Les opérations de mise en oeuvre de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda doivent débuter le 1er octobre, mais le conseiller Afrique de Donald Trump, Massad Boulos, reconnaît la complexité d’un conflit, qui demandera davantage de temps à être résolu.

Si les négociations de Doha entre Kinshasa et le M23 sont en pause, alors que les affrontements se poursuivent sur le terrain, un soupçon d’espoir est venu de Washington après une réunion du mécanisme conjoint de coordination dans le cadre de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda. Un calendrier a enfin été annoncé pour le lancement des opérations (CONOPS) de neutralisation des FDLR, couplées au désengagement des forces rwandaises du sol congolais. La date a été fixée au 1er octobre. Selon des informations recueillies par Reuters, la pudique « levée des mesures défensives » par Kigali devrait débuter la dernière semaine d’octobre. En parallèle, les opérations de neutralisation des FDLR, demander par le Rwanda, seront mises en place, dans un calendrier plus flou. Plusieurs phases sont prévues, d’identification (aucune partie n’est d’accord sur les effectifs du groupe armé), de sensibilisation, de planification et de coordination… avant la traque effective de ces héritiers des génocidaires hutus rwandais, alliés aujourd’hui à Kinshasa. Ces opérations de neutralisation des FDLR et de retrait des soldats rwandais devraient s’achever fin décembre 2025. Le hic, c’est que, pour l’instant, aucun engagement et aucun calendrier n’ont été respectés depuis le lancement des processus de paix de Washington et Doha.
FDLR : « nous avons créé un mécanisme pour nous assurer que cela se réalise »
Reste à savoir si ce calendrier sera, pour une fois, tenu ? La principale difficulté tient sans aucun doute dans la neutralisation des FDLR. Qui sera chargé de la traque et qui en contrôlera la réalisation ? Sur le premier point, les désaccords sont nombreux. Kinshasa estime qu’une partie des FDLR se trouvant en territoire rebelle, l’AFC/M23 et le Rwanda doivent être engagés dans ces opérations, ce que Kigali aurait refusé. Concernant le second point, c’est Massad Boulos, le conseiller Afrique américain, qui a tenté de rassurer lors d’une conférence de presse en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, estimant avoir créé « un mécanisme pour nous assurer que cela se réalise »… sans donner davantage de détails. De nombreux experts de la région, restent sceptiques sur la possibilité d’éradiquer les FDLR sur un temps aussi resserré, alors que toutes les opérations militaires passées ont échoué à faire disparaître ce groupe armé.
Les exigences des belligérants toujours irréconciliables
Le conseiller spécial de Donald Trump a affiché un certain optimisme sur les progrès réalisés, notamment en mettant l’accent sur le processus de négociation de Doha, entre le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC/M23. Massad Boulos a surtout rappelé le « rôle énorme du Qatar », qu’il considère comme « la dernière pièce du puzzle ». Mais une pièce qui demandera sûrement plus de temps que prévu pour s’imbriquer dans le processus de paix global impulsé par les Etats-Unis et le Qatar. A Doha, la montagne semble plus imposante à gravir qu’à Washington. Il faut dire que les exigences des belligérants semblent toujours irréconciliables. Les rebelles ont revu leurs revendications à la hausse, et Kinshasa reste décidé à ne rien céder pour retrouver le contrôle de ses territoires. L’AFC/M23 demande aujourd’hui une co-gestion politique et sécuritaire des zones qu’elle administre, ce qui reste une ligne rouge pour les autorités congolaises. Autres points noirs en préalable de toute négociation : la libération des prisonniers M23, et l’intégration de rebelles dans l’armée et les institutions politiques.
Massad Boulos reconnaît la complexité du conflit
A New-York, Massad Boulos a été plus disert sur les avancées en cours à Doha. Un accord d’échange de prisonniers a bien été signé entre les deux parties et le CICR. La Croix-Rouge est chargée de l’identification, de la vérification et de la libération sécurisée des détenus, mais il faudra s’entendre sur la liste des prisonniers libérables, ce qui est encore là d’être le cas. La reprise des discussions à Doha, prévue « dans quelques jours », sera sans doute conditionnée à des avancées notables sur ce dossier. Mais l’élément le plus intéressant de la conférence de presse de Massad Boulos à New-York tient sans doute dans son évaluation du temps nécessaire pour ramener la paix dans la région. Le conseiller spécial américain a reconnu la complexité d’un conflit bientôt trentenaire et a insisté sur la nécessité de résoudre « les causes profondes du conflit ». Entre les lignes, on comprend que la neutralisation des FDLR et le retrait des troupes rwandaises du sol congolais ne seront sans doute pas suffisants pour faire taire les armes.
Des sujets pourraient soulever « des questions constitutionnelles »
Le conflit est multi-factoriel et le chemin de la paix risque d’être plus long que prévu laisse entendre Massad Boulos. « Je crois qu’il y a neuf grands domaines de focus, et certains d’entre eux prendront du temps, alors que d’autres peuvent être réglés en quelques semaines » a souligné Massad Boulos. Parmi les « causes profondes », il y a des problèmes de gouvernance, ou de décentralisation, estime le conseiller de Donald Trump, en faisant référence à certaines revendications des rebelles, notamment sur le « fédéralisme » et une « autonomie » des provinces. Il y a aussi la délicate question de l’intégration du M23 dans l’armée régulière ou les institutions. Un sujet brûlant pour Kinshasa dont les députés avaient voté une loi excluant tout « brassage » de la rébellion au sein des FARDC. Le conseiller américain soulève pour la première fois que certains de ces sujets pourraient soulever « des questions constitutionnelles »… et donc prendre du temps. Un analyse très pragmatique de Massad Boulos, qui tranche avec les sorties tonitruantes de Donald Trump, qui déclare à qui veut bien le croire qu’il y a déjà la paix au Congo.
Christophe Rigaud – Afrikarabia