Après la condamnation du rebelle congolais Thomas Lubanga par la Cour pénale internationale (CPI), Human Rights Watch (HRW) souhaite « l’arrestation immédiate » de Bosco Ntganda. Recherché par la CPI pour avoir recruté et utilisé des enfants soldats en Ituri, Bosco Ntaganda est aujourd’hui général au sein de l’armée congolaise (FARDC) et vit en toute impunité à Goma. Les jours sont-ils comptés pour le chef du CNDP ? Rien n’est moins sûr.
Le rebelle congolais,Thomas Lubanga, a été reconnu coupable, ce matin, de crimes de guerre par la Cour pénale internationale (CPI). Il a été accusé d’avoir « enrôlé des enfants âgés de moins de 15 ans et de les avoir fait prendre part de façon active aux hostilités ». Il s’agit du premier jugement de la CPI depuis sa création en 2002. La durée exacte de sa peine sera annoncée ultérieurement. Thomas Lubanga risque jusqu’à 30 ans de prison.
Pour l’ONG Human Rights Watch (HWR), « le verdict contre Lubanga est une victoire pour les enfants forcés à combattre dans les guerres brutales du Congo », selon Géraldine Mattioli-Zeltner, directrice du plaidoyer en faveur de la justice internationale. « Les commandants militaires au Congo et ailleurs devraient tenir compte de ce message fort lancé par la CPI : l’utilisation d’enfants comme arme de guerre est un crime grave qui peut les conduire sur le banc des accusés. » a-t-elle précisé.
Après ce verdict, HWR souligne la nécessité « de procéder immédiatement à l’arrestation du co-accusé dans l’affaire Lubanga : Bosco Ntaganda, qui est actuellement général dans l’armée congolaise à Goma, à l’Est du Congo, et continue d’échapper à la justice ».
HRW précise que « l’ex-chef des opérations militaires de l’UPC, Bosco Ntaganda, est également recherché par la CPI pour avoir recruté et utilisé des enfants soldats en Ituri, les mêmes chefs d’accusation que ceux retenus contre Lubanga. Ntaganda est aujourd’hui général au sein de l’armée congolaise et vit sans se cacher à Goma, dans l’est du Congo, où il est régulièrement aperçu dans les meilleurs restaurants ou sur les courts de tennis. Ntaganda occupe à l’heure actuelle la fonction de commandant adjoint des opérations militaires dans l’est du Congo, et les troupes placées sous son commandement continuent à perpétrer de graves exactions, comme rapporté par Human Rights Watch ».
Pour Géraldine Mattioli-Zeltner, «Lubanga ayant été reconnu coupable, le fait que Ntaganda soit toujours en liberté est une trahison d’autant plus honteuse vis-à-vis des victimes ». Selon Human Rights Watch, Kinshasa doit «immédiatement arrêter Ntaganda et le remettre à la CPI.»
Mais depuis le renversement de Laurent Nkunda en 2009 et le rapprochement entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, Bosco Ntaganda constitue une carte maîtresse entre les mains des autorités de Kinshasa. Pour le président congolais Kabila, « la paix et la sécurité du Nord-Kivu passent avant toute chose »… quitte à protéger un criminel de guerre. Elevé au rang de général au sein de l’armée régulière, l’ex-rebelle est officiellement assigné à des fonctions non opérationnelles. En réalité Ntaganda est un des responsables de la campagne Kimya II, engagée en 2009 par les forces armées congolaises (FARDC) contre les rebelles hutus (FDLR) encore présents au Kivu.
Pendant la période électorale, fin 2011, Joseph Kabila a visiblement eu recours aux soldats du CNDP de Ntaganda pour « asseoir » un vote favorable dans les régions contrôlées par l’ancien rebelle. Certains observateurs notent que la réélection contestée de Joseph Kabila est en partie dû aux scores très importants (et douteux) réalisés par le président sortant dans les Kivu.
Il y a deux ans, Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais précisait au sujet de la capture de Ntaganda que « les chicaneries autour des poursuites à engager sans délai sont de nature à infliger à ce pays fragile un remède pire que le mal ». Ntaganda avait sauvé sa tête une fois de plus… jusquà quand ? Avec ce premier jugement de la CPI, l’étau se resserre un peu plus autour du chef du CNDP.
Christophe RIGAUD
Photo : (c) ICC