François Muamba, président de l’ADR, se trouve à Kampala pour assister aux négociations entre le M23 et le gouvernement congolais. Contrairement aux autres partis d’opposition qui boycottent les discussions, l’ancien numéro deux du MLC estime que l’ensemble de la classe politique congolaise doit faire front à « l’agression rwandaise« . François Muamba se dit prêt à soutenir le président Kabila et même à participer à un gouvernement d’union nationale.
– Afrikarabia : Les quatre principaux groupes parlementaires d’opposition ont refusé de participer aux négociations entre le gouvernement congolais et le M23. Pour quelles raisons êtes-vous allé à Kampala ?
– François Muamba : Je pense que mes collègues ont mal apprécié la nature du problème qui se pose à la République démocratique du Congo. Nous faisons l’objet d’une agression extérieure, avec des visées et des prétentions sur notre sol et sur nos ressources. A partir de ce moment là, nous ne sommes plus dans un contexte qui doit s’apprécier en terme de tendances politiques : « je suis opposant ou je suis de la majorité« . On le voit dans tous les pays du monde lorsqu’une nation est agressée dans sa substance : tout le monde doit se mettre ensemble pour d’abord défendre la nation. La métaphore que j’utilise le plus souvent est médicale : quand un corps perd du sang et qu’il y a des plaies et des fractures, il tombe sous le sens qu’il faut d’abord arrêter l’hémorragie. Et ensuite on peut s’attaquer aux problèmes des fractures et des plaies. En tant qu’opposition, nous avons des revendications. Mais ces revendications, qui sont séculaires, relèvent des fractures et des plaies. Le corps, la République démocratique du Congo, perd son sang. Moi, je suis à Kampala pour arrêter l’hémorragie. Si par les discussions et le dialogue, nous pouvons faire en sorte que la guerre s’arrête, sans tirer un coup de feu… ce sera très bien. Mais une fois que l’exercice du dialogue sera terminé, j’espère positivement, il sera tant, ensuite, que les querelles politiques reprennent.
– Afrikarabia : Vous pensez que la solution à la crise des Kivus est politique ?
– François Muamba : En réalité, les trois fronts (militaire, diplomatique et politique) doivent être simultanés. Les résultats commencent à tomber sur le plan diplomatique. C’est en effet la première fois que sur ce type d’agression, un pays comme le Rwanda est aussi malmené diplomatiquement. Si nous devons renforcer cela par des discussions politiques, parlons-en avec le M23. Les rebelles disent qu’ils ont pris les armes parce qu’un certain accord du 23 mars 2009 n’aurait pas été exécuté correctement… nous sommes ici à Kampala pour examiner cela. Les chefs d’Etat de la région des Grands Lacs ont clairement indiqué le 24 novembre dernier qu’il y aurait dans ce document du 23 mars des revendications dites « légitimes« . Si cela peut vider la question des prétextes à ces guerres à répétition dans l’Est, alors parlons-en.
– Afrikarabia : Le M23 demande maintenant la démission du président Joseph Kabila. Vous estimez que les rebelles vont trop loin dans leurs revendications ?
– François Muamba : Ce que vous dites s’obtient par une victoire militaire… nous sommes d’accord ? De deux choses l’une, soit les rebelles veulent discuter avec le président de la République démocratique du Congo, soit ils veulent le chasser du pouvoir, mais il faut savoir. Il y a des gens d’expérience ici, il y en a aussi des plus jeunes, notamment chez eux (au sein du M23, ndlr) qui disent une chose aujourd’hui et le contraire le lendemain… il faut que jeunesse se passe comme on dit. Il ne faut pas oublier que le M23 a dû quitter Goma pour se retrouver avec nous, ici à Kampala, pour discuter, alors qu’il voulait prendre Bukavu et Kisangani… cela veut donc dire qu’un certain nombre de choses se sont passées. Le président Kabila est toujours le président de la République démocratique du Congo, mais cela ne dispense pas le même président de la République, de régler les problèmes qui se posent. Le M23 prend les armes pour dire que l’accord du 23 mars n’a pas été exécuté d’une manière satisfaisante, parlons-en, nous sommes là pour cela. Visiblement, les rebelles ont d’autres choses à dire, qui ressemblent à deux gouttes d’eau à ce que dit l’opposition et qui concernent les problèmes économiques, sociaux et politiques du pays… Sur ces points, le M23 n’a pas le monopole de ces revendications et surtout, il n’avait pas besoin de prendre les armes pour cela. Alors, retournons à Kinshasa et parlons-en entre nous. Et si j’ai bien entendu le président de la République dans son discours de samedi devant les deux chambres, il est lui-même disposé à s’attaquer à tous ces problèmes.
– Afrikarabia : La sortie de crise doit-elle passer par un compromis, qui serait la formation d’un gouvernement d’union nationale ou d’unité nationale ?
– François Muamba : Nous ne pouvons pas admettre qu’un pays qui attaque la République démocratique du Congo, nous oblige à former un nouveau gouvernement. Est-ce que maintenant la situation nécessite que le président prennent des mesures courageuses pour mettre la RDC une bonne fois pour toute à sa place ? Oui. On ne peut pas être la RDC et avoir un peuple qui meurt de faim. On ne peut pas être la RDC et ne pas pouvoir participer à la sécurisation et à la stabilisation de l’ensemble de la région. On ne peut pas être la RDC et ne pas pouvoir fournir au reste du monde un nouveau moteur de croissance (notamment grâce à ses ressources naturelles, ndlr)… Si le président de la République ne relevait pas ces enjeux là, la situation de « balkanisation » du pays deviendrait alors une réalité. Et être opposant aujourd’hui en RDC, cela veut dire : si Joseph Kabila prend les choses en main, on le soutient ; s’il ne les fait pas, on s’oppose.
– Afrikarabia : Cela veut dire, éventuellement, que François Muamba serait disponible pour intégrer un gouvernement d’union nationale ?
– François Muamba : Ce qui n’est vraiment pas possible serait de dire : François Muamba va aller au PPRD (le parti de Joseph Kabila, ndlr) ou à la MP, qui est la plateforme présidentielle. Mais s’agissant d’une décision du président de la République, qui serait de dire : où est la « dream tram » pour l’agenda que je viens d’indiquer, je serai disponible.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Photo : François Muamba © DR