En échec militaire, Félix Tshisekedi tente de s’assurer de l’aide de ses alliés. Mais devant la désorganisation de l’armée congolaise, ses soutiens hésitent à s’engager davantage et conditionnent la poursuite de leur assistance.

Les défaites s’enchaînent pour l’armée congolaise. Après la prise de Bukavu le 15 février, les rebelles du M23, appuyés par l’armée rwandaise, poursuivent leur offensive dans le Sud-Kivu en s’emparant de la ville de Kamanyola dans la zone des trois frontières entre la RDC, le Rwanda et le Burundi. Ce mercredi, la rébellion a continué sa progression éclair vers le Sud avec, en ligne de mire, la ville d’Uvira sur les bords du lac Tanganyika. L’offensive du M23 ne semble plus rencontrer de résistance de l’armée congolaise et de l’armée burundaise, censée la soutenir. Pourtant, le Burundi faisant figure d’allié militaire de poids pour Félix Tshisekedi, qui comptait bien sauver Bukavu grâce à son voisin. En effet, les deux présidents ont un adversaire commun, en la personne de Paul Kagame.
Burundi et Rwanda à couteaux tirés
Évariste Ndayishimiye avait accusé le Rwanda de « préparer quelque chose contre le Burundi », en soulignant que son pays n’allait pas « se laisser faire ». Le président burundais soupçonne Kigali d’armer les Red Tabara, une rébellion qui cherche à déstabiliser Gitega. L’avancée du M23, soutenu par le Rwanda, vers les frontières du Burundi inquiétait particulièrement Évariste Ndayishimiye, qui voyait d’un très mauvais oeil la possible constitution d’une coalition M23-Red Tabara. Mais il y a quelques jours, le président burundais, indiquait sur le réseau X avoir l’assurance que Kigali n’attaquerait pas. De quoi réviser les positions burundaises sur son implication militaire au Congo.
Le Burundi réduit la voilure
Depuis la chute de l’aéroport de Bukavu, la donne a également changé militairement. L’armée congolaise ne se bat plus et les Burundais se sont retrouvés bien seuls à tenter de défendre la ville de Kamanyola. Sans appui suffisant des Forces armées de République démocratique du Congo (FARDC), les soldats burundais ont dû décrocher et abandonner la ville avant de se replier vers le Sud. Après ce nouveau revers, l’armée burundaise a décidé de retirer une partie de ses troupes, selon des informations de l’agence Reuters. Sur les 10.000 soldats burundais déployés en RDC, combien en reste-t-il aujourd’hui ? Difficile de le dire, mais Gitera a réduit la voilure. Le Burundi est désormais dans l’attente d’un sursaut de Kinshasa et veut des assurances sur une nouvelle mise en place au sein du commandement des FARDC.
Pretoria conditionne son engagement
Même son de cloche chez un autre allié de Kinshasa : l’Afrique du Sud. L’armée sud-africaine a perdu 14 soldats dans la prise de Goma et le président Cyril Ramaphosa est fortement chahuté en interne par son opposition sur son engagement militaire auprès de la RDC. L’Afrique du Sud a écrit au Ministère des Affaires étrangères congolais pour se plaindre de l’attitude des soldats congolais sur le champ de bataille. Pretoria a également conditionné le niveau de son assistance militaire à des changements importants au sein des FARDC. Félix Tshisekedi se doit donc de rassurer ses deux alliés pour obtenir un engagement militaire plus fort. Le souci, c’est que le président a décidé remanier plusieurs fois sa chaîne de commandement, sans résultat sur le terrain. La recherche d’un nouveau casting vire au casse-tête.
Des renforts ougandais au Nord
Un autre allié de Kinshasa souffle le chaud et le froid. C’est Kampala. L’Ouganda vient de renforcer ses positions en Ituri, à Bunia. L’armée congolaise parle d’un renforcement « harmonisé » dans le cadre de l’opération Shujaa, lancée il y a plus de trois ans avec comme mission de lutter contre le groupe ADF, particulièrement meurtrier dans les provinces d’Ituri et du Nord-Kivu. Une extension de la mission conjointe pourrait également combattre d’autres groupes armés, comme les CODECO, une milice dont la dernière attaque avait causé la mort d’au moins 52 personnes dans le territoire de Djugu, en février.
Mauvais souvenir ougandais
Mais le renforcement de l’armée ougandaise (UPDF) en Ituri réveille des souvenirs douloureux dans la population. L’Ouganda a joué un rôle controversé en Ituri pendant la Seconde Guerre du Congo (1998-2003). Kampala avait alors occupé l’Ituri et installé une administration militaire, soutenant différents groupes armés locaux, et exploitant illégalement les ressources naturelles. Un rapport de l’ONU, en 2001, a accusé l’Ouganda d’avoir pillé de l’or, du bois et du coltan en Ituri. Autre mauvais souvenir, les trois batailles de Kisangani qui ont vu s’affronter l’Ouganda et le Rwanda, causant des centaines de morts.
Zone d’influence ougandaise
L’inquiétude de la population est également entretenue par les provocations du propre fils du président ougandais Museveni, qui est aussi chef de l’armée. Dans un message publié sur le réseau social X, Muhoozi Kainerugaba assure qu’il attaquera la ville de Bunia à moins que « toutes les forces » qui s’y trouvent ne rendent leurs armes dans les 24 heures. Les habitants de la région redoutent que l’histoire ne se répète et que Kampala n’en profite pour mettre la main sur la région qu’elle considère comme sa zone d’influence.
Kinshasa fait profil bas
Alors que le pays est déjà confronté à la rébellion du M23, soutenu par le Rwanda, la présence prolongée de l’armée ougandaise pourrait alimenter de nouvelles tensions et compliquer davantage la stabilisation de l’Est congolais. Kinshasa se retrouve dans une situation bien inconfortable. Officiellement, le gouvernement congolais collabore avec l’UPDF pour lutter contre les ADF. Mais au Congo, certains doutent de la sincérité de l’Ouganda et de son attitude si le M23 venait à entrer dans sa zone d’influence. Problème, Kinshasa est condamnée à faire profil bas et ne peut pas se permettre d’ouvrir un nouveau front contre l’Ouganda, en plus de celui contre le M23 et le Rwanda.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Article intéressant. Il donne un portrait assez sombre mais réel de la situation militaire difficile que traverse la RDC. Félix Tshisekedi n’a qu’à quitter le pouvoir sans condition.