Armée fantôme, revers militaires en cascade… L’entrée du M23 dans Bukavu interroge sur la capacité de Kinshasa à résister à l’offensive rebelle, d’autant que le Burundi et l’Ouganda s’avèrent des soutiens militaires des plus fragiles. Décryptage.

Depuis le début de l’année, rien ne semble pouvoir stopper l’avancée éclair des rebelles du M23, appuyés par le Rwanda voisin. Le 4 janvier, la rébellion s’empare de Masisi-Centre, puis c’est au tour de Minova et de Sake le 24 janvier, et enfin de Goma le 30 janvier. Commence ensuite une descente express vers le Sud-Kivu avec les prises de Nyabibwe le 5 février, de Kalehe le 12 et de l’aéroport de Kavumu le 14, avant d’entrer dans Bukavu le 15 février. Ce week-end, le M23 occupe désormais le centre du chef-lieu du Sud-Kivu, le gouvernorat et le poste-frontière de Ruzizi 1 avec Rwanda. Le M23 contrôle également la totalité du lac Kivu, une première pour ce groupe armé, qui poursuit une conquête territoriale inédite à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).
Pas d’électrochoc après la chute de Goma
Ce qui étonne, c’est la rapidité et la relative facilité avec laquelle le M23 fait battre en retraite l’armée congolaise et ses groupes armés supplétifs Wazalendo. La prise de la ville de Goma n’aura finalement pas créé d’électrochoc dans l’armée régulière, malgré les promesses du président Félix Tshisekedi qui avait promis une « riposte vigoureuse ». Après la chute de Bukavu, on est en droit de se demander qui soutient encore Félix Tshisekedi ? Son armée est en déroute. Les rivalités régionales entre ses frères africains les condamnent à l’inaction et la communauté internationale, ONU et Union européenne en première ligne, hésitent toujours à sanctionner le Rwanda.
Qui pour stopper le M23 au Sud-Kivu ?
Sur le plan militaire, Félix Tshisekedi comptait sur son voisin burundais pour empêcher la prise de Bukavu par les rebelles. Mais l’armée burundaise s’est repliée en même temps que les FARDC, qui ont déserté la ville sans vraiment combattre. Pourtant, le président burundais, paraissait motivé à stopper l’avancée du M23 vers sa frontière, craignant que le parrain rwandais de la rébellion ne cherche à déstabiliser son propre régime. Finalement, Évariste Ndayishimiye a confié sur les réseaux sociaux avoir reçu l’assurance de son voisin qu’il n’y aurait pas d’attaque du Burundi par le Rwanda. Les troupes burundaises se sont donc repliées et Félix Tshisekedi perd ainsi un allié militaire de poids dans le Sud-Kivu, et on voit mal qui serait en mesure de bloquer militairement le M23 dans sa descente vers Uvira et Kalemie ?
Trouble-jeu ougandais
Au Nord-Kivu, la situation est également critique pour Kinshasa. Les rebelles n’ont jamais fait mystère de vouloir continuer leur route en direction de Bunia et Kisangani. Et là encore, Félix Tshisekedi se retrouve en difficulté avec son allié ougandais, dont son rôle dans le retour du M23, fin 2021, est des plus ambiguës. Alors que des troupes ougandaises opèrent déjà en Iutri contre le groupe armé ADF, le propre fils du président ougandais, qui est aussi patron de l’armée, s’est répandu sur les réseaux sociaux pour afficher ouvertement son soutien au M23 qui venait de s’emparer de Bukavu. Une sortie médiatique qui devrait inquiéter Kinshasa sur les intentions réelles de l’Ouganda si la M23 venait à se diriger vers l’Ituri.
Le retour au dialogue régional se fait attendre
Ces déroutes militaires inquiétantes interrogent sur la capacité du régime à tenir bon, sachant que Corneille Nangaa, le coordonnateur de la branche politique de la rébellion, affiche toujours son intention de vouloir prendre Kinshasa et faire tomber Félix Tshisekedi dont il juge le pouvoir illégitime. Car du côté diplomatique, les avancées sont au point mort. Le cessez-le-feu décrété au Sommet conjoint de l’Afrique de l’Est (EAC) et de l’Afrique australe (SADC) n’a jamais été respecté, et la fusion entre les processus de paix de Luanda et Nairobi n’a toujours pas vu le jour. Le retrait du médiateur angolais, João Lourenço, et la désignation d’un nouveau facilitateur risque de faire perdre beaucoup de temps avant de relancer les négociations. Le président mauritanien, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, pourrait reprendre le flambeau, et « décentrer » ainsi la gestion du conflit en-dehors de la région des Grands Lacs minée par les rivalités régionales entre les pays de l’EAC et la SADC. Mais le retour au dialogue n’est donc pas pour demain.
Un dialogue national contesté
Enfin, une dernière initiative, menée par les Églises catholique (CENCO) et protestante (ECC) propose un « Pacte social pour la paix et le bien vivre ensemble ». Ce dialogue permettrait d’y inclure le M23, mais aussi toutes les forces politiques et de la société civile pour trouver une sortie de crise. La démarche est salutaire et montre qu’il n’y a pas qu’une crise sécuritaire à l’Est, mais qu’il y a également un problème de politique intérieure, et de légitimité du pouvoir. Ce possible dialogue pourrait « sauver le soldat Tshisekedi » en interne, mais l’initiative est largement rejetée dans la majorité présidentielle qui accuse les Évêques de vouloir se substituer aux institutions régionales et nationales.
Tshisekedi cible encore Kabila
Après des rencontres avec le président Tshisekedi, Martin Fayulu, puis à Goma avec Corneille Nangaa et avec Paul Kagame à Kigali, les prélats se sont rendus à Bruxelles pour y rencontrer l’opposition « en exil », comme Franck Diongo, Jean-Claude Vuemba, Moïse Katumbi ou Raymond Tshibanda, représentant le FCC de l’ancien président Joseph Kabila. Sur la table, ces opposants demandent la libération des prisonniers politiques et pour les plus radicaux, la démission du chef de l’Etat. Pour couper l’herbe sous le pied à cette rencontre bruxelloise, Félix Tshisekedi s’est empressé de disqualifier la présence de la plateforme kabiliste, renouvelant son accusation contre son prédécesseur d’être « le vrai commanditaire » du M23. Une sortie qui, valide pourtant initiative des confessions religieuses qui plaide pour une résolution externe, mais aussi interne des problèmes du Congo.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Si Kabila est le vrai commanditaire, pourquoi s’acharner sur le Rwanda?
Tout ceci était prévisible. Tshisekedi n’a pas des conseillers sages, il n’a que des courtisans, y compris les « experts de l’ONU, MONUSCO et certains medias étrangers dont j’ai peur de nommer!!! Tout ce bon monde ne veut que des $$$$ de Tshisekedi-Muyaya.
The truth always triumps.
C’est un bon article qui décortique toute la réalité sur le déroulement de cette guerre.
Il faut le reconnaître,l’armée congolaise a été décimée à Goma…
Le burundais ont aussi decider de ne plus se battre au Congo…
Il n’est plus qu’une question de temps avant que l’armée Ougandaise s’empare de la region nord est du Congo (Beni, Bunia, Butembo et même Kisangani)…
La fin du Congo dans sa forme actuelle est proche car dès que Kisangani tombe, le Katanga va declarer cesession.
Aucun dialogue ne peut changer les choses en ce moment, comme on dit : les carottes sont cuites. Il faut simplement accepter la réalité : le Congo est fini…
Belle analyse