Un rapport explosif de l’ONG Global Witness et de la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) tend à prouver que le milliardaire israélien, Dan Gertler, continue de faire des affaires en RDC alors qu’il se trouve sous le coup de sanctions américaines.
C’est un intermédiaire incontournable du secteur minier depuis presque 20 ans en République démocratique du Congo (RDC)… mais un intermédiaire sulfureux. Depuis l’arrivée au pouvoir de Joseph Kabila en 2001, Dan Gertler est à la manoeuvre dans de multiples et juteux accords miniers au Congo et a négocié dans l’ombre de Joseph Kabila les contrats entre l’Etat congolais et les grandes multinationales minières. Des accords « entachés de corruption » selon le Trésor américain qui sanctionne l’homme d’affaires en 2017. Plusieurs ONG congolaises et internationales ont estimé qu’au moins 1 milliard de dollars avait échappé aux caisses de l’Etat congolais
Les affaires continuent
Les sanctions américaines de 2017 auraient dû signer l’arrêt de mort du business de Dan Gertler au Congo. Après ces sanctions, aucune banque ou entreprise n’est autorisée à faire des affaires avec lui. Dans une économie mondialisée où le dollar est roi, c’est un coup dur pour le magnat des mines. Mais après une longue enquête, Global Witness et la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) suggèrent que Dan Gertler aurait réussi à échapper aux sanctions américaines et continuerait à opérer librement dans le secteur minier en RDC. Selon l’enquête, « Les liens étroits qui l’unissent à certains individus puissants et influents, en RDC, lui ont peut-être permis de continuer à faire des affaires, tout comme son apparente utilisation d’un réseau international de blanchiment d’argent ».
« 6 millions de dollars en espèces »
Le rapport intitulé « Des sanctions, mine de rien » raconte par le menu comme l’homme d’affaires aurait utilisé un réseau international de blanchiment d’argent, en RDC en Europe et en Israël, pour contourner les sanctions américaines. On trouve dans notamment un mystérieux Shlomo Abihassira qui aurait déposé en mars 2018 à l’agence Afriland First Bank de Kinshasa, 6 millions de dollars en espèces et en trois dépôts distincts sur le compte d’une entreprise opaque qu’il a créée moins de deux mois plus tôt. « L’argent dort sur le compte de l’entreprise pendant plusieurs mois avant d’être envoyée à l’étranger par des chemins détournés, transitant d’abord par un intermédiaire congolais, puis une deuxième société suspecte, avant qu’une partie de cette somme ne soit envoyée à l’étranger » note l’enquête, qui explique aussi qu’Abihassira serait un vieil ami de la famille de Dan Gertler.
Sociétés offshore
Lorsque les sanctions américaines frappent en 2017 Dan Gertler : 18 de ses entreprises, sa fondation familiale et toutes les autres sociétés dont lui ou son bras-droit Pieter Debooute détient une participation majoritaire, sont exclus de l’économie américaine. Gertler réorganise rapidement son empire commercial. Ses sociétés offshores, basées dans des paradis fiscaux comme les Îles Vierges Britanniques (IVB), sont redomiciliées en RDC ou remplacées par des sociétés congolaises. « De nouvelles entreprises aux liens subtils et décelables mais jamais flagrants avec Gertler font leur apparition sur les registres de sociétés » révèle le rapport.
Des permis accordés par la Gécamines avant les élections de 2018
Pour continuer de faire des affaires en RDC, l’enquête découvre que deux sociétés congolaises « qui pourraient être des sociétés prête-nom contrôlées par Gertler ont secrètement acquis de nouveaux permis d’exploitation minière dans les mois précédant les élections congolaises de 2018 ». Des permis accordés par la société d’Etat Gécamines. Après la découverte du mystérieux dépôt à l’Afriland First Bank, des éléments de preuve suggèrent que cette banque « a joué un rôle central dans la mise en place de tout montage financier qui aurait permis à Dan Gertler d’échapper aux sanctions américaines ».
Glencore : une enquête en Suisse
Le rapport rélève également que d’importantes sociétés minières, comme ERG et Sicomines, « continuent de faire des affaires avec une société probablement encore liée à Dan Gertler, malgré les sanctions américaines ». Toujours selon l’enquête, le géant minier suisse Glencore « a continué à verser à Gertler des millions d’euros après l’imposition des sanctions ». Des révélations qui tombent au plus mal pour la multinationale des matières premières, alors même qu’une enquête vient d’être lancée en Suisse.
« Saisie des biens de Dan Gartler »
Pour Global Witness et la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique, le gouvernement congolais doit ordonner la saisie et le gel de tous les biens de Dan Gartler, mais également « mettre un terme et rendre publiques toutes les affaires conclues avec lui, et commander un audit indépendant de toutes les sociétés minières publiques, y compris la Gécamines ». L’Union européenne « doit combler les lacunes qui lui ont permis de devenir un refuge pour l’argent sale lié à Dan Gertler » accusent les ONG, qui demandent enfin aux sociétés minières internationales « de cesser toute activité commerciale avec Gertler ».
Des acteurs qui nient en bloc
Les éléments de l’enquête de Global Witness et PPLAAF ont tous été niés par Dan Gertler et les différentes sociétés citées dans le rapport. Il n’y a pas eu, selon eux, « de tentative ou de conspiration pour échapper aux sanctions, mais simplement des opérations commerciales légitimes, sans lien avec Gertler ou une volonté de se soustraire aux sanctions ». Glencore, Sicomines et ERG démentent également avoir commis « tout acte répréhensible » ou avoir fait des affaires avec Dan Gertler en violation des sanctions américaines.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia