Dans un discours devant les deux assemblées, le président Joseph Kabila a annoncé la création « imminente d’un gouvernement d’union nationale« . Une ouverture politique à minima : l’actuel chef de gouvernement, Matata Ponyo, pourrait reste à son poste et Joseph Kabila… après 2016.
L’ouverture oui, mais pas trop. Le discours de Joseph Kabila devant les deux chambres était très attendu et devait répondre aux recommandations des Concertations nationales. L’annonce phare du président Kabila : la nomination « imminente » d’un gouvernement d’union nationale. Une nouvelle équipe qui comprendra « aussi bien des représentants de la majorité, que de l’opposition et de la société civile« . Pourtant, aucun nom n’a été avancé par le président pour le poste de Premier ministre . L’actuel chef du gouvernement, Matata Ponyo, un temps donné partant, pourrait bien rempiler à la Primature. L’ouverture s’effectuera donc « à petit pas« , seulement avec l’arrivée de quelques figures politiques d’opposition ou le retour de « poids lourds » de l’échiquier congolais. Mais le maintien de Matata Ponyo, qui n’a toutefois pas démérité à la Primature, est difficilement compréhensible dans un contexte d’ouverture et de changement politique. Une ouverture limitée enfin, par l’absence des deux partis d’opposition, UDPS et UNC, qui ont boycotté l’ensemble du processus de concertations.
Bonnes intentions
Le reste des annonces est également en demie-teinte et sans grande surprise : libérations de prisonniers civils et militaires (sans en préciser les noms et le nombre), le retour des dépouilles de Moïse Tshombe et de Mobutu (dont on se demande en quoi cela va résoudre les problèmes de la RDC) ou encore la création de nouvelles provinces dont on attend la mise en place… depuis 2006 (déjà sous Joseph Kabila). Dans le catalogue des bonnes intentions annoncées par le président, la nomination d’un conseiller « anti-corruption« , qui peine à faire oublier le succès mitigé du programme « tolérance zéro » ou encore cette incantation sur « l’affairisme » qui « doit être banni de l’armée et de la police« . Bonnes intentions également dans le souhait de voir organiser « avec diligence les élections municipales, provinciales et sénatoriales« , restées en souffrance depuis 7 ans. Des annonces qui cachent mal le manque de résultats des deux présidences Kabila.
Voeu pieux
Méthode Coué ensuite, dans le traitement du conflit du Kivu en demandant que les groupes armés « déposent les armes » et « se rendent« . Un voeu pieux, lorsque l’on connait la faiblesse militaire de l’armée congolaise qui ne doit ses dernières avancée qu’au soutien des casques bleus de l’ONU. Grand écart enfin, lorsque le président congolais a souhaité le suivi de dossier des Congolais détenus à la Cour pénale internationale (CPI). Une allusion à peine voilée sur le sort de son opposant le plus farouche, Jean-Pierre Bemba, en prison depuis 5 ans à La Haye. Un appel du pied au chairman du MLC, dont le parti d’opposition été le seul à participer aux Concertations nationales souhaitées par Joseph Kabila.
Un compromis pour durer
Le discours du président Kabila face au Congrès, n’a donc rien du grand chambardement annoncé. Pas de partage du pouvoir, pas de 1+4 ou de 1+2, pas de révolution, mais une ouverture prudente qui devrait prendre son temps. La mise en place des annonces va donc s’étaler sur plusieurs mois et Joseph Kabila va vraisemblablement jouer du chronomètre. Un risque, selon l’opposition, qui parie sur un « rallongement » du mandat présidentiel au delà de 2016, ce qui éviterait à Joseph Kabila d’avoir à changer la Constitution pour rester au pouvoir. Si tel était le plan du président congolais, alors ces Concertations sont une réussite pour le régime de Joseph Kabila. Des Concertations qui réussissent un délicat compromis : ouvrir politiquement, sans rien concéder du pouvoir.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Photo : Palais du peuple Kinshasa © www.afrikarabia.com