La nouvelle marche anti-Kabila a fait au moins 6 morts et 49 blessés ce dimanche. Si le pouvoir a décidé de jouer la carte de la répression et de la fuite en avant, les Congolais semblent déterminés à en découdre avec le président Joseph Kabila qu’ils accusent de s’accrocher à son fauteuil.
Le scénario est désormais bien connu : la seconde marche pacifique contre le maintient au pouvoir du président Joseph Kabila s’est une nouvelle fois transformée en bain de sang. Après avoir coupé l’internet et verrouillé les principaux accès de la capitale, les autorités congolaises ont brutalement réprimé les marches organisées ce dimanche par le Comité laïc de coordination (CLC), un collectif proche de l’église catholique. Dans une centaine de paroisses de la capitale, mais aussi dans les principales villes de République démocratique du Congo (RDC), les tirs de gaz lacrymogène et de balles réelles ont dispersé les manifestants. Comme le 31 décembre dernier, le bilan de cette seconde journée de mobilisation est lourd : 6 morts, 49 blessés et une centaine d’arrestations, selon l’ONU.
« Prenons notre destin en main »
Ce qui étonne ce dimanche, c’est l’incroyable courage des Congolais, dont la mobilisation n’a pas faibli depuis la dernière mobilisation du 31 décembre, et ce, malgré une répression féroce. Car ce dimanche encore, les morts et les blessés étaient au rendez-vous. Le pouvoir a décidé de ne rien lâcher en empêchant systématiquement tous les rassemblements populaires à l’issue des messes dominicales. Mais les Congolais aussi ont décidé de ne pas baisser les bras et de poursuivre leur combat pour l’alternance politique, avec au bout du chemin… un nouvel avenir pour le Congo. Malgré les balles, les arrestations, la torture, les Congolais qui étaient présents dans, et devant les églises ce dimanche, ont cette fois démontré qu’ils n’avaient plus peur. Sur les réseaux sociaux, le message des mouvements citoyens est on ne peut plus clair : « Notre liberté ne viendra ni de Bruxelles, ni de Washington, ni de Paris ou de Berlin. Encore moins des politiciens médiocres qui nous tuent et nous trompent depuis plusieurs années. Prenons notre destin en main ».
La Monusco (enfin) mobilisée
Dans cette ambiance d’état de siège permanent, combien de temps Joseph Kabila peut-il encore tenir ? Et combien de temps la communauté internationale pourra-t-elle tolérer cette répression aveugle, alors que le droit de manifester est clairement autorisé par la Constitution ? Car fait nouveau ce dimanche, les casques bleus de la Monusco étaient de sortie dans les principales villes congolaises pour « observer les marches pacifiques ». L’ONU avait en effet brillé par son absence lors de la précédente répression du 31 décembre. Mais cette fois-ci, si la présence des casques bleus n’a pas empêché les morts, l’ONU a sans doute évité un bilan plus lourd et surtout a pu tenir un décompte des morts et des exactions plus précis. On se souvient que lors de la mobilisation du 31 décembre, les autorités congolaises n’avaient reconnu aucune victime côté manifestants, alors que les organisateurs en avaient dénombré une dizaine.
La contestation s’étend
Si le cycle de la répression est bel et lancé depuis plusieurs mois en RDC, le cycle de la contestation est lui aussi désormais sur les rails. Le président congolais doit maintenant le savoir : à chaque appel à manifester lancé par le Comité laïc de coordination, les Congolais répondront présents dans la rue. Et à ce rythme de mobilisation, le pouvoir risque de trouver le temps long jusqu’aux prochaines élections, qui ont été reportées en décembre 2018. C’est justement ce qu’espère les opposants au président Kabila : pousser le camp présidentiel dans ses retranchements et obliger le chef de l’Etat à se prononcer sur une des questions cruciale de la crise politique congolaise : que Joseph Kabila déclare publiquement qu’il ne briguera pas un troisième mandat. Pour l’instant, l’appareil sécuritaire tient encore bon et Joseph Kabila semble bien décidé à encore jouer avec le feu. Mais attention, la contestation, portée par l’Eglise catholique commence à faire tâche d’huile : les protestants sont montés au créneau en critiquant ouvertement le pouvoir et un responsable musulman, généralement discret sur la politique, a tout simplement déclaré que le Congo était « malade ».
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
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