux qui devraient demander pardon, la légende noire espagnole et l’hégémonie anglo-saxonne », il est signé Marcelo Gullo Omodeo. Dans le « prière d’insérer » on lit : « Un livre qui a rencontré un succès important en Espagne : plus de 100 000 exemplaires vendus ». Ecoutons l’éditeur : « Voici le premier ouvrage qui met en lumière l’importance de l’héritage espagnol face aux atrocités commises par les ennemis de l’Espagne. Dans ce livre exceptionnel, Marcelo Gullo démontre que, devant le « Tribunal de l’histoire », l’Espagne a été jugée par des juges partiaux et de faux témoins. Et il affirme, preuves à l’appui, que l’Amérique, avant 1492, ressemblait plus à l’enfer qu’au paradis, car les sacrifices humains, le cannibalisme, l’esclavage et la prostitution de masse régnaient partout. »
On flaire encore ici le combat contre « l’histoire officielle » et des relents de conspirationnisme. Gageons que les bons historiens du monde hispanique auront l’occasion d’en reparler.
[21] Transcription de l’émission « Tout un monde », animée par Vincent Hervouët et diffusée sur LCI le 26 octobre 2019. Lien :
https://www.lci.fr/replay/tout-un-monde-du-samedi-26-octobre-2019-2135954.html?
[22] Auguste-Charles Onana, 15 septembre 2010. A une question des éditions Sources du Nil : « Est-ce pour cette raison que vous considérez que le génocide est le plus grand mensonge sur l’Afrique ? ». Voir :
http://editions-sources-du-nil.over-blog.com/article-charles-Onana-le-genocide-est-l-un-des-plus-grands-mensonges-sur-l-afrique-57136836.html
[23] Auguste-Charles Onana, 27 décembre 2012 : « Charles Onana dénonce le silence de l’Occident sur le génocide congolais ». Article encore visible ici : http://www.lecongolais.cd/charles-Onana-denonce-le-silence-de-loccident-sur-le-genocide-congolais/
[24] Auguste-Charles Onana, thèse, op. cit., p. 50.
[25] « Le génocide congolais, débat avec Péan, Mbeko et Onana », vidéo publiée en décembre 2017. Lien :
https://www.youtube.com/wathttps://www.youtube.com/watch?v=40fN2cdJjJw
[26] Auguste-Charles Onana, 3 mars 2009 :
http://fr.allafrica.com/stories/200903030374.html
[27] « Le génocide congolais, débat avec Péan, Mbeko et Onana », op. cit.
[28] Interview d’Auguste-Charles Onana, novembre 2008 :
http://jkanya.free.fr/Onanainterview120109.html
[29] Auguste-Charles Onana, 1er novembre 2005 :
http://www.politique-actu.com/actualite/secrets-justice-internationale-enquetes-truquees-genocide-rwandais-charles-Onana/753192/