Par Clément Boursin, Responsable Afrique, ACAT *
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, se rend à Luanda le 1er mars 2018. La France et l’Angola veulent, d’un commun accord, instaurer un partenariat politique, économique et militaire solide. Dans les prochains mois, le président angolais João Lourenço – qui a succédé en septembre 2017 au président Eduardo dos Santos, malade et vieillissant – effectuera sa première visite officielle en France en tant que chef de l’État. L’Angola fait rêver la France et ses entreprises en quête de marchés prometteurs. D’un point de vue géostratégique, l’Angola – avec son armée aguerrie et ses diplomates chevronnés – est redevenu une puissance régionale incontournable qui possède un réel poids politique, notamment en RDC et au Congo-Brazzaville, où les régimes en place restent redevables aux autorités angolaises pour leur prise ou conservation du pouvoir jusqu’à ce jour.
L’Angola, qui veut retrouver sa croissance économique du début des années 2000, a besoin d’investissements étrangers pour accompagner la restructuration de son économie. L’Angola veut diversifier ses partenariats et la France, huitième fournisseur du pays (1), peut l’y aider. Nouer des liens privilégiés avec l’Angola semble être également une priorité pour la France.
Nouvelles autorités, nouvelle politique ?
Le nouveau pouvoir en place à Luanda a montré, ces derniers mois, des signes de changement par rapport à l’ancienne présidence de José Eduardo dos Santos, dont la fin de règne après 38 ans de pouvoir a été marquée par la répression de toute contestation publique de son pouvoir vieillissant (2). Alors que les populations angolaises attendaient des partenaires et amis de l’Angola des discours de fermeté afin que ses droits et libertés ne soient pas bafoués, la France – comme nombre de pays européens – avait alors privilégié le président autoritaire à sa population (3). Sous la présidence de François Hollande c’était « En Angola, on vient faire du business, les droits de l’homme on s’en fout ! » (4).
Aujourd’hui, José Eduardo dos Santos n’est plus au pouvoir et il est important que les partenaires de l’Angola, notamment la France, revoit leur politique vis-à-vis de l’Angola d’autant plus qu’il semble y avoir aujourd’hui davantage d’écoute de la part du nouveau président sur des sujets relatifs à la lutte contre la corruption et au respect des droits fondamentaux.
Et si on mettait le bien-être des populations angolaises au centre de la relation Angola-France ?
L’Angola a la possibilité de devenir l’un des pays les plus attractifs d’Afrique et d’être considéré et respecté comme une réelle puissance économique et politique. Mais cela ne se fera pas sans bonne gouvernance ni respect de l’Etat de droit.
Les Angolais attendent de manière concrète une amélioration de leurs conditions de vie, un partage plus équitable des richesses du pays et le respect des libertés fondamentales et non de simples changements à la tête des instances gouvernementales comme si les cartes étaient rabattues en faveur d’un nouveau clan au pouvoir.
Afin d’asseoir durablement un pouvoir respectueux de ses concitoyens, le nouveau président doit assumer le passé, lutter contre l’impunité et rendre justice aux victimes. Il est important de montrer aux citoyens que les violences passées ne se reproduiront plus. La France, en tant que pays ami, doit conseiller en ce sens.
De nombreux de progrès à réaliser
Il n’existe en Angola aucune commission nationale des droits de l’homme indépendante et conforme aux Principes de Paris. Le pays reste l’un des cinq derniers d’Afrique à ne pas avoir ratifié la Convention contre la torture (5). L’impunité des forces de défense et de sécurité est institutionnalisée depuis des décennies et concourt encore aujourd’hui à la poursuite de conduites criminelles. Tout dernièrement le lanceur d’alerte Rafael Marques de Morais a publié un rapport faisant état de l’existence à Luanda d’escadrons de la mort au sein du Service d’enquête criminelle (Serviço de Investigação Criminal, SIC) de la police angolaise. Entre avril 2016 et novembre 2017, 92 jeunes hommes, soupçonnés de délinquance, auraient été sommairement exécutés dans les rues de la capitale (6).
L’Angola possède un passif négatif dans la gestion des flux migratoires, particulièrement en ce qui concerne les Congolais venus en Angola pour trouver une vie plus décente qu’en RDC. Nombre de ces Congolais ont été régulièrement expulsés de manière violente depuis 2003 (7). Jusqu’à ce jour, aucun élément des forces de défense et de sécurité n’a eu à répondre des nombreuses violences sexuelles et tortures commises dans le cadre de ces expulsions (8).
Jusqu’à ce jour, aucun élément des forces de défense et de sécurité n’a eu à rendre des comptes devant la justice pour le massacre de centaines de membres de l’église évangélique « Luz do Mundo » survenus à São Pedro Sumé, dans la province de Huambo, mi-avril 2015 (9). Tous ces sujets devront être abordés par les autorités françaises, sans tabous.
Assumer les crimes du passé et rendre justice à leurs victimes
Le président João Lourenço a la possibilité de révolutionner l’Angola et de projeter le pays dans une ère bénéfique pour tous les Angolais. Pour se faire, l’Angola va devoir se réformer et faire en sorte que le développement soit bénéfique à tous les Angolais, que leur niveau de vie s’accroisse et que leurs libertés fondamentales soient de nouveau garanties et respectées.
Le président João Lourenço devra également mettre définitivement un terme aux agissements criminels de certains éléments des forces de défense et de sécurité et écarter les auteurs et responsables d’exactions passées et rendre justice aux victimes.
L’un des premiers gestes symboliques important pourrait être la dissolution du SIC, la ratification de la Convention contre la torture et l’ouverture d’une enquête sur les allégations de massacre commis à Monté Sumé il y a bientôt trois ans.
Si la France veut développer un partenaire efficace sur le long terme avec l’Angola, pas uniquement au service des élites angolaises au pouvoir, mais avec l’ensemble des Angolais, elle devra accompagner les autorités dans cette voie.
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* ACAT : Action des chrétiens pour l’abolition de la torture.
1- Relations économiques bilatérales France-Angola, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/15368_relations-economiques-bilaterales-france-angola
2- Page Angola de l’ACAT-France, http://www.acatfrance.fr/actualites/?pays=AGO
3- « Angola : L’Europe silencieuse face aux dérives du régime », ACAT-France, http://www.acatfrance.fr/actualite/angola—leurope-silencieuse-face-aux-derives-du-regime
4- « En Angola, on vient faire du business, les droits de l’homme on s’en fout ! », ACAT-France, http://www.acatfrance.fr/actualite/en-angola–on-vient-faire-du-business–les-droits-de-lhomme-on-sen-fout-
5- Tableau de ratification: Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, http://www.achpr.org/fr/instruments/uncat/ratification/
6- « Angola’s Killing Fields – A Report on Extrajudicial Executions in Luanda, 2016-2017 », Rafael Marques de Morais, https://www.makaangola.org/wp-content/uploads/2018/02/EXTRAJUDICIAL-KILLINGS-IN-ANGOLA-2016-17.pdf
7- « Migrations : l’Angola schizophrène ? », ACAT-France, http://www.acatfrance.fr/actualite/exiles—l-angola-schizophrene–
8- « Viol de milliers de Congolaises en Angola », ACAT-France, http://www.acatfrance.fr/communique-de-presse/viol-de-milliers-de-congolaises-en-angola-que-font-les-autorites-de-rdc
9- « Monté Sumé : violence d’État et impunité », ACAT-France, http://www.acatfrance.fr/actualite/monte-sume—violence-detat-et-impunite
Nous sommes convaincus que l’Angola ne reuni aucun droit de coopération avec les occindetaux.Car ce qui venne se derouler dans la frontière avec la RDC confirment ce que nous declarons ici.