En visite en France pendant 3 jours, le Premier ministre de République démocratique du Congo a dressé un premier bilan économique de son gouvernement et demande « un peu de temps » pour mesurer les effets de sa politique.
Le président Joseph Kabila n’avait jamais connu un si bon VRP. Un curriculum vitae irréprochable, le ton calme, les propos mesurés, « l’économiste » Matata Ponyo a tout pour rassurer. Spécialiste de politique monétaire et budgétaire, le Premier ministre est venu pour vanter les « progrès » réalisés par la République démocratique du Congo, mais aussi pour faire oublier les tensions du Sommet de la Francophonie. Missions délicates.
Indicateurs économiques au beau fixe
Sur le plan macro-économique, Matata Ponyo affiche de bons résultats : un taux d’inflation « en dessous de 3%« , un Franc congolais « stable » avec l’euro et un taux de croissance en progression pour l’année 2012 (7,2%)… Seul souci, ces bons chiffres ne semblent toujours pas bénéficier à la population congolaise dont presque 70% vit encore sous le seuil de pauvreté (- de 2$ par jour). Pour inverser la tendance, Matata Ponyo compte sur le secteur privé pour être « le moteur de l’économie » congolaise et sur les investisseurs étrangers pour venir faire des affaires en RDC. Là encore, il y a deux problèmes récurrents : la corruption quasi endémique, que l’opération « tolérance zéro » n’a pas endigué, et le retour de la guerre à l’Est du pays qui auraient plutôt tendance à faire fuir les projets d’investissement.
Un peu de patience…
Les bonnes intentions sont là, mais la route paraît bien tortueuse pour le Premier ministre congolais. L’année écoulée a vu reculer la RDC dans le classement Doing Business 2013. Le Congo se retrouve classé à la 181ème place sur… 185. Mais Matata Ponyo a rappelé qu’en avril dernier, la RDC avait adhéré à l’OHADA, l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires et que des progrès étaient en cours, comme la mise en place (un peu chaotique) de la TVA, le nouveau code des douanes ou le renforcement de la sécurité juridique et judiciaire pour les entreprises. Le Premier ministre espère bien que ces réformes porteront leurs fruits dès 2013. Matata Ponyo demande donc un peu de temps et de patience pour mesurer les effets positif de sa politique. Son gouvernement est en effet au commande depuis depuis seulement 6 mois. Mais avec un budget lilliputien de 8 milliards de dollars, la marge de manoeuvre de Matata Ponyo apparaît très limitée.
Aucun contrat de signé
Au cours de sa visite de 3 jours en France, le Premier ministre conoglais a rencontré Jean-Marc Ayrault, son homologue français, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, Pierre Moscovici, ministre de l’Economie, Pierre Canfin et Yamina Benguigui chargés du Développement et de la Francophonie, mais aussi les patrons du MEDEF. Matata Ponyo a affirmé « qu’aucun contrat n’était en cours« , mais a confirmé l’intérêt de la société Total dans le secteur des hydrocarbures à l’Est de la RDC. Un bémol cependant, la situation sécuritaire se dégrade de jour en jour dans la région, avec la reprise des combats entre les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, et l’armée régulière autour de la ville de Goma.
Clin d’oeil à la diaspora
Comme souvent dans ce genre de déplacement à l’étranger, le Premier ministre congolais a souhaité s’adresser à la diaspora congolaise, très présente en France. Matata Ponyo a donc insisté pour que ces Congolais investissent de nouveau au pays. Pour le Premier ministre, les Congolais de l’extérieur ne doivent plus hésiter à venir « faire des affaires en RDC« . Pas sûr qu’un tel message soit complètement entendu par la diaspora congolaise de France, majoritairement hostile au régime de Joseph Kabila.
Droits de l’homme et démocratie
Les deux points noirs de la situation en République démocratique du Congo restent le conflit qui agite l’Est du pays depuis plus de 15 ans et la situation des droits de l’homme et de la démocratie. Sur ces sujets, le Premier ministre est moins convaincant (ou moins convaincu, lui-même par la politique qu’il doit défendre). Sur le processus de démocratisation, qui « doit se poursuivre« , selon lui, le Premier ministre reconnaît « des erreurs » pendant les élections très controversées de 2011. Mais la Commission électorale (CENI) à la base des fraudes est toujours en place et peine à se réformer. Comme preuves des progrès démocratiques de la RDC, Matata Ponyo note la présence de « 150 députés de l’opposition à l’Assemblée nationale« … un argument un peu faible pour justifier les nombreuses irrégularités des dernières élections. « Quelques soient les erreurs et les insuffisances, l’expression démocratique s’est affirmée« , insiste le Premier ministre. Pas un mot sur les arrestations arbitraires d’opposants politiques ou sur l’affaire Chebeya, qui tourne à la parodie de justice, depuis que l’on sait que le principal suspect, John Numbi, ne sera pas jugé.
Concernant la situation sécuritaire au Nord-Kivu, le Premier ministre a confirmé que le rapport final des experts de l’ONU mettait en cause des « officiels rwandais » dans le soutien du Rwanda aux rebelles du M23. Matata Ponyo a indiqué avoir reçu « une oreille attentive » des autorités françaises sur le sujet et souhaite voir renforcer le mandat des casques bleus de la Monusco.
Si Matata Ponyo reste le meilleur atout de Joseph Kabila pour rassurer la communauté internationale et les nombreux bailleurs du Congo, sa seul présence ne suffit pas à faire oublier les nombreux errements du régime. Depuis les élections chaotiques de novembre 2011 qui ont fortement affaibli l’autorité de Joseph Kabila et le retour des combats au Nord-Kivu, la RDC entre de nouveau dans une zone de forte turbulence. Si Matata Ponyo demande un peu de patience aux Congolais pour voir la situation s’améliorer… le temps presse.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Photo : Matata Ponyo à Paris – Novembre 2012 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com