Suspendu par l’évêque d’Evreux (Eure) en 2021 après avoir
revendiqué la naissance d’un fils, le prêtre est définitivement
renvoyé de l’état clérical par le Pape François.
Par Jean-François DUPAQUIER
Curé de l’église de la Sainte-Famille à Kigali jusqu’au mois de juillet 1994 puis réfugié en France, Wenceslas Munyeshyaka a longtemps défrayé la chronique [I] en raison des poursuites engagées contre lui pour viols et complicité de génocide. Il a longtemps paru incarner toutes les ambiguïtés du rôle de l’Eglise au Rwanda durant l’extermination des Tutsi. Ayant bénéficié d’un non-lieu définitif en 2019 après une interminable instruction, c’est finalement pour une reconnaissance de paternité qu’il a été renvoyé de l’état clérical. Une décision du Pape François prise le 23 mars dernier et rendue publique le 3 mai par un communiqué de Mgr Christian Nourrichard, évêque d’Evreux, son diocèse.
« Le Souverain Pontife le Pape François a renvoyé de l’état clérical l’abbé Wenceslas Munyeshyaka », écrit l’évêque dans son communiqué. Mgr Nourrichard précise que le décret papal daté du 23 mars est une « décision suprême et sans appel qui n’est susceptible d’aucun recours ». Le renvoi de l’état clérical est la plus lourde sanction prévue par le Droit Canon contre un ecclésiastique catholique.
Le 6 septembre 2021 le père Munyeshyaka se rendait au service d’état-civil de Gisors où il était prêtre coopérateur depuis vingt ans pour revendiquer la paternité d’un fils de 11 ans. Ce fils était né d’une « liaison » avec une jeune femme d’origine rwandaise demeurant à Gisors. Le père Munyeshyaka venait d’obtenir le statut de réfugié politique, vingt-sept ans après son arrivée en France. Quelques jours plus tôt, l’abbé avait été nommé administrateur de la paroisse de Saint-Martin-de-la-Risle à Brionne (Eure), à plus d’une heure-et-demi de Gisors, On peut supposer qu’en père attentionné, il souhaitait faire inscrire son fils dans un collège à proximité de Brionne.
Son évêque fut vite informé de la reconnaissance de paternité et, après avoir hésité, décidait en décembre 2021 de le suspendre de l’exercice du culte. Wenceslas Munyeshyaka avait su se rendre très populaire à Gisors et une pétition de paroissiens circula dans l’Eure pour demander à l’évêque de rapporter son interdiction de culte. Après avoir envisagé de s’expliquer avec les paroissiens lors d’une réunion publique à Gisors en février 2022, Mgr Nourrichard y renonça et maintint sa décision. Un « dossier canonique avait été envoyé à Rome, en lien avec la paternité » de l’abbé Munyeshyaka, a précisé le diocèse d’Evreux.
La décision du Pape « n’est pas en lien avec le passé de cet abbé, en l’occurrence au Rwanda », il s’agit de « la conclusion d’un dossier en cours » initié en décembre 2021, a affirmé le diocèse.
Selon le communiqué de Mgr Nourrichard, la décision du Pape implique que l’abbé rwandais dorénavant « perd automatiquement tous les droits propres à l’état clérical ». Il est notamment « exclu de l’exercice du ministère sacré » et « doit éviter les lieux où son statut antérieur est connu ».
Jusque récemment, le désormais ex-curé de la paroisse de Saint-Martin-de-la-Risle animait un blog intitulé « Les Amis du Père Wenceslas ». Il y exprimait sa passion de la politique et son aversion pour le régime du président Paul Kagame, qui a mis fin au génocide des Tutsi du Rwanda. S’il entend poursuivre son activisme sur les réseaux sociaux, Wenceslas Munyeshyaka devra orthographier le mot « père » avec une lettre minuscule.
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Contrairement à votre titre, il n’est pas « chassé de l’Eglise », il reste membre de l’Eglise, mais comme simple fidèle, il n’a plus les droits et devoirs d’un prêtre.