François Hollande avait fait de la fin de la Françafrique l’une de ses promesses de campagne en 2012. Deux ans plus tard, un ouvrage de l’association Survie dresse un premier bilan : la Françafrique a visiblement toujours la peau dure.
François Hollande sera à Dakar ce week-end pour célébrer la Francophonie autour de 35 autres chefs d’Etat. Alors que le continent est toujours secoué par différents conflits, les chefs d’Etat africains se presseront autour du président français pour la photo finale : la famille de la francophonie réunie au grand complet. Mais l’Afrique bouge. Après la chute de Blaise Compaoré, un des piliers de la Françafrique, comment se portent les relations entre la France et le continent ? On se souvient qu’en 2012, le candidat Hollande voulait en finir avec la Françafrique, cette relation incestueuse entre le continent et son ancienne colonie, faite de corruption, de mallettes de billets, de coups d’Etats et de coups bas. Un ouvrage collectif de l’association Survie, à l’origine de l’expression Françafrique, s’est penché sur les deux premières années de la présidence Hollande en Afrique. Et de se demander : où est donc passée la fameuse proposition 58 qui devait fonder les relations France-Afrique sur « l’égalité, la confiance et la solidarité ». Après lecture des 220 pages de « Françafrique, la famille recomposée » (1), le constat est accablant.
Valls et Déby, Royale et Bongo
L’ouvrage de Survie décrypte en trois parties les principaux pouvoirs qui pèsent sur la politique africaine de la France : le politique, le militaire et l’économique. Les auteurs partent d’abord d’un premier constat : si François Hollande promet d’en finir avec la Françafrique en 2012, « le terme de Françafrique n’est alors brandi que comme un épouvantail ». Rien, s’interroge l’association, sur le franc CFA (dispositif très critiquable), les bases militaires en Afrique et le soutien de notre diplomatie à des dictatures favorables aux intérêts français. François Hollande ne promet donc pas la lune. Mais sitôt élu, les mauvaises pratiques semblent prendre le dessus, d’autant que le parti socialiste a toujours entretenu une certaine ambiguïté avec la Françafrique. En décembre 2013, explique Survie, Manuel Valls reçoit à Paris le président du Tchad, « anticipant sans doute la belle carrière politique à venir du ministre (…) un bel exemple de banalisation des relations diplomatiques avec les dictateurs ». Manuel Valls finira par se render au Tchad le 22 novembre 2014, au grand désespoir des organisations des droits de l’homme. Fin 2014, Ségolène Royale fraîchement nommée ministre par Manuel Valls, a rendu visite dans sa suite de l’hôtel Bristol au président gabonais Ali Bongo « renouant ainsi avec de vieilles pratiques de connivence avec le pouvoir de Libreville ».
Les hésitations de l’Elysée
Sur plusieurs dossiers, l’ouvrage de Survie soulève les difficultés d’arbitrage de l’Eylsée sur les affaires africaines. En octobre 2012, François Hollande doit trancher sur sa participation ou non au Sommet de la Francophonie de Kinshasa dont le président Joseph Kabila est fortement contesté. Finalement, Hollande ira en RD Congo en prononçant un discours aussi musclé… qu’incantatoire. Sur la conduite à tenir concernant les personnalités reçus à l’Elysée, le palais hésite également. « Nous acceptons de recevoir tout le monde mais de choisir dans quel pays on se rend, comme Barack Obama » explique le conseiller diplomatique Thomas Mélonio à Survie. Ali Bongo sera donc reçu à l’Elysée le 5 juillet 2012, puis Blaise Compaoré lui emboîtera le pas. Pour François Hollande tout est une question de timing. Moins la réputation de la personnalité est bonne, plus elle devra attendre aux portes de l’Elysée. Idriss Déby devra patienter jusqu’en 2013 pour fouler le tapis rouge et Faure Gnassingbé ne sera reçu que fin 2013. Parmi les « bons élèves », les plus présentables sont le Béninois Yayi Boni, le Sélégalais Macky Sall et le Nigérien Mahamadou Issoufou.
Le retour du « gendarme »
L’arrivée de François Hollande au pouvoir sera surtout marqué par « la réhabilitation de l’intervention française en Afrique et de sa présence militaire ». Opération Serval au Mali en janvier 2013, opération Sangaris en Centrafrique en décembre 2013 : le tout assorti d’un redéploiement des bases militaries françaises dans l’arc sahélien. « Serval réhabilitant au passage le dictateur tchadien Idriss Déby et ses soldats, armée supplétive de la France ». Hollande est devenu en quelques mois Hollande l’Africain, nouveau gendarme du continent, permettant ainsi à la France d’obtenir « une reconnaissance accrue de ses alliés » »américains et européens. Selon Survie, « la politique menée par la France au Mali est à bien des égards caractéristique des dérives de la relation franco-africaine : imposition de choix politiques et stratégiques à un pays supposé souverain (…), conduite d’opérations militaires à la place de l’armée nationale, utilisation du paravent de l’ONU (…), utilisation de forces supplétives pour donner un « vernis » africain mobilisées par des régimes les moins recommandables du continent (le Tchad en particulier) ». Autre constat relevé par Survie dans la présidence Hollande qui souhaitait en finir avec la Françafrique : « la mainmise de l’Elysée sur les dossiers de politique étrangère, en particulier africains, s’est trouvée confirmée depuis l’élection de François Hollande ». L’ouvrage note que Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense « a acquis une certaine stature nationale et internationale (…) Jeune Afrique le qualifiant en mai 2014 de ministre de l’Afrique ». Jean-Yves Le Drian et Manuel Valls semblent les plus actifs et influents sur les dossiers africains.
Hollande : les mêmes recettes
Si le président français avait promis « le changement » en 2012, rien n’a vraiment bougé à l’Elysée. Survie regrette que François Hollande « n’est jamais eu l’ambition de s’attaquer aux dimensions plus centrales de la relation franco-africaine telles que le soutien aux dictateurs, la présence militaire, le maintient du Franc CFA ». Pour l’association, « arrivé au pouvoir dans le contexte de la crise au Mali, le président Hollande a rapidement utilisé les mêmes outils d’influence que ses prédécesseurs pour tenter de résoudre cette crise ». François Hollande, comme Nicolas Sarkozy aurait « relégitimé » les pratiques d’ingérence française en Afrique. Survie dénonce la « protection des régimes amis » par l’armée française, sorte « d’assurance-vie pour dictateurs ». La présidence Hollande trouve donc peu de grâce aux yeux de l’association. Quelques progrès tout de même : dans la lutte contre les paradis fiscaux, la responsabilité sociale et environnementale et les lois bancaires.
Le cas Burkinabé
L’ouvrage de Survie a été écrit avant la chute de Blaise Compaoré, qui a suscité beaucoup d’espoir en Afrique sur une possible démocratisation des régimes autoritaires. En à peine 48 heures, l’un des taulier de la Françafrique s’est écroulé, sans que la France ne sauve (en apparence) le régime. Paris a tout de même permis l’exfiltration du président Burkinabé vers la Côte d’Ivoire dans un hélicoptère de l’armée française. Peut-on y voir un signal positif ? La France a-t-elle décidé de ne plus soutenir les dictatures ? Nous avons posé la question à Fabrice Tarrit, le coordinateur de l’ouvrage de Survie, que nous avons rencontré après la chute de Compaoré. Pour le président de Survie, « tout est allé très vite. La diplomatie française n’a pas eu le temps d’organiser une conciliation avec le régime. Le processus auront été plus long, cela aurait peut-être permis à Comparé de s’en sortir. La France a été mise devant le fait accompli ». L’exfiltration du président Burkinabé par Paris pose également problème pour Fabrice Tarrit : « exfiltrer un Chef d’Etat c’est le soustraire à la justice. Les crimes de Compaoré sont nombreux et il est aussi le dépositaire de nombreux secrets de la Françafrique ».
Realpolitik
Tout n’est donc pas rose au pays de François Hollande. Pour Survie, les mauvaises pratiques et l’ingérence de la France continuent en Afrique. Certes, les hommes ont changé, les méthodes ont muté, mais les relations sont toujours aussi malsaines. Si François Hollande avait quelques bonnes intentions, il a vite été rattrapé par la realpolitik. Selon Fabrice Tarrit, « l’équipe de Francçois Hollande s’est accommodée de ces chefs d’Etat peu fréquentables par opportunisme. Les socialistes n’ont jamais pensé le plus grand bien d’Idriss Déby, qui était même considéré comme un maillon faible de la Françafrique. Hollande a du composer avec le Tchadien pour son dispositif militaire au Sahel ». On appelle cela le pragmatisme, à défaut d’avoir préparé un autre scénario plus délicat à mettre en place : la fin de la Françafrique.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
(1) « Françafrique, la famille recomposée », coordination Fabrice Tarrit, Thomas Noirot – Editions Syllepse – 12 euros.
Croire à un changement radical de la politique française en Afrique procède d’une naïveté infantile
Arrêtez, SVP, de nous jouer ce cirque compassionnel qui ne recuit d’abord que les guerres intestines franco-françaises sur le dos de l’Afrique !
La Françafrique, l’Afrique n’en veut pas,c’est évident parce qu’elle lui prive sa pleine souveraineté et continue de la spolier davantage par son jeu d’alliances privilégiées avec ses potentats délinquants mais en quoi Survie défend-elle véritablement notre Afrique plus qu’une autre, quel Africain l’a mandatée pour, c’est quoi vraiment Survie ?
Hélas, pour moi Survie est quelque part un faux ami de l’Afrique : association française elle a pris le parti extrême de l’étranger en dénonçant à juste titre les compromissions de sa Patrie en Afrique, la fameuse Françafrique qui veut maintenir dans ses anciennes colonies des relations opportunistes vouées à son profit et à celui des roitelets locaux liés à l’ancienne métropole mais Survie ne reste-t-elle pas à son tour hypocritement prisonnière de la bulle franco-française qu’elle s’est fabriquée, autiste au reste du monde ?
En effet sa logique moraliste repentante anti-française lui a fait passer par pertes et profits la rude réalité de la dépendance de la pauvre Afrique actuelle qu’elle veut trop vite idéaliser, indifférente aux contraintes d’intérêts mutuels consubstantiels des relations entre États.
Avec des schèmes différents qui accordent sans doute plus de latitudes aux autochtones, tant mieux, mais dans le fond, anglo-saxons, chinois, indiens… n’investissent-ils pas eux aussi d’abord l’Afrique à la poursuite de leurs intérêts ? Ne se sont-ils pas créés de leur côté des alliances privilégiées où tout n’est pas rose ?
Ainsi donc Survie qui défend obsessionellement l’autocratie mono-ethnique tutsi rwandaise parce que représentante des victimes du génocide veut nous effacer sans scrupules l’arrière-fond diplomatique pourtant flagrant autour du génocide : une reconquête du pré-carré français par la puissance anglo-saxonne…
Que dit survie des méfaits attestés du pouvoir tutsi avant, pendant et après au Rwanda et au Congo voisin ?
Et vous voudriez qu’un Congolais victime malheureuse de ces forfaitures fasse confiance à une association qui fait silence sur le génocide commis sur son sol par les Rwandais (et Ougandais) laissés impunis parce que précédemment victimes d’unhorrible crime de génocide ?
Voilà pourquoi je me méfie de Survie, un faux ami des Africains : obstinée à chasser les (faux)démons de son pays pour prix de la libération de ses amis Africains, elle ignore exprès qu’Américains, Britanniques, Canadiens, Israéliens… n’en entretiennent pas moins des alliés Africains aussi criminels; prenant complètement faits et causes pour le lobby et pouvoir tutsi, elle passe sous silence que ces derniers en ont fait un fonds de commerce pour exploiter criminellement la mauvaise conscience occidentale sur le génocide rwandais ! Être anti-français ne les a pas débarrassé de leur revanche tout aussi génocidaire au Rwanda et au Congo !
La Françafrique, parlons-en : ce n’est pas le président français qui est à même de la détruire, pas plus Survie qui ne base sa prétendue généreuse sollicitude africaine que sur l’accusation d’un Etat français néocolonial, seuls les Africains débarrassés de leur impuissance spirituelle et structurelle à réfléchir, agir et parler souverainement y pourvoiront ! Plutôt que de dénigrer obessionnellement sa Patrie, de nous offrir la litanie de ses compromissions, Survie se rendrait plus utile à l’Afrique à trouver les dispositifs qui permettent mieux aux Africains cet exercice laborieux comme d’abord assister toutes ces forces en Afrique qui revendiquent une meilleure démocratisation quitte à les accompagner et à les tenir à l’œil pour qu’à leur tour ils n’empruntent pas le même chemin de l’anti-peuple. Le reste est affaire structurelle à ne planifier qu’à moyen et long terme …