L’historien Jean-Pierre Chrétien et l’écrivain-journaliste Jean-François Dupaquier relaxés des accusations de diffamation et injure publique par l’ancien ambassadeur du Rwanda en France.
L’historien Jean-Pierre Chrétien et l’écrivain-journaliste Jean-François Dupaquier, poursuivis pour diffamation et injures par l’ancien ambassadeur du Rwanda en France Jean-Marie Vianney Ndagijimana pour des propos sur le génocide de 1994 dans ce pays, ont obtenu la relaxe devant le tribunal correctionnel de Rouen (France).
« C’est un vrai soulagement pour nous », a déclaré à l’issue du jugement M. Dupaquier qui a rendu hommage à « la qualité des débats » conduits par la présidente du tribunal, Mme Claire Fouquet-Lapar « qui nous a donné l’occasion de nous exprimer longuement ».
Jean-Pierre Chrétien et Jean-François Dupaquier avaient été mis en examen à la suite d’une lettre adressée au pasteur adventiste Jean-Guy Presles, président du Collectif organisateur de conférences qui se sont tenues en 2009 à Rouen sur « le dialogue et la réconciliation entre Rwandais » où le mot « génocide » était significativement absent de l’intitulé des quatre conférences.
Dans ce courrier, ils estimaient qu’il avait été « trompé » et que les orateurs, dont l’ancien ambassadeur Jean-Marie Vianney Ndagijimana, défendaient tous la même thèse, celle du « double génocide » dont auraient été victimes simultanément les Hutus et les Tutsis. Ils soutenaient que les orateurs avaient rejoint ainsi « les réseaux européens des négationnistes du génocide des Tutsis ».
Le tribunal les a relaxés, estimant que ce courrier n’avait aucun caractère public.
Lors du procès, la représentante du ministère public, Isabelle Poidevin, avait demandé la relaxe pour la quasi-totalité des expressions incriminées et une peine « purement symbolique » pour une expression qui pouvait apparaître comme « maladroite ». Elle avait souligné que les propos des accusés « relevaient du débat d’idées », en soulignant qu’il fallait retenir « la bonne foi » et en rappelant aussi la jurisprudence en la matière dans un affaire similaire jugée en 2006 à Paris.
Ambassadeur du Rwanda en France entre 1990 et 1994, Jean-Marie Vianney Ndagijimana avait été démis de ses fonctions par le gouvernement en place au moment du génocide, le 27 avril 1994. Il avait quelques jours plus tard dénoncé les massacres dans son pays. Il fut durant quelques semaines ministre des affaires étrangères du gouvernement d’union nationale institué après la victoire du Front populaire rwandais (FPR) avant de fuir en France où il a obtenu la nationalité française.
Lors de l’audience, l’ancien diplomate avait rejeté avec force l’accusation de négationnisme. « Je refuse cette équation diffamatoire », avait-il dit en affirmant qu’il appartenait aux deux communautés, étant tutsi par sa mère et hutu par son père.
Prolongeant les explications de plusieurs témoins de la Défense, Me Gilles Paruelle, avocat de Jean-François Dupaquier, a fait observer que la thèse du « double génocide » était clairement « négationniste », tout en rappelant que le courrier en question n’avait pas vocation à être rendu public. De son côté, Me Macha Sinègre-David, avocate de Jean-Pierre Chrétien, a souligné non seulement la bonne foi, mais aussi la compétence reconnue de son client concernant l’Afrique des Grands lacs.
Selon Jean-Pierre Chrétien, « ces deux années entre le dépôt de la plainte de Ndagijimana et le procès ont été éprouvantes, car nous étions décidés à répondre sur le fond et à démontrer la logique négationniste qui sous-tendait le renvoi dos à dos de deux camps « ethniques » dans la responsabilité du génocide de 1994, ce qui a demandé une documentation très précise. »
L’historien explique que Jean-Marie Vianney Ndagijimana espérait obtenir du tribunal de Rouen une décision qui accréditerait sa thèse du « double génocide ». « Avec sagesse, le tribunal ne s’est pas engagé dans cette réécriture de l’Histoire, mais a fait respecter la liberté d’expression et de recherche dans notre pays. M. Ndagijimana a échoué sur toute la ligne. Nous n’allons pas le regretter, et cela d’autant moins que nous sommes, quant à nous, soucieux de voir effectivement les Rwandais se réconcilier et que cela ne sera possible que sur la base d’une reconnaissance claire de la réalité du génocide des Tutsi et de la responsabilité de la politique raciste qui y a conduit. »
Le jugement est accessible en téléchargement ici.