Après une rencontre surprise entre les présidents Tshisekedi et Kagame le 18 mars dernier, Doha pourrait accueillir les premières discussions directes entre le M23 et le gouvernement congolais, le 9 avril. Un camouflet pour les institutions sous-régionales africaines dont les antagonismes ont fait échouer toutes les tentatives de médiation.

Doha persiste et signe. Le tête-à-tête Félix Tshisekedi-Paul Kagame aura donc une suite inattendue dans ce petit émirat du Golfe. L’agence Reuters croit savoir que les rebelles du M23 et les autorités congolaises se rencontreront le 9 avril à Doha. Une première entre les deux entités, après le rendez-vous manqué de Luanda, qui devait se tenir le même jour que le face-à-face surprise entre les deux présidents congolais et rwandais. Jusque-là, le président Tshisekedi avait toujours refusé de dialoguer avec les rebelles. Une ligne rouge que le chef de l’Etat congolais a, semble-t-il, décidé de franchir. Pendant que les voisins africains de la RDC ont multiplié les formats de médiation, sans succès, à Luanda, Nairobi ou Dar Es Salam, le Qatar a profité de la confusion pour s’imposer en médiateur principal.
Une humiliation pour l’Angola
L’arrivée impromptue dans le conflit congolais de l’émir Tamin Ben Hamad Al Thani souligne également l’errance diplomatique de Kinshasa, qui semble ne plus savoir à quel saint se vouer pour sortir de la crise sécuritaire. La RDC s’était engagée dans le processus de Nairobi avec les groupes armés, mais sans le M23, puis dans celui de Luanda, qui a été boudé par Paul Kagame. Et quand Kinshasa a finalement accepté une rencontre avec le groupe rebelle en Angola, c’est le M23 qui a refusé de discuter avec les autorités congolaises. Le même jour, on apprendra que Félix Tshisekedi et Paul Kagame avaient rendez-vous à Doha. Une véritable humiliation pour le médiateur angolais Joao Lourenço, qui finira par jeter l’éponge. Ces revers successifs donnent l’impression que ce sont Kigali et le M23 qui imposent leur rythme. Il faut dire que sur le terrain militaire, ce sont eux qui mènent la danse. Après la rencontre de Doha, le M23 ne s’est pas privé de pousser son offensive à l’Ouest en s’emparant de Walikale-Centre, malgré la volonté affichée de cessez-le-feu annoncé par Tshisekedi et Kagame depuis le Qatar.
Luanda-Nairobi : un processus fusionné mort-né ?
La médiation africaine se retrouve donc lâchée en rase campagne. La fusion entre les deux processus de Nairobi et Luanda se fait toujours attendre. Le nombre de facilitateurs est passé de trois à cinq, notamment avec l’arrivée de l’ancienne présidente de Centrafrique, Catherine Samba- Panza. Mais depuis, c’est silence radio. L’annonce d’une rencontre entre la RDC et le M23 à Doha risque, pour l’instant, d’en faire un processus mort-né. L’East african Community (EAC) et la Southern African Development Community (SADC) espèrent pouvoir revenir dans le jeu, après un premier round de discussions, pour mettre en oeuvre et suivre les possibles décisions prises à Doha. Le gouvernement congolais a d’ailleurs tenté de rassurer ses partenaires africains en leur précisant que Doha s’inscrivait dans le cadre du processus fusionné. Faut-il vraiment y croire ? Les rivalités régionales sont toujours fortes. L’EAC étant toujours perçue comme favorable au Rwanda, qui soutient le M23, alors que la SADC est proche de Kinshasa.
Silence radio à Doha
Reste maintenant à savoir si la rencontre aura bien lieu le 9 avril entre le M23 et Kinshasa, et surtout ce qu’il y aura sur la table des pourparlers ? Les discussions de Doha apparaissent comme largement défavorable à la RDC, toujours en position d’extrême faiblesse sur le terrain militaire. Cette semaine, les quelques affrontements qui ont eu lieu au Sud-Kivu et autour de Walikale, se sont déroulés entre le M23 et les Wazalendo, ces groupes armés locaux qui servent de milices supplétives, et non contre l’armée régulière, qui peine à se battre. A Kisangani, qui semble être la nouvelle cible des rebelles, des témoins rapportent l’arrivée de militaires fuyant les combats, dont les autorités locales ne savent que faire. Pour l’instant, Kinshasa et le M3 se sont accordés sur une chose : ne rien laisser fuiter des éléments qui seront sur la table lors de la rencontre du 9 avril. Un premier signe qui indique que la médiation qatarie pourrait être la bonne : celle qui permettra enfin Kinshasa et les rebelles de se parler.
Christophe Rigaud – Afrikarabia