Depuis l’arrestation de Christian Ngoy, soupçonné d’avoir participé au meurtre de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, la justice congolaise est restée muette. La Fondation Bill Clinton pour la paix demande l’ouverture d’un procès et le lancement « d’un mandat d’arrêt international » contre les 8 policiers qui ont participé au double assassinat.
Lorsque Christian Ngoy est arrêté le 3 septembre au restaurant Bougain Villa de Lubumbashi, les autorités congolaises attendent que le capitaine de police soit transféré à Kinshasa et enfermé à la prison militaire de Ndolo pour confirmer l’information. Il faut dire que l’interpellation de ce proche du général John Numbi, qui fait encore la pluie et le beau temps dans l’ex-Katanga, est une surprise. Connu pour son implication dans le double meurtre en 2010 du défenseur des droits de l’homme, Floribert Chebeya et de son chauffeur, Fidèle Bazana, Christian Ngoy était censé être en fuite. En fait, le policier circulait en toute impunité au Katanga et avait même été promu colonel. Dans la province minière, il continuait de côtoyer son ancien patron, John Numbi, accusé d’être le véritable commanditaire du double assassinat.
Relancer l’affaire Chebeya
Depuis le 3 septembre, les autorités congolaises ne se sont pas prononcés sur le sort de Christian Ngoy. Tout comme la justice congolaise, qui n’a toujours pas encore ouvert le dossier. Il faut dire que ce n’est pas sur l’explosif dossier Chebeya que les militaires sont venus interpeller Christian Ngoy dans le quartier du golf de Lubumbashi. Le colonel de police serait soupçonné d’être impliqué début juillet dans l’assassinat de quatre militants de l’UDPS, le parti du président Tshisekedi, en marge des manifestations de protestation contre la désignation de Ronsard Malonda à la tête de la Commission électorale (CENI). D’après une source militaire, Christian Ngoy serait également derrière la poussée de violence de ces derniers mois dans l’ex-Katanga, où des gangs sèment régulièrement la terreur. Mais l’arrestation de Christian Ngoy relance clairement l’affaire Chebeya, « un crime d’Etat », dans lequel les plus hautes autorités congolaises seraient impliquées.
Huit policiers toujours introuvables
Hasard ou coïncidence, quelques semaines avant l’arrestation du policier, la fondation Bill Clinton pour la paix avait retrouvé la trace de certains des policiers soupçonnés d’avoir été les exécutants du double meurtre de Chebeya et Bazana. Les huit policiers étaient, comme Christian Ngoy, toujours en poste dans la police au Katanga. Depuis l’arrestation surprise de l’ancien capitaine de police, tous les regards se tournent maintenant vers les autorités congolaises pour mettre la main sur les huit policiers. Mais jusqu’à aujourd’hui, la police et la justice congolaises ne semblent pas disposées à interpeller ces précieux témoins. Pièces manquantes qui permettraient de reconstituer la chronologie du crime, les huit exécutants du double assassinats, sont toujours dans la nature. Une chronologie que l’on connait déjà parfaitement après les révélations du major Paul Mwilambwe, le seul témoin oculaire du double meurtre, aujourd’hui réfugié en Belgique.
Paul Mwilambwe, témoin oculaire
Car si l’arrestation de Christian Ngoy peut relancer l’affaire Chebeya, c’est grâce aux multiples témoignages circonstanciés du major de police depuis 2012. Paul Mwilambwe a tout vu et tout entendu du piège tendu à Floribert Chebeya pour le faire disparaître. Sur les écrans de vidéosurveillance, Paul Mwilambwe est ensuite témoin en direct de l’assassinat de Chebeya : « des éléments de la police qui l’attendent à la réception, sautent sur lui en l’étouffant avec des sachets en plastiques ». En 2012, face au cinéaste Thierry Michel, auteur du film « L’affaire Chebeya, un crime d’Etat ? », Paul Mwilambwe raconte : « J’ai appelé major Christian (Ngoy), qu’est-ce qui se passe au juste parce que ce monsieur, vous m’avez dit qu’il devait être reçu par le général Numbi ? Il m’a dit « mon frère, c’est un ordre militaire, toi tu connais l’ordre militaire, ça vient de la hiérarchie, ça vient du sommet ». Je lui ai demandé quel sommet ? Parce qu’il n’y a que le général Numbi et le Président. Il m’a dit « non, vous avez déjà cité son nom ». »
La femme de Paul Mwilambwe menacée
Un procès bâclé a bien eu lieu, mais seul le colonel Daniel Mukalay a été condamné à dix ans de prison. Sous pression, Paul Mwilambwe s’évade vers le Sénégal et rejoint dernièrement Bruxelles, craignant pour sa sécurité. Car en 2014, réfugié à Dakar, Paul Mwilambwe reçoit un appel de Christian Ngoy, qui menace de s’en prendre à sa femme Clémentine Dady Bumba Mayalale. Depuis la Belgique, Paul Mwilambwe tient dans ses mains toutes les cartes de l’affaire Chebeya. Le policier réclame un procès équitable afin de dénoncer les véritables commanditaires du double assassinat. Pour le major Mwilambwe, le réel donneur d’ordre ne serait autre que le président Joseph Kabila, via John Numbi et le major Christian Ngoy.
« Une occasion pour Mukalay de dire la vérité »
La Fondation Bill Clinton pour la paix plaide pour la réouverture d’un procès. Selon l’ONG, l’arrêt RP 050/11 rendu par la Haute Cour Militaire lors du procès, visait clairement à protéger John Numbi en « inversant les rôles des parties ». « On a transformé le véritable commanditaire, le général John Numbi, en simple renseignant à la place du colonel Daniel Mukalay, explique Emmanuel Adu Cole, de la Fondation Bill Clinton pour la paix. John Numbi doit être entendu en tant que prévenu, et le major Paul Mwilambwe témoin oculaire et non comme prévenu ». L’ONG demande « la présentation de Christian Ngoy à la justice » et le lancement « d’un mandat d’arrêt international contre les 8 policiers qui ont participé au double assassinat sous le commandement de Christian Ngoy ». Les poursuites et condamnations à l’encontre de Paul Mwilambwe et Daniel Mukalay (condamné à 10 ans et toujours en prison) doivent être suspendues selon Emmanuel Adu Cole. Une occasion pour Daniel Mukalay « de dire la vérité sur ce qui s’est passé séjour-là, parce que nous savons qu’il faisait l’objet de menaces et d’intimidations des toutes sortes. » Une plainte de la veuve de Floribert Chebeya contre John Numbi est également « en souffrance » à l’auditorat général. Pour l’ONG, il manque encore un peu de volonté politique pour faire avancer les dossiers Ngoy et Numbi. La balle est désormais dans le camp de la justice congolaise.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
C’est triste à dire mais les choses n’iront pas vite suite au manque de courage politique du Président Fatshi. En effet, celui-ci ne veut pas mettre à dos le puissant clan Katangais Mulubakat, surtout avec le dossier chaud de Minembwe et la situation de Vital Kamehre sic. Sachez que Ruberwa dit tout haut que personne ne lui fera rien et il prévient qu’il connait tous les secrets du RDC et de ses hommes politiques tant de l’opposition que de la majorité. Il ajoute avec sourire qu’il était le grand patron des leaders politiques congolais actuels et il reste le conseiller politique le plus écouté de son protégé » Joseph Kabila » Bref, on est pas sorti de l’auberge… Pauvre RDC, décidemment, le peuple mérite de fois ces dirigeants
Comme J.kabila est toujours aux affaires il est difficile d’organiser un procès équitable. Seule la neutralisation de Kabila et ses frères rwandais qui occupent le Congo faire l’objet d’une vraie justice.
Je me rappelle avoir discuté avec madame Chibeya a Londres au parlement britanique lors d’une conference sur l’assassinat de son mari. Je versait mes larmes en la regardant tout droit aux yeux. 10 ans après la vérité n’a jamais était mis à jours. Comme la vérité est toujours une lumière que l’on ne peut pas envelopper, et le temps est le facteur majeur de la vérité. Vraiment pour nous congolais c’est un soulagement à tort d’entendre tout ces declarations accablantes sur RFI en Février 2021. Je pense qu’il est temps de ré-ouvrir / relancer ce procès du siècle après avoir retrouver le corp de Bazana dans la concession du général cité moyennant une enquête.
Mieux vaut entendre les auteurs qui avaient commendité cette operation meurtrière qu’ils payent leurs charges à la justice congolaise. Voici une occasion de fouiller dans le passé pour ne pas rester impuni. Le Rapport Mapping est important puisque ces gents se figurent aussi sur ce fameux rapport qu’il faut à tout prix une justice internationale soit faite!