Arrestations, « exécutions sommaires », nombre d’amnisties trop faible… l’ancienne rébellion s’inquiète et commence à perdre patience alors que le gouvernement semble jouer le pourrissement.
La pression remonte en République démocratique du Congo (RDC) entre les anciens rebelles et le gouvernement congolais. Plusieurs « mauvais signaux » envoyés par les autorités congolaises inquiètent l’ex-rébellion qui a déposé les armes fin 2013. Lundi 18 août, le M23 hausse le ton et dénonce « l’exécution sommaire » par l’armée régulière de 10 militaires soupçonnés de collaboration avec son mouvement. Dans un communiqué, le président de la branche politique de l’ancienne rébellion, Bertrand Bisimwa, s’est déclaré « totalement affligé et consterné, après (ces) exécutions de prisonniers de guerre par le service des renseignements militaires de la RDC à Kinshasa ». Selon les anciens rebelles, ces militaires étaient issus du Congrès national pour la défense du peuple, (CNDP) et avaient été intégrés à l’armée (FARDC) après l’Accord de paix du 23 mars 2009 avec le gouvernement. Le M23 « condamne cet acte d’assassinat » et demande une enquête internationale auprès de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). A Kinshasa, les autorités congolaises ont fortement démenti ces allégations. « On n’exécute plus les gens au Congo et si des membres du gouvernement ou de l’armée ont commis des actes répréhensibles, la justice militaire et civile est disponible » a martelé le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende à l’AFP.
« Absence de volonté politique du gouvernement »
Mi-août, un communiqué du M23 avait pourtant déjà alerté et dénoncé des dizaines d’arrestations de ses membres à travers le pays. Les ex-rebelles s’étonnaient de ces arrestations, alors que ces personnes avaient signé l’acte d’engagement pour pouvoir bénéficier de l’amnistie et venaient de rentrer en République démocratique du Congo. Pour la seule ville de Goma, le M23 dénombrait 16 ex-rebelles incarcérés à la prison centrale de Munzenze et 7 autres détenus dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements (ANR). Des chiffres que Kinshasa n’a pour l’instant pas démenti. La rébellion s’était également inquiétée du faible nombre d’amnisties prononcées par les autorités congolaises à la fin des 6 mois légaux pour déposer les demandes. Selon les ex-rebelles, seuls 31 membres ont été déclarés officiellement bénéficiaires de la loi d’amnistie sur une total de 3.657 signataires du fameux acte d’engagement à renoncer la lutte armée. En décembre 2013, le gouvernement congolais et la rébellion avaient en effet signé à Nairobi deux déclarations d’engagement censées mettre fin au mouvement du M23 et entamer la réinsertion des anciens rebelles. Le M23 évoque enfin une liste de 39 ex-rebelles qui devaient être libérés « au lendemain de la signature des déclarations de Nairobi, le 12 décembre 2013 » et qui n’ont toujours pas recouvré la liberté. Pour Rigobert Amani Kabasha, responsable du département médias du M23, « aux termes du rapport d’évaluation de la mise en oeuvre des déclarations de Nairobi, il y a absence de volonté politique de la part du gouvernement de mettre en oeuvre ses engagements, en dépit des promesses et des feuilles de routes présentées notamment aux sommets de la CIRGL et de la SADC ».
Intégration politique des ex-rebelles ?
Dans la gestion post-conflit avec le M23, les autorités congolaises semblent avancer à reculons sur les engagements pourtant négociés à Nairobi. Concernant l’intégration du M23 dans le jeu politique national, Kinshasa n’a pas avancé d’un iota. Notamment au sujet du gouvernement de cohésion nationale, promis et annoncé par le président congolais Joseph Kabila en octobre 2013, et dans lequel pourrait figurer d’anciens rebelles. Ce nouveau gouvernement, qui se fait toujours attendre, aurait pu constituer une première entrée de l’ex-rébellion dans l’exécutif congolais. Joseph Kabila attend et hésite, particulièrement sur le nom du nouveau Premier ministre : Augustin Matata Ponyo remplissant pour le moment parfaitement son rôle d’interface avec les bailleurs de fonds et la communauté internationale à la Primature. Joseph Kabila se mord donc les doigts de cette promesse dont il n’a plus besoin depuis la défaite de la rébellion du M23. A moins qu’il ne se serve de la création de ce nouveau gouvernement pour élargir sa majorité, dans l’idée de faire modifier la Constitution pour pouvoir se représenter en 2016 ? Mais sur ce sujet, la stratégie présidentielle ne semble pas encore arrêtée.
« Ne rien céder à la rébellion »
Sur le dossier de l’ex-M23, le régime paraît vouloir jouer la montre et « faire traîner les choses, pour lasser les rebelles », croit-on savoir à Kinshasa. En maintenant la pression sur l’ex-rébellion, avec, comme le dénonce le M23, des arrestations ; en accordant très peu d’amnisties et en écartant les chefs militaires de toute grâce : et enfin en ne faisant pas avancer le volet politique des engagements de Nairobi, le gouvernement semble ne vouloir faire aucune concession aux rebelles. « Ne rien céder à la rébellion » s’avère être devenu nouveau le pari (risqué ?) de Kinshasa. Les autorités congolaises pensent que le M23 ne peut plus revenir sur le terrain militaire. Et ceci pour plusieurs raisons. La première tient à la création de la Brigade d’intervention de l’ONU (FIB), qui a assuré un soutien déterminant à l’armée congolaise lors de la chute du M23 fin 2013. Tant que la FIB reste opérationnelle au Kivu, Kinshasa croit que ses soldats peuvent résister à une toute attaque rebelle. Des drones des Nations-unies sont désormais positionnés sur zone et peuvent en effet prévenir toute tentative de reformation du M23 sur le terrain. La deuxième raison tient au contexte régional. Les « parrains » du M23, l’Ouganda et le Rwanda (qui démentent leur aide aux rebelles), demeurent toujours sous forte pression internationale (notamment financière pour le Rwanda). Les accords d’Addis-Abeda, encadrent fortement les pays signataires et on imagine mal (pour le moment), le Rwanda ou l’Ouganda « se mouiller » pour réactiver une insurrection à l’Est de la RDC. Mais attention, Kinshasa fait un pari risqué en pensant que, sans soutien extérieur, les ex-M23 sont sans danger.
Accélérer la démobilisation
En laissant pourrir la situation, le gouvernement espère que le M23 s’éteindra tranquillement, avec le temps. Les autorités congolaises ne veulent plus, comme par le passé, faire l’erreur d’intégrer les rebelles dans l’armée régulière et c’est sûrement une bonne chose. Mais pour ne pas que l’ex-M23 reprennent le chemin de la rébellion, il faut pouvoir proposer une réelle alternative à ses soldats. Le plan DDR III de démobilisation et de réinsertion des groupes armés pourrait offrir certaines opportunités. Mais ce projet est trop peu avancé et trop peu financé pour en espérer un quelconque bénéfice rapide. Il paraît donc urgent que le gouvernement sorte de son silence sur la question de l’ex-rébellion et annonce clairement ce qu’il compte faire des anciens rebelles… le temps presse.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Je suis d’accord avec vous sur cet article mais déjà la où je ne suis pas d’accord c’est à partir du moment où vous dite que DDR3 même s’il n’a pas réussi semble aussi présenter des inadéquations énormes et un militaire de dire que la première phase a été un échec. Ensuite le M23 reste une bombe à retardement. Aussi si le gouvernement de cohésion tarde mais les déclarations de Nairobi stipulent que les membres de l’ex M23 devraient faire partie de la coordination sur le rapatriement des réfugiés pour quoi cette structure tarde t elle a venir? c’est une bombe à retardement je pense…
C’est triste et même révoltant de vous lire comme si vous êtes devenu « ambassadeur et porte-parole » de ces criminels responsables de nombreuses exactions à l’endroit de nos compatriotes sans compter les autres dégâts collatéraux ,non Monsieur ,arrêtez vos balivernes
Théophile NKIALULENDO Ponda