Augmentation de sa présence militaire, réouverture du poste-frontière de Bunagana, soutien tacite aux rebelles de l’AFC/M23… Kampala continue d’étendre son emprise au Congo en toute discrétion, et en dehors de tous les processus de paix en cours.

L’Ouganda possède une longue histoire avec les conflits congolais depuis maintenant trois décennies. L’implication de ce discret voisin de la République démocratique du Congo (RDC) remonte à 1996 avec son intervention dans la première guerre du Congo, aux côtés du Rwanda, pour soutenir les rebelles de l’AFDL, menés par Laurent-Désiré Kabila. Une implication qui marque le début d’une présence quasi-continue au Congo par des interventions militaires directes, ou indirectes en soutenant des groupes armés alliés. Depuis 2021, l’Ouganda coopère officiellement avec Kinshasa pour lutter contre les ADF, un groupe d’origine ougandaise, aujourd’hui affilié à l’Etat islamique. L’armée ougandaise est alors autorisée à intervenir sur le sol congolais dans les provinces frontalières de l’Ituri et du Nord-Kivu. Les résultats de cette traque aux ADF sont plutôt minces pour ne pas dire inexistants. Des bastions ADF ont certes été démantelés, mais le groupe armé s’est dispersé vers de nouvelles régions comme Lubero, Butembo et Mambasa, poursuivant ses attaques contre les civils. En juillet, la Monusco a rapporté que les ADF avaient massacré plus de 100 civils dans la province de l’Ituri. En fait, beaucoup soupçonnent Kampala de vouloir davantage sécuriser ses intérêts économiques que de combattre efficacement les ADF. Les routes commerciales Kasindi-Beni-Butembo et Bunagana-Goma permettent à l’Ouganda un accès à de multiples ressources minières, aurifères, forestières et pétrolières. Un business où se mêle commerce légal et trafics en tous genres.
Double jeu assumé
Mais la grande question est surtout de savoir quelle est la position de l’Ouganda par rapport aux rebelles de l’AFC/M23, soutenus par le Rwanda, qui occupent désormais les deux principales villes du Nord et du Sud-Kivu ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que Kampala souffle le chaud et froid vis à vis du M23. Les experts de l’ONU semblent indiquer que l’Ouganda joue double jeu, en soutenant tacitement et en tolérant la rébellion. Les récents rapports onusiens démontrent que Kampala a laissé transiter les principaux responsables du M23 par son territoire, notamment pour s’emparer de la ville frontière de Bunagana. Le chef militaire de la rébellion, Sultani Makenga a été vu à Kampala et Entebbe, alors que Corneille Nangaa, le patron de la vitrine politique du groupe, a tenu plusieurs réunions dans la capitale ougandaise. La présence de l’armée ougandaise (UPDF) sur le sol congolais a permis, à la fois, d’empêcher le M23 d’avancer vers la ville de Kisangani en créant une zone tampon, mais aussi en permettant aux rebelles de concentrer ses opérations vers l’Ouest, notamment vers Walikale, sans craindre d’attaque par le Nord. Un subtil double jeu qui ne laisse personne dupe.
Un soutien déguisé au M23
Dans le même temps, Kampala continue d’étendre son emprise dans l’Est du Congo. Dans le dernier rapport de l’ONU sur la situation en RDC, les experts indiquent que l’armée ougandaise a fortement augmenté sa présence militaire de 2000 à 6000 hommes. Un déploiement opéré sans l’accord préalable de Kinshasa et en dehors des zones opérationnelles de l’opération Shujaa. Autre décision unilatérale de Kampala : la réouverture de deux postes-frontières avec la RDC, en juillet, dont celui de Bunagana, contrôlé par le M23 depuis juin 2022. Un choix qui fait polémique puisqu’il apparaît comme un soutien déguisé aux rebelles en leur permettant de continuer à se financer en prélevant des taxes frontalières. L’Ouganda semble également pousser ses propres pions au Congo, en soutenant des groupes armés alliés. C’est le cas de la Convention pour la révolution populaire (CRP) de Thomas Lubanga, un ex-seigneur de guerre condamné à 14 ans de prison par la Cour pénale internationale (CPI). Selon les experts onusiens, un pacte de non-agression aurait été conclu entre la CRP et l’armée ougandaise, qui opère dans la même zone. Thomas Lubanga a créé son mouvement politico-militaire dans la capitale ougandaise et pourrait devenir le nouvel homme lige de Kampala en Ituri.
L’Ouganda, partie prenante du conflit
Le rôle ambigu de l’Ouganda en RDC est enfin incarné par le propre fils du président Museveni, Muhoozi Kainerugaba, qui est aussi le patron de l’armée ougandaise. Sur le réseau social X, ses tweets sont aussi provocateurs que révélateurs des intérêts stratégiques de son pays dans la région, notamment par rapport à son rival rwandais. En février 2025, il menace d’attaquer la ville congolaise de Bunia. En mars, il déclare que l’UPDF ne s’opposerait pas à une prise de Kisangani par le M23. Il qualifie également les Wazalendo, ces milices locales alliées de Kinshasa, de « force négative ». Le 25 juillet, il critique vertement les accords de Washington et Doha, « qui ne valent rien sans l’EAC et la SADC », les deux institutions sous-régionales africaines. Ses déclarations laissent entendre un soutien tacite au M23, et semblent vouloir positionner l’Ouganda comme un acteur militaire incontournable, notamment face au Rwanda. La marge de manoeuvre très large dont bénéficie Kampala en RDC démontre la faiblesse de Kinshasa, qui n’est pas en mesure d’ouvrir un deuxième front avec l’Ouganda, alors que celui avec le M23 et le Rwanda est loin d’être refermé. Son omniprésence au Nord-Est du Congo a rendu l’Ouganda partie prenante de premier plan du conflit en cours. Et lorsque l’on parle de processus de paix globale, il serait peut-être bon d’y inclure également les acteurs périphériques au conflit de l’Est congolais, comme le Burundi, mais aussi l’Ouganda, plus discret que le Rwanda, mais tout aussi influent.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
La guerre à l’est de la république démocratique du Congo,
Il est sur que les pays voisins sont derrière cette guerre,
Ouganda est l’ennemi qui se cashe derrière le rideau, il joue double jeu
Ouganda peut en même temps coopérer avec la RDC pour lutter contre les ADF tout en restant en retrait à ce qui a trait u M23.
Pourquoi toujours raisonner comme tout était un jeu à somme nulle? IL est raisonable pour un pays de veiller à ses intérêts sans nécessairement nuire aux intérêts des autres. C’est même souhaitable.
Ce raisonnement pervers est propre aux soit disant experts de l’ONU et certains journalistes occidentaux qui veuillent lutter au coté de Tshisekedi pour avoir des billets verts.
Qu’on se rappelle de la thèse originelle des « experts de l’ONU » qui nous faisaient croire que le Rwanda et l’Uganda étaient à couteaux tirés en RDC; une fausse narrative -wishiful thinking – alors que l’alliance de ces deux pays est solide comme un rock.