Épine dans le pied du président Félix Tshisekedi, Joseph Kabila est désormais mis hors-jeu et sa condamnation l’exclut de toute possibilité de participer à un possible dialogue national ou à des négociations.

Avant la lecture du verdict, la Haute cour militaire avait prévenu : Joseph Kabila sera condamné « à une peine sévère » et son arrestation sera demandée. Sans surprise, l’ancien président congolais a donc été condamné à la peine de mort, en son absence, pour « crimes de guerre, organisation d’un mouvement insurrectionnel, trahison… ». La Haute cour le soupçonne d’être ni plus ni moins que le donneur d’ordres de la rébellion de l’AFC/M23 et d’être à l’origine de la création de l’AFC de Corneille Nangaa à Nairobi. Le verdict est une première depuis l’indépendance du Congo, en 1960, avec une peine très lourde, des dommages et intérêts pour les victimes de l’AFC/M23 stratosphériques de plus de 30 milliards de dollars (soit deux fois le budget de l’Etat), et désormais un ancien président en cavale et recherché par la justice congolaise.
Des indices, mais pas de financement du M23
Les faisceaux d’indices sont pourtant maigres pour qualifier Joseph Kabila de « chef de la coalition AFC/M23 ». Quelques sorties médiatiques et diatribes contre le président Félix Tshisekedi, un séjour à Goma sous contrôle rebelle au printemps et une proximité avec Corneille Nangaa, ancien patron de la Commission électorale sous Joseph Kabila. Un ex-proche de Corneille Nangaa, interpellé par Kinshasa, a également rapporté une conversation téléphonique entre l’ancien président et le coordonnateur de l’AFC/M23, démontrant la collusion entre l’ex-président et la rébellion. Pourtant, des témoins cités par la partie civile, censés témoignés du financement de l’AFC/M23 par Joseph Kabila, ne se sont jamais présentés, et ces accusations n’ont pas été retenus.
Kabila disqualifié pour un dialogue national
La condamnation à mort de l’ancien président représente un petit séisme politique en République démocratique du Congo. Ce verdict résonne d’abord comme un message d’avertissement et « préventif » à l’attention de toutes les personnes qui souhaiteraient rejoindre les rangs rebelles. L’addition à payer sera lourde. La condamnation à mort de Joseph Kabila a aussi son lot de conséquences politiques, en mettant hors-jeu l’ancien chef de l’Etat au sein de l’opposition non-armée. Joseph Kabila s’était, en effet, rapproché des opposants Moïse Katumbi ou Augustin Matata Ponyo, tous deux en exil. Aujourd’hui, pour Kinshasa, Joseph Kabila ne fait plus partie de l’opposition « républicaine », et est désormais classé dans la catégorie des rebelles. Cette condamnation brise ainsi une possible coalition anti-Tshisekedi, avec à sa tête Joseph Kabila associé à une myriade d’opposants. Elle disqualifie enfin l’ex-président, aux yeux de Kinshasa, comme interlocuteur à un potentiel dialogue national.
Franchira-t-il le Rubicon ?
La peine de mort prononcée contre Joseph Kabila n’est pas sans risques. Elle marginalise certes l’ancien chef de l’Etat, mais elle pourrait tout aussi bien le radicaliser. D’autant que le Raïs a encore énormément de relais au sein de l’armée congolaise. Un peu plus de 70 officiers, le plus souvent originaires du Katanga, sont actuellement en prison pour des liens supposés avec Joseph Kabila. Si le M23 n’a jamais revendiqué le soutien de l’ancien président, Joseph Kabila n’a jamais déclaré officiellement soutenir, ou être membre de la rébellion. Lors de sa venue à Goma, Joseph Kabila avait déclaré vouloir participer à la résolution du conflit et avait prôné la tenue d’un dialogue national. Aujourd’hui, la décision de la Haute cour militaire le place dans une position de fugitif, désormais paria dans son propre pays, et assimilé à une rébellion soutenue par le Rwanda voisin. Si Joseph Kabila voulait se poser en faiseur de paix, Kinshasa semble vouloir le précipiter dans les bras de l’AFC/M23. Reste à savoir si l’ancien président se décidera à franchir le Rubicon… et quel sera l’accueil de la rébellion ?
Christophe Rigaud – Afrikarabia