Les deux principaux leaders de la rébellion des Forces populaires du Burundi (FPB) ont été arrêtés en Tanzanie et livrés aux autorités burundaises. Un acte qui aggrave la tension dans la région des Grands lacs.
Dans un communiqué, la rébellion des Forces populaires du Burundi (FPB) a annoncé lundi l’arrestation ce week-end en Tanzanie et la déportation vers Bujumbura du général Jérémie Ntiranyibagira et du lieutenant-colonel Edward Nshimirimana, numéros 1 et 2 du mouvement. Selon nos information, deux de leurs adjoints, Libère Nzeyimana (alias Mahopa) et Mme Liberata ont été également arrêtés. Cette dernière était la représentante en Tanzanie des Forces populaires du Burundi.
Si les autorités burundaises se refusaient lundi à confirmer ces informations, d’autres sources précisaient que les quatre leaders rebelles ont été remis au chef du Service national de renseignement burundais à Muyinga (ville frontière avec la Tanzanie).
Quatre rebelles remis au Burundi
Il semble que les quatre responsables des FPB, le nouveau nom des Forces républicaines du Burundi (Forebu) soient tombés dans un guet-apens tendu conjointement par des forces de l’ordre de Tanzanie et du Burundi. Ikiriho, un site d’information qui relaye généralement les thèses du pouvoir burundais, a nié qu’il y ait eu extradition, ce qui pourrait signifier que l’opération ait été menée à l’insu du pouvoir central tanzanien. « Jusqu’à maintenant, cette information est fausse. Il n’y a aucun échange de captifs militaires entre Tanzanie et Burundi », a affirmé dimanche de façon ambiguë le site Ikiriho sur son compte Twitter. « Les deux responsables se sont fait piéger en Tanzanie où ils s‘étaient rendus en mission », a réagi sous couvert d’anonymat auprès de l’AFP un cadre rebelle burundais, encore « sous le coup d’un choc terrible ».
Le Burundi est plongé dans une grave crise depuis avril 2015, lorsque le président Pierre Nkurunziza a annoncé son intenstion de briguer un troisième mandat controversé puis son élection en juillet de la même année. Les violences ont fait plus de 500 morts et poussé près de 400.000 personnes à quitter le pays.
Crise politique depuis 2015
Entre 1993 et 2006, le Burundi avait été plongé dans une guerre civile qui a causé entre 200 000 et 300.000 morts (environ 5% de la population), poussé des centaines de milliers de Burundais sur les routes de l’exil et dévasté le pays. Une coûteuse force internationale d’interposition originaire d’Afrique du Sud et la médiation de Nelson Mandela avaient laborieusement abouti à un accord de paix et de partage du pouvoir signé à Arusha en 2000. Pierre Nkurunziza avait fini par se rallier à l’accord en échange de son élection à la présidence pour deux mandats maximum. En 2015, la perspective de devoir rendre le pouvoir lui a fait déchirer le contenu de l’accord. Pour mettre fin aux protestations de rue et à une tentative de sédition militaire, il a instauré un régime de terreur qui a fait plus de 3000 morts et de nouveau poussé à l’exil entre 300 000 et 400 000 personnes. En décembre 2015, soldats et policiers ayant pris la fuite ont constitué une ébauche de rébellion, les Forebu, sous l’égide du lieutenant-colonel Edouard Nshimirimana. Au mois d’août 2016 la rébellion s’est unifiée sous le nouveau nom de FPB et passait sous les ordres du général Jérémie Ntiranyibagira, Edouard Nshimirimana devenant son adjoint.
Un régime de terreur
Au début 2017, les autorités tanzaniennes avaient lancé une nouvelle médiation à Arusha pour une sortie de crise au Burundi. Ce dialogue visait à faire s’asseoir autour d’une même table les représentants du CNARED (Conseil National pour le respect de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi et de l’Etat de droit), une plateforme regroupant la quasi-totalité de l’opposition burundaise intérieure et en exil et les représentants du régime de Pierre Nkurunziza. Mais ce dernier posait comme préalable l’arrestation et la livraison au Burundi de la quasi-totalité des leaders du CNARED, qualifiés de « criminels ». Bujumbura aurait lancé des mandats d’arrêt internationaux aussi bien contre ses opposants que contre un avocat occidental qui les conseillait.
Le médiateur régional dans la crise burundaise, l’ex-président tanzanien Benjamin Mkapa, n’a pas réussi à instaurer le dialogue attendu. Et l’arrestation par la Tanzanie des chefs de la rébellion ainsi que leur livraison à Bujumbura semblent ruiner définitivement la crédibilité du médiateur.
Compte tenu des méthodes du régime Nkurunziza, « le risque de tortures et d’exécution extrajudiciaire est très élevé », estime Me Bernard Maingain, avocat du CNARED, qui ajoute : « L’ONU, l’UA, l’EAC et la communauté diplomatique à Bujumbura devraient se mobiliser afin de sauver les quatre vies et rappeler aux autorités burundaises leurs obligations de garantir un procès juste et équitable. Les combattants arrêtés sont par ailleurs protégés par le droit international humanitaire. »
Jean-François DUPAQUIER