Contrairement à la première prise de Goma par les rebelles du M23 en 2012, les casques bleus ont particulièrement brillé par leur inutilité en 2025. Un « modeste second rôle » qu’analyse le chercheur Thierry Vircoulon en pointant la « présence-absence » de l’ONU dans le conflit du M23.

Le vendredi 24 janvier 2025, dans la soirée, la Mission des Nations unies en République démocratique du Congo (Monusco) annonce dans un communiqué que « les Forces de réaction rapide (QRF), unité d’élite de la Monusco, ont été activement engagées dans des combats intenses » contre la rébellion du M23, appuyée par le Rwanda. Et de préciser : « Au cours des 48 dernières heures, l’artillerie lourde de la Monusco a mené des missions de tir contre les positions du M23 ». Nous sommes alors autour de la ville de Sake, le dernier verrou de l’offensive rebelle avant la Goma. Mais la présence des casques bleus n’a pas empêché la capitale provinciale du Nord-Kivu de tomber aux mains des rebelles le 30 janvier. Le M23 a ensuite poursuivi sa percée vers le Sud-Kivu voisin avec les prises de Nyabibwe, Kalehe, Kavumu et Bukavu, le chef-lieu de la province, dont les casques bleus s’étaient retirés l’été dernier. Un mois après la prise de Goma, les soldats de la Monusco sont cloîtrés dans leurs bases, avec plus d’un millier de soldats congolais et de militaires de la force régionale.
Les bons débuts de la mission onusienne
Comment la Monusco a basculé dans un rôle de simple figurant alors que la République démocratique du Congo (RDC) vit une crise sécuritaire d’une ampleur inédite ? Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri), revient sur l’échec de la Monusco dans une note critique intitulée La Mission des Nations unies au Congo ou l’exemplaire inutilité des Casques bleus. Pourtant, entre 1999 et 2006, la mission de l’ONU au Congo, avait bien démarré. Stabilisation du pays après deux guerres meurtrières, et installation des institutions, la Monuc, qui deviendra Monusco en 2010, a rempli convenablement son contrat. Ce qui permet d’évoquer, dès 2007, un possible retrait des casques bleus. Mais l’apparition des rébellions du CNDP, en 2008, puis du M23 première version, remet le désengagement de l’ONU à plus tard. En 2012, lors de la brève prise de Goma par le M23, la Monusco a même joué un rôle actif déterminant sur le plan militaire et diplomatique. À l’époque, une riposte militaire vigoureuse a été autorisée par un mandat d’imposition de la paix et rendue possible par une brigade d’intervention composée de troupes de la Tanzanie, du Malawi. Le M23 a fini par être battu par une offensive coordonnée de l’armée congolaise et de la Monusco. Les Nations unies ont ensuite pris l’initiative diplomatique en faisant signer l’accord d’Addis-Abeba.
Un aveu d’échec face au M23
Avec la résurgence du M23, deuxième version, fin 2021, l’image de la Monusco va considérablement se dégrader. « Alors qu’elle était déjà critiquée depuis des années pour son inefficacité à protéger les civils des groupes armés, le second conflit du M23 a aggravé la crise de légitimité de la Monusco. Avec son cortège d’exactions, la prise de Goma par le M23 à la fin du mois de janvier 2025 a illustré une fois de plus l’incapacité des Casques bleus à protéger la population civile », pointe Thierry Vircoulon. Une impuissance avouée par la cheffe de la Monusco en personne, Bintou Keita, qui a déclaré être dans l’incapacité de stopper le M23 en raison de sa «puissance de feu et d’équipements de plus en plus sophistiqués, notamment en termes des capacités de tir à longue portée de mortier et mitrailleuse, ainsi que de tir de précision sur des aéronefs ». Un aveu d’échec qui pousse Kinshasa à faire appel à la force régionale de l’East African Community (EACRF) et à s’accorder sur un plan de retrait des casques bleus. Au final, la force est-africaine ne fera pas mieux que le Monusco.
Une Monusco sans rôle politique et militaire
Au Sud-Kivu, où la situation sécuritaire paraît plus stable, la Monusco plie bagages en juin 2024, laissant l’armée congolaise se déployer dans ses anciennes bases. Un désengagement « à marche forcée » et « sans consultation sérieuse avec les organisations de la société civile », souligne Thierry Vircoulon, alors que l’ONU alerte sur « un risque de détérioration de la situation sécuritaire » avec la présence de plus de 136 groupes armés locaux et 5 groupes armés régionaux au Sud-Kivu. Finalement, ce sera le M23 qui débarquera début 2025 dans le Sud-Kivu avec la prise de Minova. L’avancée fulgurante du M23 sur Kavumu, Bukavu et Kamanyola est notamment expliquée par l’absence de soutien logistique, sanitaire et en renseignements fournis par la Monusco à l’armée congolaise, confie un cadre onusien à Afrikarabia. Dans le conflit du M23, l’ONU finit par ne plus avoir « ni rôle politique, ni rôle militaire » note le chercheur. Un rôle désormais confié à l’EAC, puis à la mission de l’Afrique australe (SAMIDRC) sur le plan militaire, et à l’Angola pour la médiation diplomatique, avec le processus de paix de Luanda.
Des casques bleus spectateur
La Mission de l’ONU au Congo revient « par la petite porte » en participant au mécanisme ad hoc de vérification du cessez-le-feu et en étant censé apporter un soutien logistique à la mission de la SADC « dont l’efficacité était sujette à caution, comme l’a démontré la prise de Goma ». Le cessez-le-feu a d’ailleurs été violé de nombreuses fois. Mais paradoxalement, alors que la situation sécuritaire ne cesse de s’aggraver, « le retrait de la Monusco a continué d’être évoqué par le Conseil de sécurité dans un langage particulièrement ambigu ». En effet, souligne Thierry Vircoulon, le Conseil de sécurité demande à la fois que « le gouvernement congolais et l’Organisation des Nations unies élaborent une approche sur-mesure du retrait progressif, responsable et durable de la Mission, qui tienne compte de l’évolution des dynamiques de conflit et des risques en matière de protection dans les zones sensibles du Nord-Kivu et de l’Ituri » et que « la Monusco et le gouvernement congolais intensifient la planification conjointe en vue du transfert harmonieux et responsable des responsabilités de la Mission aux autorités congolaises ». « On ne pouvait alors donner d’instruction plus contradictoire » s’étonne le chercheur.
Un choix perdant-perdant
Aujourd’hui, la Monusco se retrouve prise au piège du conflit, et recluse dans ses bases du Nord-Kivu. Son retrait n’est plus à l’ordre du jour alors que les rebelles poursuivent leur progression sans rencontrer de grande résistance vers Butembo, au Nord-Kivu, et vers Uvira, au Sud-Kivu. Thierry Vircoulon pose enfin la question qu’il serait, peut-être, temps de se poser : la Monusco, pour quoi faire ? « Non seulement ses résultats ne sont pas questionnés, mais son mandat n’est pas remis en cause malgré l’évidence de l’échec ». Le risque d’escalade régionale du conflit, avec le Burundi ou d’autres pays de la région, « plaide en faveur du maintien de la Monusco ». « De ce fait, conclut le chercheur, l’ONU est face à un choix perdant-perdant. Le départ des Casques bleus alors que la situation sécuritaire s’aggrave dans l’Est congolais est, en effet, difficile à justifier. Mais il est aussi difficile de justifier qu’ils restent sans rien faire dans un conflit sur le point de se régionaliser ». Un choix, qui risque de tarder à être tranché.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Note: Excusez de l’absence des accents
Eureka! L’auteur de l’article vient de decouvrir que la MONUC/MONUSCO a failing!
Pourtant tout observateur averti l’avait remarque depuis longtemp.
1) d’une dizaine de groupes armes a son arrivee , ils sont des centaines aujourd’hui.
2) En 2012-13, on devait s’attaquer au FDLR apres avoir combatu M23. Au lieu de le faire, elles sont devenues des alliees dans le commerce des minerais, par apres contre M23 en 2022 et contre le Rwanda ensuite. Et dans leur defaite evidamment elles se sont battues ensemble.
Avec un budget de plus d’un milliard annuellement, beaucoup d’acteurs se partagent le buttin: Casques bleus, hauts fonctionnaires de l’ONU, curtaines autorites congolaises, quelques “defenseurs des droits la personne locaux et etrangers; evidamment les droits des Congolais Tutsis n’etant pas une preocupation.
Certains cherecheurs et quelques journalistes en mal de financement y ont egalement leur compte trouve.
The good news is that the truth always triumphs. Quand la cause est noble, la victoire est certaine.