Nouvelle journée d’affrontements ce mardi à Kinshasa où plusieurs sièges de partis politiques ont été incendiés faisant de nouveaux morts. Une situation chaotique qui met en danger la stabilité du pays et le dialogue politique en cours entre la majorité et l’opposition.
La tension est montée d’un cran ce mardi dans la capitale congolaise après la sanglante répression de lundi qui aurait fait entre 17 et 44 morts selon les sources. Au second jour des émeutes, une étrange atmosphère régnait dans cette immense mégalopole de 10 millions d’habitants. Le centre-ville était anormalement désert alors que de violents incidents éclataient autour des permanences des partis politiques d’opposition et dans certains quartiers populaires où la garde présidentielle traquaient opposants et manifestants. Après la mise à sac du PPRD, le parti présidentiel, lundi, ce sont les sièges des partis d’opposition qui ont été visés ce mardi. En quelques heures, au moins sept partis politiques ont vu leurs sièges attaqués par des hommes armés, et incendiés, à commencer par celui de l’UDPS, le parti de l’opposant historique Etienne Tshisekedi. Deux corps carbonisés ont été retrouvés dans les décombres et cinq personnes ont été blessés. La « guerre des sièges » a également touché les Forces novatrices pour l’union et la solidarité (Fonus) et le Mouvement lumumbiste progressiste (MLP).
200 arrestations à Kinshasa
Gouvernement et opposition s’accusent mutuellement des exactions et des pillages de ces deux premiers jours d’émeutes. Les opposants dénoncent la « violence aveugle des forces de sécurité » et les nombreuses arrestations de manifestants. À Genève, le porte-parole du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, Rupert Colville, a estimé à environ 200 le nombre de personnes arrêtées lundi à Kinshasa. Selon Human Rights Watch (HWR), qui suit la situation de près en RDC, « la plupart des victimes ont été tuées lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu sur les manifestants ». Pour les autorités congolaises, ces violences sont le fait de « groupes insurrectionnels » et non « de manifestants pacifiques ». La police accuse certains manifestants d’être armés. Le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, a tout de même déclaré que des enquêtes seraient menées, y compris au sein des forces de l’ordre.
« Des exactions venant de l’Etat congolais lui-même »
La communauté internationale assiste relativement impuissante à la longue descente aux enfers de la RDC. La Monusco, la mission de l’ONU au Congo, était aux abonnés absents pendant les heurts de lundi. Les casques bleus sont simplement venus constatés ce mardi l’incendie du siège de l’UDPS et la découverte des deux corps calcinés. Une passivité déplorée sur les réseaux sociaux par de nombreux Congolais. Pour le moment, seul le président François Hollande, depuis New York, a condamné avec virulence les violences à Kinshasa en pointant la responsabilité des autorités congolaises. « Nous ne savons pas encore le nombre de morts mais ce qui est incontestable, c’est qu’il y a des victimes et qu’elles ont été provoquées par des exactions venant de l’Etat congolais lui-même » a déclaré le président français.
Nouvelles sanctions américaines ?
Les Etats-unis suivent également avec intérêt la dégradation de la situation en République démocratique du Congo. Washington recommande depuis de longs mois à Joseph Kabila de sortir de son silence et d’annoncer qu’il « ne violera pas la Constitution en cherchant à briguer un nouveau mandat ». Recommandation restée pour l’instant lettre morte. Les Américains ont pourtant été les seuls à sanctions récemment un haut responsable congolais. Augustin Kanyama, le chef de la police de Kinshasa, a vu ses avoirs gelés et s’est vu signifié l’interdiction de se rendre aux Etats-unis. Un trentaine de dignitaires congolais seraient dans le viseur des autorités américaines. Autant dire que la nouvelle irruption de violence du 19 septembre sera particulière scrutée à Washington. Certains observateurs estiment que de nouvelles sanctions américaines pourraient prochainement tomber.
L’escalade… jusqu’où ?
Après les morts des 19 et 20 septembre, la deuxième victime des violences de Kinshasa est sans aucun le dialogue national en cours dans la capitale congolaise. Censé régler la crise pré-électoral qui couve en RDC depuis plusieurs mois, le forum a été reporté de 48 heures par le facilitateur, Edem Kodjo pour cause d’émeutes. Sans consensus sur les deux questions majeurs, la date des prochaines élections et le rôle de Joseph Kabila dans la transition, le dialogue se retrouve de nouveau dans l’impasse. Pire, la Conférence épiscopale (Cenco), une institution très écoutée au Congo, a annoncé qu’elle suspendait sa participation aux discussions. « le sang de nos frères versé pour le respecter de la constitution est une interpellation. Cela ne doit pas nous laisser indifférents » a indiqué le secrétaire général de la Cenco, l’abbé Donatien Nshole. Un nouveau coup dur qui fait craindre un échec du dialogue, dont la clôture a pourtant été annoncée pour vendredi. Dans cette situation des plus chaotiques, l’avenir de la RDC est suspendu à trois facteurs : la continuation non des violences dans la rue, l’échec ou non du dialogue en fin de semaine et la prise de parole ou non de Joseph Kabila dont beaucoup de chancelleries ne comprennent pas le mutisme.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
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Ce scénario terminera quel jour?