Plusieurs cérémonies ont été organisées en France dans le cadre de la commémoration du génocide contre les Tutsis au Rwanda. Mais les rescapés dénoncent une réunion provocatrice organisée le 7 avril à Rouen par le réseau négationniste en présence de suspects de génocide réfugiés en France.
Comme chaque année, la commémoration du génocide contre les Tutsis du Rwanda fait l’objet d’une série de cérémonies en France, notamment à Paris. Du 7 avril au 4 juillet 1994, le génocide contre les Tutsis et le massacre politique des Hutus démocrates a fait plus d’un million de victimes dont, selon les autorités rwandaises 934 218 nommément identifiées. Plus de la moitié des victimes étaient des enfants et des jeunes, depuis les nouveaux-nés jusqu’à 24 ans. Entre 75 et 80% des Tutsis qui vivaient au Rwanda ont été exterminés. Parmi les survivants du génocide et massacre politique des Hutus démocrates, plus de 600 000 orphelins, 60 000 veuves, et des milliers de handicapés. En juillet 1994, lorsque la victoire du Front patriotique a fait cesser le carnage, les collines du Rwanda étaient jonchées de cadavres. Aujourd’hui encore, les restes d’un grand nombre de disparus n’ont pas été retrouvés.
La première commémoration organisée par la section française d’Ibuka (“Souviens-toi”) avait lieu samedi 7 avril devant le Mur de la Paix au Champ de Mars. A cette occasion le maire de Paris a fait lire un message où il s’engage à trouver un lieu pour recevoir un mémorial du génocide contre les Tutsis, une demande exprimée depuis longtemps par la communauté rwandaise de France. Un seul lieu de cette nature existe aujourd’hui en France : une Stèle commémorative à Cluny, inaugurée en 2011. C’est à Cluny que se tiendra d’ailleurs la cérémonie de clôture de la 18e commémoration, samedi 30 juin 2012.
Jacques Kabale, l’Ambassadeur de la République du Rwanda en France a organisé une cérémonie du souvenir le 11 avril à Paris en présence de représentants du gouvernement français, de la présidence de la République, des membres du corps diplomatique et des représentants de nombreuses associations, dont Ibuka France.
Tout en reconnaissant les avancées réalisées dans le cadre de la coopération judiciaire bilatérale entre la France et le Rwanda, Jacques Kabale, a déploré le fait qu’aucun génocidaire n’ait été, jusqu’à ce jour, jugé en France et que de ce fait la France devenait ainsi un havre de paix pour ceux-ci. Il a toutefois salué la création du « Pôle Génocide et Crime contre l’Humanité » qui permettra d’extrader des génocidaires présumés vers le Rwanda et le cas échéant de les traduire devant les juridictions françaises et de les juger.
Mme Elisabeth Barbier, représentante du ministère des Affaires étrangères et européennes, a au contraire proclamé la détermination du gouvernement français à poursuivre et à traduire devant la justice les coupables du génocide où qu’ils se trouvent et à lutter contre toute forme de négationnisme. « La France est engagée aux côtés des juridictions pénales internationales et le restera », a-t-elle souligné. Madame Barbier a terminé en précisant que la France souhaitait accompagner le Rwanda dans son développement et souhaitait aussi renforcer les liens d’amitié et de coopération avec le peuple rwandais.
Cependant un évènement est venu ternir le programme des cérémonies : une réunion négationniste a pu être organisée à Rouen (Seine Maritime) le 7 avril à l’initiative de Théogène Rudasingwa, un Rwandais actuellement sous le coup d’un mandat d’arrêt international en suite d’une condamnation par contumace pour atteinte à la sécurité de l’Etat rwandais
Selon l’ambassade du Rwanda à Paris, « cette réunion regroupait un certain nombre de personnes présumées avoir participé au génocide contre les Tutsis du Rwanda d’avril à juillet 1994, dont Charles Twagira et Claude Muhayimana contre lesquels des procédures sont actuellement en cours devant les juridictions françaises”.
La Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel de Rouen avait émis le 29 mars dernier un avis favorable à l’extradition de Claude Muhayimana vers le Rwanda pour y être jugé, tout en assortissant sa liberté provisoire d’un contrôle judiciaire strict.
“La date symbolique retenue pour cette rencontre coïncide très exactement avec la commémoration du début du génocide des Tutsis perpétré au Rwanda et est de nature à porter le trouble parmi les nombreux rescapés résidant en France”, a indiqué l’ambassadeur du Rwanda dans un communiqué qui “ ne peut que constater avec regret ce sérieux incident qui n’aurait pas du échapper aux forces de l’ordre au regard des conventions internationales”.
Capitale du département de Seine Maritime, Rouen abrite le principal réseau de Rwandais négationnistes et de suspects de génocide en France.