Avec un état de siège qui ne porte ses fruits et la résurgence de la rébellion du M23, Félix Tshisekedi ne semble avoir d’autres choix que de s’en remettre à ses voisins pour ramener la sécurité à l’Est du pays. Mais les consultations en cours à Nairobi ne concernent pas les principaux groupes armés.
Après une année d’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri pour lutter contre les groupes armés, le bilan est bien mince. Pire, le nombre de morts a doublé depuis l’instauration de ce régime d’exception, qui a donné les pleins pouvoirs à l’armée. Plus de 2.500 civils ont été tués dans ces provinces, selon le décompte du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST), qui documente les violences à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). L’intensification des affrontements avec l’armée a étendu les zones de conflits, et les rebelles du M23 ont même relancé des attaques contre les Forces armées de République démocratique du Congo (FARDC), après plusieurs années d’une relative discrétion.
L’Ouganda à la rescousse
Signe de l’échec de l’état de siège, le président Tshisekedi a fait appel à l’armée ougandaise fin 2021 pour participer à la traque contre les Allied Democratic Forces (ADF), le groupe le plus meurtrier dans la région. Ces opérations conjointes avec l’armée congolaise ont rapidement fait polémique. De nombreux Congolais ont gardé en mémoire les exactions de l’armée ougandaise pendant la seconde guerre du Congo, entre 1998 et 2003, notamment à Kisangani. Le gouvernement congolais avait d’ailleurs mis un certain temps avant de reconnaître l’entrée sur son territoire des troupes de Kampala.
Après une première offensive d’artillerie tonitruante, l’armée ougandaise se fait aujourd’hui très discrète dans sa lutte anti-ADF. Des organisations de la société civile accusent aujourd’hui l’Ouganda de revenir en RDC pour s’emparer des richesses de son sous-sol. Au moment de son entrée au Congo, l’armée ougandaise s’était, en effet, empressée de construire des infrastructures routières, officiellement pour faciliter l’accès à ses troupes. La société civile la soupçonne d’utiliser ces routes pour toutes sortes de trafics.
Rwanda, « je t’aime, moi non plus »
A son arrivée à la présidence, Félix Tshisekedi avait déjà tenté de constituer un partenariat sécuritaire avec ses voisins rwandais, ougandais et burundais. A l’époque, les tensions entre Kagame et Museveni, et entre Bujumbura et Kigali n’avaient pas fait aboutir le projet. Les relations entre Tshisekedi et Kagame ont ensuite pris la forme de montagnes russes : tantôt « frère », le voisin rwandais a aussi été accusé de soutenir des groupes armés et d’intervenir directement sur le sol congolais avec ses soldats. L’entrée des troupes ougandaises à l’Est du Congo a fini par refroidir les relations entre Tshisekedi et Kagame qui reproche à Kinshasa de ne pas l’avoir consulté sur un sujet aussi sensible.
Fin mars, les rebelles du M23, accusés d’être soutenus par le Rwanda, sortent opportunément de leur léthargie et passent à l’offensive contre l’armée congolaise. Ce nouveau front, déclenché en plein état de siège, oblige le président congolais à faire, de nouveau, appel à ses voisins. Il se trouve que la RDC vient tout juste d’adhérer à la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC). Un adhésion qui tombe à pic pour Félix Tshisekedi, qui en profite pour vanter la nécessité des relations de « bon voisinage » entre pays membres et espère « des autres peuples le même engagement pour la paix et la sécurité ». Une flèche directement destinée à Kigali.
Une force régionale en gestation
L’insécurité à l’Est du Congo a rapidement été au menu à Nairobi, où les membres de l’EAC s’étaient réunis. Autour de Félix Tshisekedi, les présidents kényan et ougandais, ainsi que le ministre des Affaires étrangères rwandais ont décidé de lancer un processus politique de consultations entre les groupes armés locaux et les autorités congolaises. Ce qu’attendait également le président congolais, c’est une implication militaire de ses voisins. Message bien reçu, puisque les Etats de la région ont promis la création « d’une force régionale pour aider à contenir et, le cas échéant, à combattre les forces négatives ».
Impuissant face à l’insécurité endémique à l’Est du Congo, Félix Tshisekedi s’en remet donc à ses voisins avec une stratégie élaborée en deux temps. Premier temps, des consultations avec les groupes armés, et dans un deuxième temps, la menace d’une offensive militaire coordonnée avec les pays de la région. Sur le papier, tout semble clair, mais sur le terrain, la réalité est plus mouvante. Une bonne douzaine de groupes armés ont fait le déplacement à Nairobi : les deux ailes du M23 de Jean-Marie Runiga et Sultani Makenga, le FPDC, le FPRI venu d’Ituri, les Maï-Maï rené, l’UCL Kinjangala, les Raïa Mutomboki, les Nyatura ou le NDC-Rénové…
Les principaux groupes armés absents
Mais très vite, la principale formation du M23 de Sultani Makenga a été exclue des consultations, après la reprise des combats avec l’armée congolaises, malgré la trêve. Les deux parties s’accusant mutuellement d’avoir rompu le cessez-le feu. Mais d’autres groupes manquent à l’appel : les burundais Red Tabara, qui refusent la consultation, la Codeco qui sévit en Ituri, les Maï-Maï Yukutumba, ou les ADF, les plus meurtriers de tous. Sur l’objectif de la consultation, la Présidence avait vendu la mèche en annonçant que les groupes participants s’étaient engagés à intégrer le nouveau dispositif de démobilisation (P-DDRCS) du gouvernement. Un processus qui exclut la réintégration des rebelles dans l’armée régulière, selon les déclarations du Premier ministre Sama Lukonde devant les députés.
Les principaux fauteurs de troubles de la région semblent bel et bien absents de ce dialogue avec Kinshasa. Il est donc peu probable que les consultations de Nairobi ramènent durablement la sécurité à l’Est. Quelques groupes déposeront les armes, certains avaient même annoncé leur reddition avant Nairobi, mais l’éradication des « forces négatives » risque de reposer une fois de plus sur des opérations militaires.
Une énième mise en scène ?
L’improvisation du processus de Nairobi ressemble à l’instauration de l’état de siège : mal planifié, mal financé et sans accompagnement politique. Car sans dialogue politique avec le M23, la Codeco ou les ADF, accompagné certes d’actions militaires, il semble difficile d’arriver à un quelconque résultat. Si l’organigramme du M23 ou de la Codeco est parfaitement connu, qui possède le numéro de téléphone des ADF à Kinshasa ? Kinshasa a tout de même fait savoir qu’une nouvelle rencontre sera fixée mi-mai avec les groupes armés. Certains mouvements absents à Nairobi y seront invités.
Une fois de plus, les autorités congolaises s’en remettent aux militaires pour régler l’insécurité à l’Est, en y impliquant des troupes africaines. Du côté de la Présidence, on estime justement que l’arrivée de troupes de l’EAC sur le sol congolais sera positive, et rendra l’aide et le soutien à certains groupes armés plus difficiles. Le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi se retrouveront donc davantage impliqués dans le processus de retour à la paix. Un voeu pieu pour l’opposition congolaise qui redoute que les consultations de Nairobi ne soient une énième mise en scène censée valoriser l’action de Félix Tshisekedi avant les élections de 2023.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
A quoi rime la « carte régionale » dans un conflit enkysté dans notre pays depuis un quart de siècle – n’en déplaise à Sieur Alingete, l’Est fait entièrement partie de notre pays et la guerre qui s’y passe est bien celle de tout notre pays, le contraire a fait rire jaune même ses interlocuteurs américains polis – ,un conflit où ce genre de stratagèmes a déjà été pratiqué sans succès. Nairobi est une bouée de sauvetage trop hétéroclite et insuffisamment préparée, dégotée à court d’imaginations par le pouvoir de Kinshasa après l’échec encore plus patent de son état de siège – les massacres ont doublé et le champ de combat s’est élargi malgré la rescousse à l’Ouganda – dans les provinces du Nord Kivu et de l’Ituri et les menaces boutiquées par le président rwandais avec sa commande du M23 dans le Rutshuru à la frontière ougando-rwando-Congolaise, après d’autres opérations conjointes avec le Rwanda et l’Ouganda dans le passé qui n’ont jamais rien donné. En vérité au Congo, ni la population ni l’armée ne veulent de négociations traitresses avec les groupes armés et de l’opération militaire régionale proposées par Nairobi, une énième martingale vouée à l’avance à l’échec fût-ce d’abord par la duplicité des organisateurs de ce sommet. Plus grave, les groupes armés les plus représentatifs font aussi la sourde oreille ou font de la surenchère pour venir.
Ces accords de Nairobi ne vont que renforcer la tutelle du Congo par des pays voisins dont on comptabilise des millions de victimes depuis 25 ans. Une « diplomatie de faiblesse et une capitulation de l’État congolais face au défi sécuritaire des groupes armés et de leurs parrains régionaux ». Ainsi qu’il est évident que le M23, les ADF, la CODECO et autres ne sont pour la plupart d’entre eux que des bandits armés locaux ou commandités par les voisins, préoccupés par leurs butins, jamais l’intérêt national ne les intéresse.
Nous sommes là « entre naïveté coupable et crime de haute trahison à la Nation » de notre État autant que brassages et mixages ont infiltré nos chaines de commandement et empêché l’émergence d’un État souverain et efficace pour ses habitants, Tshisekedi est hélas sur les traces quasi génocidaires de son prédécesseur.
Pas d’autre sortie possible de cette longue éclipse pour notre pays qu’un leadership convaincu de justice envers les couples et en action émancipé de la tutelle des pays de la région, criminels et pilleurs de nos richesses, pas d’autre sortie qu’une solide armée républicaine bien préparée, disciplinée et dotée des moyens à même de faire son job de défendre notre territoire et ses habitants… .
Bref comme dit ci-dessus, voilà en effet une énième mise en scène, le résultat des propositions de Nairobi qui se doit de quitter l’improvisation stérile en cours suspendu à une réalité sur le terrain qui aura toujours besoin d’une efficacité militaire que seule une armée souveraine et républicaine peut apporter et pas un conglomérat des forces hétéroclites déjà miné…
PS
J’aurais dû tenter une conclusion à mon speech.Pour faire la paix il faut être au moins à deux et il semble que les rebelles ne sont pas tous partants ; raison de plus pour leur faire la guerre ? N’importe comment notre PR devra se retourner en prenant enfin conscience qu’il a fait fausse route avec sa carte régionale et investir dans une stratégie nationale. Il ne manque pas de Congolais avisés pour le lui rappeler comme déjà une large opinion nationale le dit dans les chaumières. La balle est donc dans son camp, saura-t-il enfin faire preuve de lucidité et de courage pour ne pas s’engager vers des solutions qui ont échoué dans le passé tant la carte régionale avait déjà existé , son officialisation n’ajoutera rien de nouveau en l’absence d’une réelle opération souveraine reposant sur la force de notre armée. Attendons voir si notre Chef de l’Etat répondra enfin autrement à la catastrophe meurtrière campée à l’Est du pays même s’il faut d’abord que son aventure de Nairobi démontre d’elle-même son impasse annoncée.
***Il est temps que les Congolais arrêtent de se bercer d’illusions d’irresponsable : personne d’autre qu’eux-mêmes ne saura faire la différence dans ce combat, personne d’autre ne s’y sacrifiera a notre place…