Selon un document de l’ONU de 1994 révélé par le quotidien français Libération, les Forces armées rwandaises disposaient de quinze missiles Mistral, une arme récente et de haute technologie alors interdite d’exportation.
e 6 avril 1994, le Falcon 50 du président du Rwanda Juvénal Habyarimana était abattu par deux missiles alors qu’il venait de se résigner à partager le pouvoir avec la rébellion majoritairement tutsie du Front patriotique rwandais (FPR) et l’opposition hutue démocratique. L’attentat devait donner le signal du génocide, les extrémistes hutus pointant du doigt successivement les Casques bleus belges de la Mission des Nations unies pour le Rwanda (MINUAR), qui gardaient l’aéroport, puis les Hutus de l’opposition et les Tutsis dans leur ensemble. Le génocide des Tutsis et le massacre politique des hutus démocrates allaient faire en cent jours environ un million de morts, jusqu’à la prise du pouvoir par le FPR.
Avant même l’attentat, une série de manipulations visaient à en attribuer la paternité au Front patriotique rwandais, comme relaté dans l’ouvrage « L’Agenda du génocide »*. Par la suite, un certain nombre de militaires et de politiciens français ont tenté d’accréditer les thèses répétées par les extrémistes hutus poursuivis devant le tribunal pénal international d’Arusha : pour les uns et les autres, le Front patriotique était forcément l’auteur de l’attentat, car il aurait introduit un commando derrière les lignes des FAR sur la colline de Masaka, à 3 km environ de l’aéroport. D’ailleurs deux lance-missiles de type soviétique SAM 16 avaient été mystérieusement « retrouvés » par des « paysans » deux semaines après l’attentat. Et justement sur cette colline qui aurait pu constituer, il est vrai, le meilleur emplacement de tir.
Les Services spéciaux français se sont adjoint un nombre impressionnant de faux témoins rwandais, de journalistes « africanistes » français et d’universitaires de renom (Français ou Belge), pour accréditer cette thèse et manipuler l’enquête confiée au juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière. Non sans avoir convaincu ce dernier que sa vie serait en danger s’il lui prenait la mauvaise idée d’aller enquêter sur le terrain.
L’enquête reprise par les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux a conduit précisément à faire effectuer cette enquête balistique et technique sur le terrain. En janvier 2012, les conclusions des experts ont éclaté comme un coup de tonnerre : les missiles ont été tirés depuis le camp Kanombe, tenu par les éléments les plus durs des FAR : le bataillon anti-aérien, la Garde Présidentielle, les para-commandos. La thèse défendue par les détenus d’Arusha (la prison des Nations Unies) et leurs amis français s’effondrait.
Le Services spéciaux ont aussitôt mobilisé leurs « idiots utiles » pour répéter dans les médias français que le FPR avait « forcément » introduit un commando de tireurs de missiles au cœur du camp militaire de ses adversaires, avant de s’éclipser aussi discrètement. Le ridicule le disputant au deshonneur, la désinformation a fait long feu.
Le quotidien français Libération révèle aujourd’hui 1er juin un document troublant des Nations unies : les Casques bleus de la MINUAR, qui avaient fait consigner les armes lourdes dans les camps militaires du Rwanda en 1994, effectuaient des inspections régulières. L’une de leurs sections aurait ainsi identifié le 6 avril au matin dans le stock du camp militaire Kanombe un nombre indéterminé de missiles soviétiques SAM 7 et surtout 15 missiles Mistral, un bijou de technologie française que l’armée française venait tout juste de recevoir en dotation et qui a été interdit d’exportation jusqu’en 1996.
Rien ne permet de dire que ce sont des missiles Mistral qui ont abattu l’avion d’Habyarimana, mais cette possibilité ne peut plus être exclue. Dans ce cas, il est utile de noter que seuls les militaires français savaient s’en servir.
En toute hypothèse, ce document, retrouvé par hasard (?) est déjà remis au juge Trévidic qui devra l’authentifier. Il ne peut qui ruiner plus encore la thèse de ceux qui affirment que les FAR ne disposaient pas de missiles et ne pouvaient donc aucunement avoir commis l’attentat, prétexte au génocide des Tutsi.
Jean-François DUPAQUIER
* L’Agenda du génocide, le témoignage de Richard Mugenzi, ex-espion rwandais, Ed. Karthala, Paris.