Après avoir mis fin à 13 ans de guerre civile, le Burundi ne semble pas complètement apaisé. Une ONG pointe un fléau qui menace la stabilité du pays : la corruption. International Crisis Group (ICG), affirme que « la crise de corruption que connait actuellement le Burundi met en péril la consolidation de la paix« . Selon Crisis Group, le dispositif « tolérance zéro » contre la corruption, lancé par le président Nkurunziza, manque d’indépendance et d’efficacité.
Depuis la réélection en 2010 du président Pierre Nkurunziza dans un climat de tension extrême, certains craignent la reprise des violences et la fin du consensus sur le fragile partage des pouvoirs au Burundi. Dans un récent rapport, International Crisis Group dénonce une montée de la corruption dans le pays. L’ONG estime que « la crise de corruption que connait actuellement le Burundi met en péril la consolidation de la paix fondée sur un Etat moteur du développement et la relance de l’activité économique par l’investissement étranger« .
Dans un rapport extrêmement complet sur la situation au Burundi, Crisis Group revient sur l’histoire de ce petit pays, souvent oublié du « grand jeu » de l’Afrique centrale, évoluant dans l’ombre de son turbulent voisin, le Rwanda. Crisis Group rappelle que depuis 1966, « le contrôle de l’Etat et de ses prébendes, essentiellement aux mains des élites tutsi, a été l’enjeu central de la politique burundaise et la distribution inéquitable des ressources qui en découlait a été à l’origine du conflit ». En 1972, 1988, 1993 et entre 1994 et 1996, plus de 300 000 burundais ont trouvé la mort dans une guerre civile implacable entre la minorité tutsi au pouvoir et la majorité hutu. La guerre fini par s’achever au prix d’un subtil partage du pouvoir et laisse un pays exsangue, endetté et ruiné. Le Burundi fait partie de l’un des cinq pays les plus pauvres du monde.
En 2005, le hutu Pierre Nkurunziza arrive au pouvoir, notamment au prix de nombreuses négociations avec les extrémistes de son propre camp. Dans son rapport, Crisis Group note que « l’avènement au pouvoir de l’ancienne rébellion du (CNDD-FDD) n’a pas seulement transféré le pouvoir politique des Tutsi aux Hutu mais il a aussi semblé ouvrir une nouvelle ère en matière de gouvernance avec l’engagement des nouvelles autorités et la création d’institutions spécialisées pour lutter contre la corruption« . Mais pour Crisis Group, il y a urgence à lutter efficacement contre la corruption, car « dans une économie aussi réduite que celle du Burundi où l’Etat joue encore un rôle majeur, l’accaparement des ressources publiques et privées risque de faire dérailler le scénario de consolidation de la paix« .
L’ONG note « une dégradation de l’image du Burundi » malgré la campagne de « tolérance zéro » du gouvernement contre la corruption et les malversations économiques. Une campagne que « s’est estompée face aux premiers scandales impliquant de hauts responsables du parti présidentiel et de l’exécutif« . En cinq ans d’activités (entre 2007 et2012), la brigade anti-corruption a géré 665 dossiers de
corruption et recouvré plus de 4 millions de dollars. Mais Crisis Group note que les affaires transmises au parquet « n’ont le plus souvent pas connu de suite« , alors que « les arrestations sont rares et les poursuites le sont plus encore« .
Pour lutter contre la corruption, Crisis Group n’attend plus des paroles, mais des actes de la part des autorités burundaises. L’ONG formule dans son rapport un certain nombre de recommandations « en vue de créer les conditions d’une lutte efficace contre la corruption » et demande à la société civile et aux bailleurs « de créer les conditions de sa mise en œuvre effective« .
Dans un communiqué, le gouvernement burundais dénonce un rapport « négatif » et « tendancieux » et estime que Crisis Group « ignore complètement toutes les initiatives déjà prises par le gouvernement en matière de lutte contre la corruption« . Bujumbura accuse même l’ONG de « rouler » et de « travailler » pour l’opposition burundaise.
L’intégralité du rapport d’International Crisis Group et de ses recommandations sont consultables ICI.
Christophe RIGAUD