Goma a échappé au pire après l’éruption du volcan Nyiragongo, qui a vu les coulées de lave s’arrêter aux portes de la ville. L’absence d’alerte de l’Observatoire volcanologique de Goma, privé d’internet depuis sept mois, et la communication chaotique des autorités, ont semé la panique dans la population.
L’éruption soudaine, ce samedi, de l’un des plus puissants volcans d’Afrique a rapidement provoqué la confusion dans la ville de Goma, à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Il faut dire que les habitants de la capitale du Nord-Kivu ont gardé en mémoire la dernière éruption du Nyiragongo, en janvier 2002. A l’époque, les coulées de lave avaient englouti une partie de la ville, faisant une centaine de morts. Cette fois-ci, les Gomatraciens ont eu davantage de chance. La lave s’est arrêtée, comme par miracle, à quelques centaines de mètres de l’aéroport et du centre-ville, dans le quartier de Buhene. Selon un premier bilan provisoire du gouvernement, 17 villages ont été touchés et 15 personnes sont mortes, dont 5 tués dans des accidents provoqués par la fuite de la population vers la frontière rwandaise, ou les villes congolaises de Bukavu ou Sake.
Du retard à l’allumage
Mais ce qui caractérise cette nouvelle éruption du Nyiragongo après 19 ans de sommeil, c’est qu’elle a pris tout le monde de court. La population tout d’abord, qui n’a reçu aucun message d’alerte de l’Observatoire volcanologique de Goma. Les autorités locales ensuite, qui ont mis plus de deux heures avant de réagir. Et enfin, le gouvernement qui a peiné à faire passer ses instructions faute de relais médiatiques. Conséquence : cette confusion a précipité plusieurs milliers de Congolais sur les routes à la recherche d’un lieu sûr pour se mettre à l’abri. Environ 15.000 habitants de Goma ont fui en direction de Bukavu et Sake, vers le Sud et l’Ouest de la ville, alors que 7.000 personnes ont traversé la frontière rwandaise, notamment vers Rubavu (Gisenyi).
Un volcan sans surveillance
La première surprise vient de l’absence d’alerte de l’Observatoire volcanologique de Goma (OVG), censé surveiller les moindres soubresauts du Nyiragongo et prévenir la population en cas d’activité anormale du volcan. Mais dimanche matin, sur les ondes de radio Okapi, surprise ! Le directeur de l’Observatoire reconnaît que le volcan n’était plus sous surveillance… depuis sept mois. Faute d’argent, l’Observatoire s’était retrouvé privé de connexion internet, une facture de 10.000$ n’ayant pu être honorée. Pour expliquer ce dysfonctionnement, le directeur de l’OVG a mis en cause l’absence de financement des autorités congolaises. Pour couronner le tout, la Banque mondiale, qui devait renouveler un programme de 2 millions de dollars sur quatre ans, a refusé de mettre la main à la poche, craignant des risques de malversations. En 2020, le député Jean-Baptiste Muhindo Kasekwa avait déjà tenté d’alerter le ministre de la recherche sur la mauvaise gestion de l’Observatoire volcanologique de Goma. Selon lui, sur les 351 employés de l’Observatoire, la majorité de ses emplois était fictifs. Sa question à l’Assemblée était restée lettre morte.
Un audit jamais effectué
En février 2020, le mouvement citoyen Lucha avait relayé les préoccupations des agents de l’OVG qui dénonçaient depuis 2018 une gestion opaque de l’institution « caractérisée par la corruption, l’abus de pouvoir par la hiérarchie et les détournements de fonds ». La Lucha s’inquiétait à l’époque des effets dramatiques que pouvaient avoir la mauvaise gouvernance de l’Observatoire volcanologique de Goma « qui gère la plus grande menace de la ville et de la région : le volcan Nyiragongo ». Le mouvement citoyen avait alors exigé un audit administratif et financier de l’OVG. Une recommandation jamais suivie d’effet.
Des consignes qui tardent
Le second dysfonctionnement vient du retard dans la communication du plan d’évacuation de la ville de Goma. Tôt dans la soirée, le gouverneur général militaire du Nord-Kivu a confirmé l’éruption du volcan, mais sans donné de consigne d’évacuation, indiquant que la protection civile communiquerait des informations ultérieurement. Mais il est déjà trop tard pour canaliser la population, qui commence à fuir. Les consignes de la protection civile arrivent en milieu de soirée : évacuation des hôpitaux du nord de la ville, fermeture des stations services et interdiction de se déplacer en voiture ou en moto. L’ordre est donné aux habitants d’évacuer vers la ville de Sake.
La RTNC aux abonnés absents
Le problème c’est que ces instructions sont données sur quelques radios locales et les réseaux sociaux, peu accessibles pour la majorité de la population. Pendant ce temps, la RTNC, la chaîne publique, diffuse des clip musicaux et une émission sur la santé, sans aucun décrochage sur les événements de Goma. Les Congolais sont informés sur l’évolution de la situation en écoutant les médias internationaux comme RFI ou France 24, et s’en étonnent sur les réseaux sociaux. Après son intervention dimanche matin sur la RTNC, qui a enfin ouvert son antenne à l’éruption du Nyiragongo, Patrick Muyaya, le porte-parole du gouvernement, a demandé au directeur général que « toutes les dispositions soient prises pour assurer une couverture en temps réel de la situation à Goma ».
Un Etat impuissant
Communication chaotique, carences de l’Etat, services publics défaillants, et sous-financés, soupçons de corruption à tous les étages… composent un cocktail détonnant qui aurait pu faire de l’éruption du volcan Nyiragongo une catastrophe bien plus dramatique si par miracle la coulée de lave n’avait pas stoppé sa course à quelques centaines de mètres du centre de Goma. Une expérience qui nous fait dire qu’il existe un fléau bien plus grand que les groupes armés et les catastrophes naturelles dans l’Est de la RDC : il s’agit de la faillite de l’Etat congolais, rongé par la corruption et la mauvaise gouvernance. Un fléau qui rend l’Etat impuissant à régler les crises qu’il traverse.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Les efforts fournis depuis deux ans par l’actuel président de la république passent inaperçus à vos yeux?
Avec des analyses tintées de sentiments partisans peut-on penser que vous faites partie des médias payés pour saboter l’actuel pouvoir?
Mes félicitations pour cette analyse. Le pire problème du Congo c’est la faillite de l’Etat à tous les niveaux. Et les conséquences négatives se récoltent dans tous les domaines.
Ça va passer, mais ce que nous déplorons c’est la perte en vie humaine alors que s’il y avait eu une bonne communication sur l’activité du volcan, tout le monde serait sain et sauf. Alors que le danger est visible a chaque moment, le gouvernement congolais devrait prendre toutes ses responsabilités pour protéger la population.Nous devons encourager et soutenir le nouveau Président car il est maintenant sur plusieurs fronts dans le pays.
Bonne analyse
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Quel pays ! Une autre preuve du désordre et désorganisation de l’appareil de l’Etat, à tous les échelons, niveaux. J’espère que ce fiasco sensibilisera nos dirigeants actuels à prendre la mesure de l’immensité du travail, notamment, en ce qui a trait au changement de la mentalité de la population, l’effet néfaste de la corruption sur la bonne gouvernance et le développement du pays, le rôle de l’Etat, et de ses agent. Dailleurs, ici, en Amérique, on utilise » Public Servant » pour décrire les fonctionaires de l’Etat. Bravo aux mouvements citoyens comme la Lucha, Filimbi et d’autres, qui n’émettent pas seulement des critiques mais donnent aussi des pistes de solution.
Point de privilège,, j’ai constaté avec regret qu’il y a de plus en plus, de fautes d’orthographe, syntaxe, grammaire dans les commentaires, Faisons un effort de relire et vérifier nos textes avant de les envoyer, surtout pas d’attaque personnelle. Merci Christophe pour ce forum francophone de partage d’idées et perspectives, En ce qui me concerne, je fais un effort considérable, malgré, le fait que je suis baigné dans un univers anglophone de l’Amérique du Nord depuis plus de 30 ans
We can do it
Lisez plutôt de ses agents (s) Errata Typo Sorry
Songe-t-on quelque part à délocaliser un jour Goma, à éloigner Nyiragongo de toute grande agglomération ? C »est faisable, c’est possible et ce serait une solution durable. Les villes se construisent, les nôtres ont aussi été construites, au temps colonial. Nous pouvons en construire d’autres pour un meilleur avenir avec une volonté politique claire et ferme, une bonne expertise et des moyens étalés sur la longueur…