La dégradation de la situation politique inquiète la délégation de l’Union européenne (UE) à Kinshasa ainsi que le Parlement européen. Alors que la tenue de l’élection présidentielle est de plus en plus incertaine avant la fin 2016, la répression sur les opposants politiques et les mouvements citoyens s’intensifie.
« En cette période préélectorale, le respect des droits de l’Homme et des libertés civiles est crucial afin de permettre des élections transparentes, apaisées et crédibles » explique la délégation de l’Union européenne à Kinshasa dans un communiqué. Pour trouver une solution au glissement du calendrier électoral, le président congolais propose un dialogue politique à l’opposition afin de négocier un « calendrier consensuel ». Mais l’opposition rechigne à participer à ce qui pourrait s’apparenter à la validation d’une période de transition déguisée dans le seul but de prolonger le mandat de Joseph Kabila que la Constitution interdit de briguer un troisième mandat. Dans ce climat de tension, l’UE note que le gouvernement se doit « de respecter ses engagements conformément à la Constitution et aux accords que la République démocratique du Congo a ratifiés, (et notamment) l’accord de Cotonou ». « L’appel au dialogue politique doit nécessairement aller de pair avec le droit de tous de s’exprimer librement » souligne la délégation de l’Union européenne.
Mais c’est la situation des droits de l’homme qui préoccupe fortement l’Union européenne. Les rapports sont nombreux faisant état « d’actes de harcèlements et intimidations en nombre croissant visant des responsables politiques, des membres de la société civile et des médias. » La condamnation à deux ans de prison, puis six mois en appel, de six militants de la Lucha pour avoir écrit des banderoles réclamant la tenue des élections dans les délais constitutionnels, avait ému la communauté internationale. En cause dans cette affaire, « l’intrumentalisation de la justice par le pouvoir » selon l’opposition. Pour le porte-parole du gouvernement Lambert Mende, la Constitution garantie pourtant l’indépendance du pouvoir législatif. Le double degré de juridiction permet « aux seuls juges de corriger le cas échéant les dysfonctionnements constatés du fait d’autres juges ». « L’Etat de droit ne gagne rien lorsque les institutions qui en sont le socle sont systématiquement galvaudées, discréditées et en fin de compte fragilisées. La nécessité d’une coopération positive reste notre principale revendication de la part de nos partenaires étrangers » s’est justifié Lambert Mende.
Dans le même temps, le Parlement européen a voté un texte demandant le respect des délais constitutionnels et l’organisation d’élections transparentes, crédibles et inclusives avant la fin 2016. Du côté des droits de l’homme, le Parlement a souhaité que les prisonniers politiques soient tous libérés « sans condition ». Concernant la Commission électorale (CENI), le Parlement estime que « des doutes ont été exprimés quant à l’indépendance et à l’impartialité de la commission électorale nationale indépendante » et rappelle que « les autorités devraient mettre la disposition de la commission électorale nationale indépendante les ressources financières nécessaires pour permettre un processus complet et transparent ». Enfin, dernière critique sous forme d’avertissement des Européens : le Parlement demande à l’Union européenne « d’envisager l’imposition de sanctions ciblées contre les personnes responsables des violences en République démocratique du Congo, y compris des interdictions de voyage et des gels d’avoirs, pour contribuer à éviter de nouvelles violences ». Une menace déjà formulée par le gouvernement américain le mois dernier.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia