Quelques jours après la signature d’un accord de paix entre la RDC et le Rwanda à Washington, la rébellion soutenue par Kigali s’empare de la ville d’Uvira, porte d’entrée vers le Sud du Congo et la riche province minière du Grand Katanga.

La situation est encore confuse dans la deuxième ville du Sud-Kivu, mais une chose est sûre, les rebelles de l’AFC/M23 sont bien entrés dans Uvira mardi soir. Les témoignages sur place faisaient déjà état de la fuite des autorités civiles et de militaires dans la journée, alors que la rébellion se tenait à Kiliba, à une quinzaine de kilomètres au Nord d’Uvira. Le scénario de la prise de Goma et Bukavu en début d’année s’est répété dans cette ville de 600.000 habitants au bord du lac Tanganyika : des rebelles qui progressent très rapidement face à une armée congolaise qui opère de multiples replis stratégiques, laissant ainsi la voie libre à l’AFC/M23.
Un accord de paix qui s’effondre
Cinq jours après la signature, en grande pompe, de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda à Washington, la chute d’Uvira n’est pas une surprise. Deux grandes faiblesses de l’accord faisant craindre une « paix de papier ». La première faiblesse repose sur le fait que l’AFC/M23 n’est pas partie prenante de cet accord. Or, c’est justement le M23 qui est sur le terrain et opère, même si Kigali soutient la rébellion. La signature de l’accord de Washington donne l’impression d’avoir mis la charrue avant les boeufs, en signant d’abord la paix avec le Rwanda avant de trouver un accord avec le M23 à Doha. À ce jour, il faut savoir que les principales dispositions de l’accord de Doha sont toujours à négocier. On attend toujours la mise en oeuvre de la neutralisation des FDLR et du retrait des troupes rwandaises du Congo.
Qui pour faire le gendarme ?
La seconde faiblesse de l’accord, c’est son aspect non-contraignant. Que se passe-t-il si l’une des parties ne respecte pas l’accord ? Félix Tshisekedi, devant le Parlement, avait déclaré que le Rwanda violait déjà l’accord. Qui va faire le gendarme ? On peut supposer que seul Donald Trump serait en mesure d’assumer ce rôle et de se faire respecter. Mais pour l’instant, on a l’impression que c’est « business first » et que la paix attendra. Lors de son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump avait promis de ne jamais envoyer de troupes faire la police à travers le monde pour régler des conflits. Pour faire avancer les choses sur le terrain, Donald Trump devra mouiller la chemise pour éviter que la signature de Washington soit un fiasco. Mais le veut-il vraiment ?
Un noeud stratégique régional
La prise d’Uvira montre que depuis le retour du M23 fin 2021, le rapport de force militaire sur le terrain a toujours été nettement en faveur de la rébellion. L’armée congolaise n’a jamais été en capacité de reprendre ses propres territoires, même avec l’aide des milices locales wazalendos ou de l’armée burundaise au Sud-Kivu. La chute d’Uvira marque un tournant dans le conflit au même titre que les prises de Goma et Bukavu. Uvira est un noeud stratégique régional important pour l’armée congolaise et sa présence dans le Sud-Kivu, mais aussi pour son allié burundais qui s’est engagé fortement auprès de Kinshasa contre l’AFC/M23. Uvira offre aux rebelles un accès au lac Tanganyika, un carrefour commercial de taille et très utile pour la logistique militaire. Cela met également les rebelles aux portes du Burundi avec le risque de voir le conflit se régionaliser. Uvira se trouve à une encablure de Bujumbura, la capitale économique burundaise. Enfin et surtout, Uvira est une voie d’accès pour les rebelles, vers le Sud, vers le Grand Katanga, qui est le tiroir-caisse du pays avec ses riches mines de cuivre et de cobalt. Mais c’est aussi un accès au centre du pays, vers la province du Maniema et des villes comme Kindu, afin d’étendre la zone d’influence des rebelles.
Christophe Rigaud – Afrikarabia


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