Le parti présidentiel appelle à une vaste campagne de sensibilisation en faveur d’une modification de la Constitution. Une initiative qui ravive la polémique contre une possible tentative de Félix Tshisekedi de s’accrocher au pouvoir.
Le vieux serpent de mer d’une modification de la Constitution refait surface en République démocratique du Congo (RDC). A la manoeuvre, on retrouve le turbulent président par intérim de l’UDPS, Augustin Kabuya. Dans sa dernière sortie médiatique, le porte-voix du parti présidentiel a annoncé le lancement imminent d’une campagne de sensibilisation pour promouvoir un projet de révision de la Constitution. Selon lui, texte actuel « a montré ses limites » et « est appelé à évoluer ». Derrière cet appel, beaucoup soupçonnent l’UDPS de vouloir ouvrir la voie à un troisième mandat de Félix Tshisekedi, ou de vouloir en rallonger la durée. Il faut dire que l’argumentaire développé par patron de l’UDPS a de quoi interroger. Il considère en effet que la lente mise en place des institutions après les dernières élections et la campagne électorale pour le futur scrutin font perdre deux années au président de la République. On se souviendra que la longue période de vide institutionnel après la réélection de Félix Tshisekedi, fin 2023, a essentiellement été due aux nombreux contentieux électoraux d’un scrutin chaotique, et surtout aux interminables tractations de la majorité présidentielle pour s’accorder sur les postes ministériels et sur la composition du bureau de l’Assemblée nationale. Mais Augustin Kabuya avance un autre argument : celui honorer le « testament » du fondateur de l’UDPS, Étienne Tshisekedi, qui, après avoir contesté la Constitution actuelle, avait fait la promesse de « l’adapter aux réalités congolaises une fois au pouvoir ». Pour Augustin Kabuya, le moment semble donc venu.
« Retourner devant le peuple »
A peine réélu, le président Tshisekedi n’avait pas caché, lui aussi, son désir de modifier la loi fondamentale. En mai 2024, lors de son passage en Europe, le chef de l’Etat avait déclaré vouloir « réfléchir sereinement sur la manière de doter [son] pays d’une Constitution digne ». Selon lui, l’actuel texte était « obsolète » et avait été écrit dans une situation de post-conflit, et faisait « la part belle aux belligérants ». Très vite, les critiques s’emballent et l’opposition accuse Félix Tshisekedi de vouloir « tripatouiller » la Constitution pour s’accrocher à son fauteuil, comme voulait le faire Joseph Kabila. Ironie du sort, l’UDPS était à l’époque aux avant-postes de la contestation et participait à la campagne « Touche pas à ma Constitution »… Celle-là même qu’Augustin Kabuya veut modifier aujourd’hui. Pour tenter de rassurer, le président Tshisekedi a déclaré ne jamais vouloir changer la Constitution « pour rajouter des mandats ou des années, ce sont des dispositions inamovibles ». Mais de rajouter : « Pour les changer, il faut retourner auprès du peuple ». Et c’est là que le bât blesse pour les opposants à l’actuel chef de l’Etat. La campagne de sensibilisation l’UDPS prône bien la mise en place d’un référendum national, seule disposition qui permettrait de toucher aux articles verrouillés sur le nombre et la durée des mandats présidentiels. Le hic, c’est que plusieurs provinces de l’Est sont en guerre et sous Etat de siège. Des zones où il sera difficile d’organiser le vote, comme cela a été le cas lors de la présidentielle de 2023. Second bémol, un référendum serait également très budgétivore pour un Etat aux finances toujours trop faibles.
Une Constitution coupable de tous les maux ?
Mais la question est surtout de savoir ce que peut changer la modification de la Constitution pour « la bonne marche de la Nation », comme le promet Félix Tshisekedi. Peut-on accuser la Constitution de tous les maux du Congo ? La guerre à l’Est, la corruption, la mauvaise gouvernance, le manque d’infrastructures, le quotidien difficile des Congolais sont-ils les conséquences d’une Constitution défaillante ? L’opposition a des doutes et soupçonne le pouvoir en place de vouloir faire « glisser » le mandat présidentiel de 5 ans à 7 ans, ou de vouloir rédiger une nouvelle loi fondamentale qui remettrait à zéro le nombre des mandats de Félix Tshisekedi. Pourtant, même au sein de l’opposition et dans une grande partie de l’opinion congolaise, une révision de la Constitution ne serait pas inutile. Les opposants prônent notamment un retour à une présidentielle à deux tours. Une disposition que défendait l’actuel président lorsqu’il s’opposait à Joseph Kabila. Certains évoquent également de pouvoir repasser de 26 à 11 provinces ou de supprimer le Sénat, afin de réduire le train de vie dispendieux de l’Etat. Mais dans le camp présidentiel, personne ne fait référence à ces possibles aménagements, et reste bloqué sur le nombre et la durée des mandats, arguant qu’il faut davantage de temps à Félix Tshisekedi pour redresser le pays. Pourtant, au Congo et ailleurs, la longévité au pouvoir ne garantit pas le développement du pays.
L’Union sacrée bien silencieuse
La révision de la Constitution reste une ligne rouge pour l’opposition. Un débat qui signe d’abord « un aveu d’échec » pour le premier mandat de Félix Tshisekedi. Selon André Lubaya Claudel, ce projet constitue « le nouveau bouc émissaire de son incapacité à redresser le pays ». Pour l’Envol, le parti de Delly Sesanga, c’est un difficile retour aux années Kabila. Réviser la Constitution risquerait de plonger le pays « dans la désolation, la division et d’accroître l’autoritarisme de quelques individus au détriment de la stabilité » du pays. Affaiblie et toujours très divisée, l’opposition semble tout de fois s’accorder sur le combat pour la préservation de l’actuelle Constitution, quitte à faire appel à la rue. Du côté de l’Union sacrée, l’annonce des intentions de l’UDPS pour modifier la Constitution laisse les caciques de la majorité présidentielle de marbre. Un silence plutôt assourdissant qui traduit l’embarras de certains gros poissons comme Vital Kamerhe, Jean-Pierre Bemba, Modeste Bahati… Cette initiative de l’UDPS est à haut risque pour la fragile cohésion de l’Union sacrée de la Nation, la majorité très hétérogène au pouvoir. On pense, bien sûr, au président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, qui attend son tour pour la présidentielle de 2028. A la tête de la chambre basse, il sera donc particulièrement attentif à tout projet qui pourrait bloquer ses ambitions personnelles. Mais il n’est pas le seul, et l’annonce des intentions de l’UDPS de changer les règles du jeu dès la première année du second mandat de leur champion, risque d’exacerber les tensions entre ses différentes composantes de la majorité présidentielle. Une initiative hautement inflammable.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Salut cher Christophe, je suis Édouard journaliste en formation, j’apprécie énormément votre savoir faire, c’est un honneur d’apprendre de vous. Pouvez-vous me laisser votre adresse mail ?
afrikarabia@gmail.com
D’accord pour la revision de quelques articles qui posent probleme mais en janvier 2029,pas avant.