A quatre mois des élections générales, l’opposition est toujours aussi malmenée en République démocratique du Congo (RDC). La fuite en avant d’un pouvoir qui craint de perdre devant les urnes se poursuit.
La non-candidature de Joseph Kabila à la présidentielle n’a pas fait baisser la tension en République démocratique du Congo (RDC). La désignation d’un dauphin à la succession de l’actuel président congolais a au contraire crispé le climat politique, le pouvoir souhaitant à tout prix gagner les élections. La Commission électorale (CENI) a rejeté six candidatures à la présidentielle dont celle de Jean-Pierre Bemba, un des poids lourds de l’opposition. Quant à l’autre candidat phare, l’opposant Moïse Katumbi, il n’a même pas pu rentrer au Congo déposer son dossier de candidature, et reste pour l’instant condamné à l’exil.
“Un usage excessif de la force”
L’opposition dénonce un “coup de force électoral”, dans lequel le pouvoir cherche à sélectionner les candidats de l’opposition qu’il souhaite voir en face de lui. Mais le verrouillage du scrutin ne s’arrête pas là. Les autorités congolaises continuent de fortement réprimer les opposants politiques et leurs militants. Human Rights Watch (HRW) s’est entretenue avec plus de 45 Congolais, tous témoins de violations des droits de l’homme, d’arrestations, ou de répression violente. Selon l’ONG “le gouvernement congolais devrait mettre un terme à l’usage excessif de la force contre les partisans de l’opposition, libérer les membres de partis d’opposition et activistes arbitrairement détenus”.
“Le 1er août, les forces de sécurité ont lancé des gaz lacrymogènes et tiré à balles réelles pour disperser des dizaines de milliers de partisans qui s’étaient réunis pour accueillir le leader de l’opposition et ancien vice-président Jean-Pierre Bemba dans la capitale, Kinshasa, blessant au moins deux personnes” dénonce Human Rights Watch. Peu après le retour de Jean-Pierre Bemba à Kinshasa, les forces de sécurité l’ont également empêché de se rendre à sa résidence. Les autorités ont déclaré que sa maison se trouvait dans un “site présidentiel “ et qu’il ne pouvait pas y résider. Juste après avoir déposé sa candidature, Jean-Pierre Bemba a décidé de rentrer à Bruxelles.
Les partisans de Katumbi muselés
Les manifestations de soutien à l’opposant Moïse Katumbi ont également été largement réprimées. Lors du retour raté de l’homme d’affaires en RDC le 3 août – voir notre article -, “les forces de sécurité ont tiré à balles réelles et lancé des gaz lacrymogènes pour disperser les partisans venus accueillir Moïse Katumbi du côté congolais de la frontière”, faisant au moins un mort et un blessé. Plusieurs quartiers de Lubumbashi, le fief de l’opposant, ont été bouclés par la police et les véhicules systématiquement fouillés aux barrages routiers. A cette occasion, des dizaines de militants d’opposition ont été interpellés.
Human Rights Watch affirme que des parlementaires et des membres de la plateforme politique de Katumbi ont été empêchés de se rendre à l’aéroport de Lubumbashi où était censé atterrir l’opposant. “Comme nous tentions de passer, un agent de police a pointé son arme sur nous et a menacé de nous tirer dessus si nous osions poursuivre notre chemin“, a raconté un responsable à Human Rights Watch. “Il a dit qu’il exécutait les ordres de leur hiérarchie”. Toujours selon ces témoins, “le 6 août, les forces de sécurité ont abattu un garçon de 10 ans et ont blessé au moins quatre personnes lors de manifestations à Lubumbashi”.
Les autres candidats à la présidentielle ne sont guère mieux traités. Les partisans de Félix Tshisekedi ont été dispersés par du gaz lacrymogène, alors que le patron de l’UDPS déposait son dossier de candidature à la CENI, le 7 août. Un muselage tout azimut de l’opposition, qui fait penser que le pouvoir redoute de perdre les élections.
Un travail de sape électoral dangereux
En désignant Emmanuel Ramazani Shadary comme candidat de la majorité présidentielle, Joseph Kabila a pris un risque électoral. Le numéro un du PPRD est peu connu des Congolais et son rôle trouble pendant la répression sanglante des manifestations de 2016 peut faire craindre une absence d’engouement populaire sur sa candidature. Alors, pour gagner les élections et conserver le pouvoir, le camp présidentiel veut se rassurer en continuant son travail de sape du processus électoral. Elimination ou disqualification d’opposants, division de l’opposition, verrouillage des médias… sans parler de l’utilisation de la très contestée machine à voter, que les opposants appellent ”machine à tricher”, et d’un fichier électoral truffé d’électeurs fictifs.
“Le fait que Joseph Kabila ne pose pas sa candidature est une première étape cruciale, mais nous sommes encore bien loin d’un processus électoral crédible” estime Ida Sawyer, responsable pour l’Afrique centrale d’Human Rights Watch. “Une pression permanente des partenaires régionaux et internationaux de la RD Congo est nécessaire pour éviter de nouvelles répressions et de nouveaux bains de sang et pour que le pays connaisse une véritable transition démocratique” prévient l’ONG. Mais pour l’instant, on en est encore très loin.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Pingback: République démocratique du Congo (RDC), la guerre pour le pouvoir - Mondafrique
Pingback: RDC : qui de Tshisekedi ou Kabila détient vraiment les rênes du pouvoir ? – Tribune d'Afrique
Pingback: RDC : qui de Tshisekedi ou Kabila détient vraiment les rênes du pouvoir ? | Mali info
Pingback: RDC : Qui de Tshisekedi ou Kabila détient vraiment les rênes du pouvoir ? [ANALYSE] – Afriwave
Pingback: RDC : qui de Tshisekedi ou Kabila détient vraiment les rênes du pouvoir ? - Congo Réformes