La venue de François Hollande au 14ème Sommet de la Francophonie continue de faire polémique. Si Kinshasa se félicitent de la participation du président français, les voix de l’opposition congolaises sont plus dissonantes.. Il y a les « contre« , les « pour« …et ceux qui font avec.
Après la fin du suspens sur la participation de François Hollande au prochain Sommet de la Francophonie de Kinshasa, voici venu le temps des commentaires, des positionnements politiques… et des controverses. Sans surprise, le porte-parole du gouvernement de République démocratique du Congo (RDC) affiche une certaine satisfaction après l’annonce de la venue du président français à Kinshasa. Une décision qui « rend justice au peuple congolais« , qui, « malgré la guerre qui prévaut dans le Kivu, fournit tous les efforts chaque jour et accepte des sacrifices, pour être prêt pour ce rendez-vous« .
Contre
Du côté de l’opposition, plusieurs sons de cloches se font entendre. Dans la catégorie des « farouchement contre« , on trouve l’UDPS, le premier parti d’opposition en RDC. Etienne Tshisekedi, le patron de l’UDPS, demandait le boycott du président français ou la délocalisation du Sommet de la Francophonie dans un autre pays, comme cela a déjà été le cas en 2010 pendant la crise de Madagascar. Les motifs invoqués par l »UDPS sont clairs : les élections de novembre 2011 ont été truquées et le régime de Kinshasa ne respecte pas les droits de l’homme. Le parti dénonce « la violente répression des opposants politiques« , « les disparitions » et « les assassinats« , notamment celui du militant des droits de l’homme, Floribert Chebeya en juin 2010. Après l’annonce de la décision de François Hollande de venir malgré tout à Kinshasa pour « réaffirmer les principes et les idéaux » de la Francophonie, quitte à « tout dire » au président Joseph Kabila, l’UDPS ne décolère pas. « Les intérêts ont pris le dessus sur la démocratie et le respect des droits humains. Les engagements de campagne (du candidat François Hollande, ndlr) sont restés lettre-morte« , tempête l’UDPS. Pour le parti d’Etienne Tshisekedi, « les autorités françaises cautionnent les élections calamiteuses de novembre 2011 dont les résultats sont rejetés par tous« . Et de conclure qu’il s’agit « d’un motif de plus pour radicaliser le combat« . Si on lit entre les lignes on peut donc s’attendre à des appels à la « mobilisation populaire », en clair : des manifestations, dans les rues de Kinshasa avant et pendant le Sommet, prévu du 12 au 14 octobre.
« Farouchement contre » également, l’association « Convergence pour l’émergence du Congo« , menée par Jean-Louis Tshimbalanga. Ce français d’origine congolaise a saisi la justice française pour tenter d’empêcher la tenue du Sommet à Kinshasa. Selon lui, « François Hollande a été induit en erreur. Yamina Benguigui (la ministre déléguée à la Francophonie, ndlr) n’a pas fait son travail à son retour de Kinshasa. Il fallait délocaliser le Sommet au Sénégal ou à Maurice. » Jean-Louis Tshimbalanga en veut aussi beaucoup à Abdou Diouf, le patron de l’Organisation International de la Francophonie (OIF) contre qui il a porté plainte. Pour le président de cette association, « organiser ce Sommet à Kinshasa viole la Charte de la Francophonie et la déclaration de Bamako. Il y a des millions de morts au Congo, des femmes violées, des élections truquées, le pays est en guerre à l’Est. Madame Benguigui aurait dû signaler à François qu’il ne devait pas se rendre là-bas« . Avant de conclure : « Yamina Benguigui nous dit que la politique de la chaise vide ne sert à rien, qu’elle me prouve que la politique de la chaise pleine sert à quelques chose ! »
Pour
Dans l’opposition, d’autres voix se font entendre et considère que la venue de François Hollande est une chance pour se faire entendre. Parmi elles, on trouve Martin Fayulu, président de l’Ecidé, un parti proche d’Etienne Tshisekedi. Sur le site de RFI, ce député d’opposition « se déclare satisfait de la déclaration de François Hollande » et « espère que le président français va aider à faire avancer la démocratie : revenir sur le scrutin présidentiel à un tour, la création de la cour constitutionnelle et le départ du président de la Céni. » Même réflexion de Jonas Tshiombela de la nouvelle société civile congolaise, toujours sur le site de RFI, qui se demande : « qu’est ce que cela changerait en RDC, si François Hollande ne venait pas ? »
A Paris, Gaspard-Hubert Lonsi-Koko, membre du RDPC et candidat aux législatives dans le Bas-Congo, est lui aussi satisfait de la venue de François Hollande dans la capitale congolaise. Clairement opposé au régime du président Kabila, Gaspard-Hubert Lonsi-Koko a toujours souhaité la tenue du Sommet de la Francophonie en République démocratique du Congo ainsi que la présence de François Hollande. Membre du parti socialiste, tout comme le président français, Gaspard-Hubert Lonsi-Koko salue « le courage politique » de Hollande « n’en déplaise aux participants du boycott« . Il espère que François Hollande saura « redonner espoir aux millions de Congolais, sans pour autant cautionner un pouvoir non accepté par la grande majorité d’entre eux« . Selon Lonsi-Koko, l’absence de François Hollande à Kinshasa aurait pu avoir des conséquences néfastes et notamment « fragiliser davantage la République Démocratique du Congo, le plus grand bastion francophone, au point de l’exposer aux menaces du Rwandais Paul Kagamé et de l’Ougandais Yoweri Museveni dont les parrains anglophones jouent un rôle important dans la région des grands lacs. » Seul bémol pour cet opposant congolais : « si les intentions de François Hollande sont bonnes (réaffirmer les règles démocratiques, la bonne gouvernance et le respect es droits de l’homme, ndlr), attention de ne pas suivre le même chemin que ses prédécesseurs et ne rien faire« .
Attend de voir
A mi-chemin entre ces deux positions, Vital Kamerhe, l’ancien président de l’assemblée nationale, a déclaré sur le site de RFI que si « la France est souveraine dans ses décisions« , « il y a une crise de légitimité du pouvoir Kabila et les droits de l’homme ne sont pas respectés« . Le président de l’UNC attend donc que le président français prenne des « positions fermes » pendant le Sommet et soit « clair« , sinon « il ne pourra pas se sentir à l’aise pour faire une fête culturelle à Kinshasa. » Justement, pour clarifier la position française, Jean-Louis Tshimbalanga de l’association « Convergence pour l’émergence du Congo« , propose un « débat télévisé » à Yamina Benguigui, la ministre déléguée à la Francophonie pour « donner la parole aux Français » sur le prochain Sommet.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia