Le Rassemblement de l’opposition vient de récuser le facilitateur du dialogue, Edem Kodjo, quelques jours avant l’ouverture des travaux du comité préparatoire et le retour d’Etienne Tshisekedi . Une mise sous pression du pouvoir alors que le grand meeting de l’opposition est prévu le 31 juillet prochain.
Edem Kodjo, le facilitateur de l’Union Africaine (UA), est une nouvelle fois contesté par l’opposition congolaise. Alors que le début des travaux du comité préparatoire du dialogue politique initié par le président Joseph Kabila était fixé pour le 30 juillet, le Rassemblement de l’opposition récuse de nouveau l’ancien Premier ministre togolais. Les principaux griefs de l’opposant Etienne Tshisekedi reposent sur les mêmes préalables depuis plusieurs mois et s’appuient sur la résolution 2277 des Nations unies : avec notamment la constitution d’un panel de facilitateurs internationaux, ainsi que la libération de tous prisonniers politiques. Si le président Kabila a opportunément annoncé la grâce des six militants de la Lucha en fin de semaine dernière, ce geste d’apaisement en trompe l’oeil (les activistes n’avaient plus que quelques semaines de prison à purger) n’a visiblement pas convaincu les opposants congolais du Rassemblement. Mais ce qui a agacé l’opposition, c’est surtout l’annonce prématurée du comité préparatoire par Kodjo « alors qu’aucun prisonnier politique n’avait été libéré, explique à Afrikarabia un membre du Rassemblement. « Cette déclaration a constitué une provocation de plus du facilitateur. Pour nous, Kodjo, c’est désormais du passé ».
Le Rassemblement espère faire plier Kabila
Cette dernière volte-face intervient alors que l’opposition congolaise entame une semaine cruciale à Kinshasa avec plusieurs grands rendez-vous. Le mercredi 27 juillet 2016 doit voir revenir à Kinshasa l’opposant historique Etienne Tshisekedi, 84 ans, en convalescence à Bruxelles depuis août 2014. Un retour très attendu par l’UDPS et ses alliés qui doit constituer le lancement d’une opération de reconquête du pouvoir, à moins de cinq mois de la fin du dernier mandat de Joseph Kabila. Le 31 juillet, le point d’orgue du retour de l’opposant historique, doit ensuite se concrétiser par un grand meeting autour du respect de la Constitution, de l’alternance politique et du départ du président Kabila. L’opposition accuse ce dernier de vouloir retarder sciemment la date de la prochaine présidentielle afin de se maintenir au pouvoir au-delà de son mandat. Le psychodrame autour de la récusation d’Edem Kadjo constitue donc un nouveau coup de pression dans le bras de fer qui oppose majorité et opposition autour du dialogue politique. Le camp Tshisekedi espère faire plier Joseph Kabila pour qu’il quitte le pouvoir, même si les élections n’ont pas lieu dans les délais. Une période de transition pourrait alors être confiée à Etienne Tshisekedi jusqu’à l’organisation du prochain scrutin. En refusant une nouvelle fois Edem Kodjo, l’opposition tente de conserver la main dans la rue avant toute tentative de dialogue politique. « Une question de tempo afin d’arriver à la table du dialogue le plus fort possible » nous explique un autre membre du Rassemblement.
Le dialogue une nouvelle fois retardé
Du côté des autorités congolaises, on hésite encore entre conciliation et fermeté. Le général Augustin Kanyama, plutôt connu pour ses méthodes « musclées » et ses « dérapages sécuritaires » pendant les rassemblements de l’opposition, a semble-t-il mis un peu d’eau dans son vin. « En ce qui concerne la sécurité de Monsieur Etienne [Tshisekedi], on a pris toutes les dispositions pour l’acheminer chez lui à la maison et tout se passera bien », a assuré le patron de la police à Radio Okapi. Un cinquantaine de personnes devraient être autorisées à accueillir le « Sphinx de Limete » à l’aéroport. Concernant l’autre leader de l’opposition, qui doit être présent au grand meeting du 31 juillet, Moïse Katumbi, les autorités se sont montrées plus intransigeantes. Condamné à trois ans de prison pour spoliation de biens et accusé d’avoir recruté des mercenaires (accusations que l’intéressé récuse), l’ancien gouverneur du Katanga, actuellement soigné en Europe, devrait être arrêté à sa descente d’avion, selon le ministre de la justice, Alexis Thambwe Mwamba. L’appel demandé par les avocats de l’homme d’affaires n’est pas suspensif de la peine prononcée à Lubumbashi, estime le ministre. La guerre des nerfs continue donc à Kinshasa avant les retours de Tshisekedi et Katumbi . Une « guerre » qui a pour conséquence d’éloigner un peu plus l’ouverture du dialogue politique dans des délais raisonnables.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia