La Fédération internationale des associations de défense des droits de l’Homme (FIDH), et d’autres associations ont déposé déposé plainte auprès du Tribunal de grande instance de Paris contre l’ancien “gendarme de l’Elysée” Paul Barril pour complicité de génocide au Rwanda.
La FIDH, la Ligue française des droits de l’homme (LDH) et l’association Survie ont déposé lundi 24 juin 2013 une plainte contre Paul Barril du chef de complicité de génocide. L’ancien chef adjoint de la « cellule des gendarmes de l’Elysée » de triste mémoire est notamment convaincu d’avoir contracté le 28 mai 1994 un accord d’assistance de fourniture d’armes et de munitions et de formation et d’encadrement, avec Jean Kambanda, Premier ministre du Gouvernement intermédiaire rwandais (GIR). Le Conseil de sécurité des Nations Unies, par la résolution n°918 du 17 mai 1994, avait notamment adopté un embargo sur les armes interdisant la vente et la livraison « d’armements et de matériels connexes de tous types, y compris les armes et les munitions ». Paul Barril ne pouvait ignorer qu’il violait ainsi l’embargo sur les armes décrété par l’ONU, et surtout qu’il favorisait les crimes de guerre et crimes contre l’humanité – imprescriptibles – du “gouvernement génocidaire”. Sous l’autorité de Jean Kambanda, environ un million de Tutsi et Hutu démocrates rwandais ont été exterminés en cent jours.
Chassé de l’Elysée à la demande de François Mitterrand pour divers “dérapages”, le capitaine de gendarmerie honoraire Paul Barril s’était reconverti dans le domaine de la sécurité “haut de gamme”. Il a soutenu durant près de deux années l’armée de Saddam Hussein dans la guerre Irak/Iran, période où il a appris à se servir de missiles anti-aériens d’origine soviétique. Paul Barril a ensuite conseillé différents chefs d’Etats africains, et plus particulièrement Juvénal Habyarimana au Rwanda. Il avait été appuyé auprès du président rwandais par Fabien Singaye, un maître-espion rwandais basé à Berne (Confédératon helvétique), gendre et fondé de pouvoir de Félicien Kabuga, le “financier du génocide”, toujours en fuite.
Paul Barril renverra l’ascenseur à Singaye en le faisant embaucher par le juge “antiterroriste” Jean-Louis Bruguière comme interprète assermenté dans le dossier de l’attentat du 6 avril 1994.
Barril avait fondé plusieurs sociétés, dont SECRETS ainsi que le groupe GPB – Groupe Privé Barril. C’est dans ce cadre que Paul Barril a conclu, le 28 mai 1994, le contrat d’assistance qui porte sa signature ainsi que celle du Premier ministre du Gouvernement intermédiaire rwandais de l’époque. La FIDH, la LDH et Survie dénoncent la conclusion et l’exécution partielle par Paul Barril de ce contrat de fourniture d’armes et de munitions, et de formation et d’encadrement, alors même que le Rwanda était en plein génocide et que la communauté internationale dénonçait ouvertement les crimes massifs commises dans le pays.
« Paul Barril, qui entretenait des relations privilégiées et de longue date avec les autorités rwandaises, était un fin connaisseur du contexte géopolitique rwandais de l’époque. Il ne pouvait dès lors ignorer les conséquences d’un tel accord permettant d’alimenter les crimes perpétrés au Rwanda durant cette période », précisent les auteurs de la plainte dans un communiqué. Ils ajoutent que « l’Instruction devrait permettre de savoir si Paul Barril est seul en cause ou si d’autres responsables français ou d’une autre nationalité doivent être mis en cause ».
Bien d’autres questions sont posées sur le rôle de Paul Barril et de son équipe de mercenaires français embauchés par le “gouvernement génocidaire” et présents au Rwanda durant le génocide. Plusieurs d’entre-eux semblent s’être trouvés sur les collines de Bisesero à la mi-mai 1994 pour conseiller l’extermination des Tutsi qui s’y étaient rassemblés au nombre d’environ 50 000 et qui menaient une défense désespérée. Un des mercenaires de l’équipe, peut-être révolté par le “travail” qui lui était assigné, a été tué par un milicien interahamwe le 20 ou 21 juin 1994. Le milicien a été convoqué par le Premier ministre Jean Kambanda, peut-être moins pour le sermonner que pour lui imposer le silence sur cet “accident professionnel”. Les sites français de mercenaires qui prétendent “rendre hommage aux nôtres tués au combat” se sont bien gardés de citer son nom et les circonstances de son décès.
Dans son livre “Guerres secrètes à l’Elysée”, Paul Barril affirme avoir été présent au Rwanda le 7 avril, juste après l’attentat contre l’avion du président Habyarimana (attentat qui a servi de détonateur au génocide organisé de longue date). Interrogé par le juge Marc Trévidic (qui a succédé au juge Bruguière) sur ce point, il a prétendu avoir menti et présenta un passeport qui attestait de sa présence à Washington de la fin mars à la mi-avril 1994. Mais son alibi a fait long feu. L’enquête de police a démontré qu’il possédait au moins deux passeports à la date du 6 avril 1994, ce qu’il s’était bien gardé de dire au juge.
La plainte de la FIDH, de la LDH et de l’ONG Survie devrait permettre d’ouvrir plus grande encore la boîte de Pandore du déroulé de l’attentat et du génocide des Tutsi du Rwanda.
Jean-François DUPAQUIER
Voir aussi l’excellent article du journaliste Mehdi BA sur Jeune Afrique