L’opposant congolais en exil Moïse Katumbi a de nouveau été bloqué samedi à la frontière zambienne. Kinshasa ne souhaite apparemment pas voir sur son territoire un opposant qu’elle affirme vouloir mettre en prison. Explications.
Encore raté ! Pour la seconde fois, l’opposant Moïse Katumbi s’est vu refuser l’entrée en République démocratique du Congo (RDC) ce samedi. L’opposant congolais en exil forcé depuis deux ans a de nouveau été bloqué à la frontière entre la Zambie et la RDC, où il voulait rentrer pour déposer sa candidature à l’élection présidentielle avant la date-butoir du 8 août. « Le gouvernement zambien vient de signifier officiellement à Moïse Katumbi le refus des autorités de Kinshasa de le laisser franchir la frontière pour rentrer dans son pays » a fustigé dans un tweet le conseiller politique Olivier Kamitatu qui se trouvait au poste frontière avec Moïse Katumbi.
Une affaire qui vire au burlesque
Déjà, vendredi, l’ancien gouverneur avait été refoulé une première fois du poste frontière de Kasumbalesa… étrangement fermé pour l’occasion. La délégation du mouvement Ensemble de Katumbi, bloquée à Lubumbashi, n’avait pas pu prendre la route vers Kasumbalesa. Au poste frontière, un chauffeur tanzanien a été blessé à la suite d’échauffourées avec les partisans de Katumbi. Un jeune garçon aurait également trouvé la mort en touchant un câble électrique, selon la police, et une femme serait morte après avoir reçu un projectile.
Après ce deuxième refus des autorités congolaises de laisser rentrer Moïse Katumbi, l’affaire vire désormais au burlesque. Condamné à trois ans de prison dans une fraude immobilière et poursuivi pour avoir recruté des « mercenaires », les autorités affirment que si Moïse Katumbi remettait les pieds au Congo, il devrait immédiatement être interpellé, ce qu’a confirmé le parquet dans une lettre publiée ce jeudi – voir notre article.
« Qui a peur de qui ? »
Une situation cocasse qui interpelle Olivier Kamitatu : « A-t-on jamais vu un gouvernement interdire à un soit-disant fugitif de se rendre ? » « Qui a peur de qui ? », ironise Michael Tshibangu, un autre conseiller de Katumbi, « Vous avez dit que s’il revient, il sera arrêté mais vous bloquez son retour ». Sur les réseaux sociaux, les Congolais peinent à justifier la décision des autorités congolaises. « Le monde aura constaté que Moise Katumbi ne fuit pas la justice, mais c’est la justice qui le fuit ! ».
Si on comprend bien pourquoi Kinshasa tient à disqualifier un concurrent sérieux pour la majorité présidentielle dans la bataille pour les élections générales de décembre, on ne saisit pas ce qui retient les autorités de laisser rentrer Moïse Katumbi et de le faire passer par la case prison… ce qui l’éliminerait d’office de la course à la présidentielle.
« Des mascarades judiciaires montées de toutes pièces »
La première raison tient sûrement dans la crédibilité des « affaires » dont on accuse l’opposant congolais. Pour son conseil parisien, Maître Eric Dupond-Moretti, il s’agit « de mascarades judiciaires montées de toutes pièces par Kinshasa pour éliminer politiquement Katumbi ». Dans la première affaire de spoliation immobilière, l’ancien gouverneur a fait appel (qui est suspensif) et dans la seconde, les nombreuses irrégularités du dossier l’ont reporté en octobre. Ce qui fait dire à Dupond-Moretti que « si Katumbi était arrêté, il s’agirait alors d’une arrestation arbitraire et d’une séquestration ». Concernant le refus d’entrée sur le territoire congolais, l’avocat parisien a annoncé son intention de saisir « le comité des droits de l’homme des Nations unies pour constater cette nouvelle violation des droits fondamentaux et cette violation du processus démocratique ».
En acceptant de laisser partir Moïse Katumbi en 2016, déjà sous le coup de deux affaires judiciaires, Kinshasa pensait s’être débarrassé d’un opposant gênant. Et que le risque de se voir interpeller dès son retour suffirait à cantonner Katumbi en exil, loin de la vie politique congolaise. Or, en annonçant son retour pour déposer sa candidature à la présidentielle, l’ancien allié de Joseph Kabila a pris le pouvoir aux mots. « Si je rentre, arrêtez-moi ! »
Pressions internationales
Mais cette option embarrasse quelque peu Joseph Kabila, plongé en pleine crise politique et qui souhaite visiblement s’accrocher au pouvoir après avoir déjà reporté par deux fois l’élection présidentielle. Pour le président congolais, hors-mandat depuis fin 2016, il serait malvenu de jeter en prison un opposant politique alors que la communauté internationale et les dirigeants de la région font pression pour obtenir une transition pacifique en RD Congo. Emprisonné Katumbi embarrasse donc.
Piégée, Kinshasa ne souhaite donc pas voir Katumbi sur son territoire. Du moins, pas avant la fin de la clôture du dépôt des candidatures pour la présidentielle, fixée… au 8 août. Le pouvoir pourrait donc, dans un premier temps, jouer la montre pour empêcher Moïse Katumbi de déposer sa candidature et voir ensuite si elle le laisse rentrer au pays après la date-butoir du 8 août. Des calculs dangereux qui risquent de prendre en otage un scrutin très attendu par les Congolais, lassés par un pouvoir qui ne souhaite visiblement pas passer la main. Mais « la bataille n’est pas terminée » assurent les soutiens de Moïse Katumbi.
Christophe RIGAUD – afrikarabia
Si la justice congolaise cherchait Moïse Katumbi, les autorités de Kinshasa auraient deux choix, soit demander à la Zambie de l’arrêter et le transférer comme cela fût pour général John Tshibangu, soit lui laisser entrer et puis l’arrêter. Pourquoi Kinshasa n’a pas voulu ça ?
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