Candidat ou non, depuis Kinshasa ou Bruxelles, la fin des ennuis judiciaires de l’opposant congolais rebat les cartes de l’opposition 6 mois avant la présidentielle de décembre.
Nouvelle donne politique au Congo. L’acquittement surprise du président du Mouvement de Libération du Congo (MLC) va bouleverser les fragiles équilibres de l’opposition congolaise. Condamné à 18 ans de prison par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par ses miliciens en Centrafrique entre 2002 et 2003, l’ancien-vice président de République démocratique du Congo (RDC) a été blanchi vendredi dernier. En appel, la Cour a finalement estimé que Jean-Pierre Bemba n’étant présent avec ses troupes en Centrafrique, sa responsabilité pénale n’était pas établie « de manière irréfutable » et aurait dû bénéficier de circonstances atténuantes. Des « erreurs » qui discréditent un peu plus la CPI, très critiquée en Afrique, mais qui constituent surtout une gifle pour les 5.200 victimes centrafricaines qui attendent toujours réparation et ne seront sans doute jamais indemnisées.
Bemba is back
L’acquittement de Jean-Pierre Bemba va surtout chambouler le paysage politique congolais. Pour l’heure, Jean-Pierre Bemba va rester en prison, mais pourrait bientôt recouvrer la liberté. Inculpé dans une autre affaire de subornation de témoins, Jean-Pierre Bemba risque une peine maximale de 7 ans de prison, mais ayant déjà passé 10 ans derrière les barreaux de la CPI, le « chairman » du MLC pourrait être libéré très rapidement. La Cour devrait statuer sur sa libération mardi 12 juin. Une fois libre, Jean-Pierre Bemba pourra-t-il rentrer à Kinshasa ? Dans un premier temps, la Belgique pourrait être le pays d’accueil de l’opposant congolais, puisque l’ensemble de sa famille y réside. Mais pour un retour au pays, l’équation risque d’être plus complexe. A 6 mois d’une très incertaine élection présidentielle, le pouvoir n’a aucun intérêt à voir revenir un adversaire politique. Pour l’instant le ministre de la justice congolaise ne voit pas d’obstacles au retour de Jean-Pierre Bemba, mais on peut évidemment douter de la sincérité de ses paroles.
Bemba candidat ?
L’opposant va t il vouloir replonger dans « les mathématiques congolaises » et vouloir se présenter aux élections ? On peut penser que le « chaiman » a eu 10 années pour ruminer sa revanche politique dans sa cellule de La Haye. Ses proches contactés affirment que « son engagement politique est intact » et le voit bien redescendre dans l’arène politique congolaise. Car Jean-Pierre Bemba reste un poids lourd de l’opposition. Son parti, le MLC, reste toujours une importante force politique à l’Assemblée nationale. A la présidentielle de 2006, le patron du MLC avait réalisé un excellent score avant de s’incliner face à Joseph Kabila (42% pour Bemba, 58% pour Kabila). Jean-Pierre Bemba est toujours populaire à Kinshasa, qui avait majoritairement voté pour lui, et reste très puissant dans sa province de l’Equateur. Si depuis son arrestation en 2008, le parti s’est vidé de bon nombre de ses lieutenants, dont certains se sont rapprochés de la majorité présidentielle, le chef du MLC reste une figure forte de l’opposition. Orateur hors pair et doté d’un réel charisme, la personnalité de Jean-Pierre Bemba tranche avec les figures plutôt ternes des opposants Moïse Katumbi et Félix Tshisekedi. Mais attention, une candidature Bemba à la présidentielle reste très hypothétique : le pouvoir pourrait lui chercher des ennuis judiciaires, comme c’est le cas avec l’opposant Moïse Katumbi, pour bloquer sa candidature et écarter ainsi un adversaire de poids.
Bemba courtisé
Dans l’incertitude de son retour à Kinshasa et d’une possible candidature à la présidentielle, Jean-Pierre Bemba pèsera de toute façon fortement sur le prochain scrutin. Même depuis Bruxelles, le « chairman » aura tout le loisir de nouer les alliances nécessaires pour influer sur la présidentielle. Le personnage redevient donc incontournable pour les autres leaders de l’opposition, qui se sont tous empressés de féliciter le nouvel acquitté de La Haye. Un concert de louanges non dénué d’arrières pensées tactiques. Car dans une présidentielle à un seul tour, l’opposition doit s’avancer unie si elle veut gagner les élections. Et pour le moment c’est un peu l’embouteillage. Moïse Katumbi, Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe et Martin Fayulu sont déjà dans les starting-blocks. Seul un candidat unique de l’opposition pourrait s’imposer face au candidat de la majorité présidentielle. En cas de non candidature du patron du MLC, son soutien peut donc s’avérer décisif, notamment pour fédérer les voix de Kinshasa et de l’Equateur.
Bemba inquiète
Si les partisans de Jean-Pierre Bemba sont descendus dans la rue à Kinshasa pour célébrer l’acquittement de leur chef, certains Congolais garde un souvenir plus mitigé de l’ancien vice-président congolais. Ils sont nombreux dans la capitale à garder en mémoire les violents affrontements entre milices pro-bemba et pro-Kabila après la présidentielle de 2006. En mars 2007, les altercations entre troupes gouvernementales et soldats du MLC avaient fait entre 200 et 500 morts. Les combats s’étaient terminés à l’arme lourde et par l’exfiltration du président du MLC en Afrique du Sud. Il ne faut pas oublier que Jean-Pierre Bemba n’a jamais été un Saint. C’est un ancien chef d’une des milices les plus violentes des guerres congolaises, avec tout ce que cela implique : meurtres, exactions, trafic en tout genres, et une pratique du pouvoir sans partage.. et bien peu démocratique. N’oublions pas enfin que la RDC est encore secoué par de nombreux conflits : dans les Kivu, les Kasaï, en Ituri… Plus d’une centaine de groupes armés pullulent encore à l’Est et le pays compte toujours un peu plus de 3 millions de déplacés internes. Le possible retour du turbulent Jean-Pierre Bemba à Kinshasa pourrait de nouveau enflammer un Congo déjà au bord du gouffre.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
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Merci pour le retour et le commentaire!viagra
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La ligne d’accusation adoptée dès l’entrée par la CPI était bancale, politique plutôt que devant dire sereinement le droit, elle reposait sur un exemple à faire pour valider un organe parallèle de la justice internationale qui devait enfin aire ses preuves. En la matière, le carriériste et affairiste Moreno Ocampo avait misé sur un « gros poisson » le ‘chairman Congolais’ défait de force au profit du nouveau poulain de l’Occident (comme avec Gbagbo par la suite), sûr de ses appuis et à l’écoute sinon à la solde de celui-ci, il a entrepris faire de la CPI une juridiction internationale toute-puissante, intouchable, pouvant se permettre toutes les audaces et même de créer ce chef d’inculpation inédit de « responsabilité du chef, du commandant » quelle qu’ait été son emprise réelle sur les décisions et actes commis par ses troupes ; mégotant sur le difficile argumentaire pour le prouver. En l’occurrence ici et c’est le comble, Bemba choisi pour payer pour tous n’était même pas présent sur place, la réalité de ses ordres directs douteuse, il s’est fait de plus que Patassé le président démocratiquement élu qui avait fait appel à son assistance ainsi que ses collaborateurs civils et militaires tous sur place n’ont jamais été inquiétés. Le péché originel de la CPI a tellement contaminé tout son fonctionnement que même les commandants militaires de Bemba qui étaient sur place ont à peine servi de témoins sans davantage…
Bref, ce château vite échafaudé, plus politique que juridique ne pouvait que s’écrouler à tout moment en face des Juges plus regardant de la procédure judiciaire et de la vérité des faits plutôt qu’obéissant à une ligne de conduite politique, néo-colonialiste et quasi mafieuse, c’est ce qu’il s’est passé avec cette nouvelle Cour d’appel, courageuse et honnête. Et elle a eu raison : les victimes de Centrafrique n’ont pas eu comme bourreau direct que Bemba, hélas mais en même temps beaucoup d’autres qui si le procès avait été droit dès le début (en fait il l’a été mais Ocampo en perte de vitesse sur sa ligne d’accusation a changé plus d’une fois les ‘chefs d’accusation’ en cours de route) on serait arrivé à condamner tous les protagonistes de ce maelstrom sans surestimer pour l’exemple un seul comme ça c’est passé… Dommage mais ailleurs la majorité des Juges en appel (3 sur 5) nous a offert cette condamnation courageuse et même risquée pour la crédibilité de cette CPI mais juste…
Quant à l’avenir personnel de Bemba, à voir l’attention qu’il a accordé pendant ces longues années d’absence à la situation du pays et à voir le contrôle étroit qu’il a continué à exercer sur son parti pendant ce temps, on peut penser que son avenir aura toujours un volet politique ; à quel niveau exactement ?
Donnons-lui le temps de souffler, de se réparer de tous les préjudices subis et n’oublions pas qu’ils ont commencé avec les attaques directes de ‘JK’. L’EUFOR alors commanditée par L Michel et son UE pour imposer leur poulain d’alors ‘n’avait pas empêché non seulement que Bemba gagne contre lui mais qu’il use de sa ‘milice’ pour contester le vol de sa victoire , hélas pour être acculé plus tard à « accepter l’inacceptable » et malgré cela à être exfiltré pour finir en prison à La Haye…
Le diabolique ‘JK’ est toujours là avec ses moyens, Bemba comme tous les Congolais trop vite euphoriques après son acquittement auraient tort de l’oublier ; au contraire ils doivent se préparer à d’autres joutes pas gagnées d’avance…
J’ai vu raement un congolais ecrire aussi bien
Fier de vos propos???