Alors que le mandat du président Kabila s’est achevé le 31 décembre 2016 et que le pays s’enfonce dans une grave crise politique, les autorités ont décidé de restreindre l’accès aux réseaux sociaux face à la contestation.
Après plusieurs attaques dans la capitale et de nouvelles opérations villes mortes, Kinshasa a décidé d’employer les grands moyens pour enrayer la contestation en restreignant l’accès aux réseaux sociaux. Lundi, une attaque attribuée aux adeptes de la secte Bundu dia Malaya (ex-Bundu dia Kongo) avait semé la panique dans la capitale avant d’être jugulée in extremis par les forces de sécurité. Mardi et mercredi, deux journées villes mortes ont été organisées par l’opposition qui conteste le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila depuis la fin de son dernier mandat, le 19 décembre 2016. Pendant les attaques du Bundu dia Kongo, les réseaux sociaux ont bruissé d’informations et de photos sur les derniers événements en cours à Kinshasa, mais ont également relayé des rumeurs et des appels à la mobilisation. Afin d’éviter « la contagion », les autorités ont donc décidé dès le lundi soir d’avertir les opérateurs des télécommunications que l’accès aux réseaux sociaux seraient restreint. Sur Twitter, Facebook, Whats’app, Google+… Kinshasa veut réduire « échanges abusifs d’images » et annonce des « mesures techniques préventives susceptibles de réduire au strict minimum la capacité de transmission des images ».
Chape de plomb
Ce n’est pas la première fois que Kinshasa manie la censure lorsque la contestation se fait trop pressente contre le pouvoir. Fin 2016 déjà, à l’approche de la fin du mandat du président Kabila (qu’il ne lâchera finalement pas, préférant négocier avec une partie de l’opposition une rallonge d’une année), l’accès à internet et aux réseaux sociaux avait été plusieurs fois interrompu. En fonction de l’opérateur, de la province et de l’heure de connexion, certaines applications comme Facebook ou Twitter étaient peu ou pas accessibles. Mais c’est surtout l’envoi d’images ou de vidéos qui était souvent rendu impossible, notamment à Lubumbashi, fief de l’opposant Moïse Katumbi. Les médias avaient également fait les frais de ce muselage de toute voix dissonante avec la fermeture de nombreuses stations proches de l’opposition : Canal Congo Télévision (CCTV) et de Radio Liberté Kinshasa (RALIK) appartenant à l’opposant Jean Pierre Bemba, mais aussi Radio-Télévision Jua de Jean-Claude Muyambo (actuellement emprisonné), ainsi que Radio-Television Nyota et Télévision Mapendo appartenant à l’ancien gouverneur Katumbi. Cette semaine, ce sont les réseaux sociaux qui ont été une nouvelle fois touchés.
Le choix de l’isolement
En 2017, la République démocratique du Congo (RDC) a perdu deux places au classement de la liberté de la presse établi par Reporters Sans Frontière (RSF). « Son plus mauvais score depuis 2002 » dénonce le rapport de l’ONG. Mais plus étonnant, reste le signal de Radio France Internationale (RFI) qui n’est plus accessible à Kinshasa depuis… le 4 novembre 2016 ! Le gouvernement s’était pourtant engagé à rouvrir les médias fermés, notamment après les mesures de « décrispation politique » fixées par l’accord politique du 31 décembre 2016. Mais force est de constater que la plupart de ces médias sont toujours fermés à ce jour. Pour Amnesty international, le blocage des images sur les réseaux sociaux en RDC est « une attaque flagrante contre la liberté d’expression ». L’ONG relève également que cette décision intervient « dans un contexte de crise politique qui s’aggrave et de risque élevé de violations des droits humains ». En pleine crise politique et répression policière (les attaques de lundi à Kinshasa et Matadi ont fait une quinzaine de morts), « les réseaux sociaux sont importants comme outils de documentation » note Amnesty. Mais Kinshasa en a visiblement décidé autrement et a fait le choix de l’isolement. Un choix dicté par la volonté de Joseph Kabila de s’accrocher au pouvoir au-delà du délai légal. Huit mois après la fin de son mandat, les élections prévues en décembre 2017 sont en passe d’être reportées et aucun nouveau calendrier électoral n’a encore été publié.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia