Kinshasa cherche à punir Bruxelles de son attitude critique envers Joseph Kabila. Fermeture de la Maison Schengen et du consulat d’Anvers, restriction des vols Brussels Airlines… Les relations belgo-congolaises sont en pleine zone de turbulence.
A chaque crise en RDC, les relations se tendent avec la Belgique. Il faut croire que cette fois-ci, la crise est grave. Acte I : début janvier, la Belgique lance les hostilités, en révisant sa coopération financière avec la RDC. Les 25 millions d’euros de Bruxelles iront directement « au profit de l’aide humanitaire », sans transiter par les autorités congolaises. Par ce signal fort, la Belgique entend dénoncer le non-respect des accords de 2016, le nouveau report des élections et la répression sanglante des marches pacifiques du 31 décembre 2017. Depuis les dernières violences, la Belgique s’active en coulisse pour que la condamnation internationale soit la plus forte possible, notamment à l’Union européenne. Une position qui irrite profondément Kinshasa, son ancienne colonie historique. Pour les autorités congolaises, la Belgique est trop critique envers le président Joseph Kabila, et ferait preuve « d’activisme ».
Maison Schengen, consulats, Brussels Airlines…
Acte II : Kinshasa réplique. Fin janvier, la RDC demande à Bruxelles de mettre fin aux activités de son agence de développement Enabel, et décide de la fermeture de la Maison Schengen. Cette sorte de consulat de l’Union européenne, géré par la Belgique, enregistre les demandes de visas pour le compte de 17 Etats membres. L’activité est suspendue « jusqu’à nouvel ordre », laissant les Congolais désirant voyager se débrouiller avec chacune des représentations diplomatiques. Quelques jours plus tard, l’escalade se poursuit. Kinshasa décide de fermer son consulat à Anvers et demande à la Belgique de faire de même pour ses consulats de Lubumbashi et Goma.
Enfin, la dernière salve des autorités congolaises se porte sur la compagnie Brussels Airlines. Les autorités exigent la réduction de la fréquences des vols de la compagnie vers Kinshasa de sept à quatre par semaine. Une décision qui semble cette fois-ci manquer sa cible. Car en voulant viser la Belgique, la RDC punit en fait… l’Allemagne ! La compagnie Lufhansa contrôle en effet 100% de Brussels Airlines. Quant à la raison officielle pour justifier la réduction des vols, elle a de quoi étonner. Kinshasa évoque un « manque de réciprocité » car seule Brussels Airlines relie les deux pays, alors qu’il n’y a pas de compagnie aérienne congolaise ayant une connexion avec la Belgique. Le problème, c’est qu’aucune compagnie de RDC, en majorité sur liste noire, n’est autorisée à se poser en Europe.
Jouer la France contre la Belgique
Toutes ces mesures de rétorsions contre Bruxelles n’ont d’autres buts que de faire pression sur l’ancienne puissance coloniale, qui fait toujours office de référence sur le dossier congolais. Lorsqu’il y a un problème en RDC, l’Union européenne, l’ONU, ou même les Etats-unis consultent Bruxelles. De même que la France à la haute main sur les positions internationales concernant sa zone d’influence : Mali, Côte d’Ivoire, Niger ou Tchad… la Belgique a toujours donné le ton sur la RDC. Mais Kinshasa voudrait bien inverser la vapeur… d’où les pressions répétées sur Bruxelles pour que les belges infléchissent leur position. En coulisse, Kinshasa tente également de jouer la carte française contre la Belgique. Les autorités congolaises veulent séduire Paris. Le Président de l’Assemblée nationale congolaise, Aubin Minaku a été reçu à Paris par son homologue, le très macronien François de Rugy. Mais aussi au Sénat par Gérard Larcher. Deux visites qui ne passent pas inaperçues dans un contexte de tension politique entre Joseph Kabila, qui cherche à s’accrocher au pouvoir et la communauté internationale qui doute de ses réelles intentions d’organiser les élections à la fin de l’année.
Isolement diplomatique
Dans une interview accordée à Afrikarabia, le porte-parole de la Majorité présidentielle, André-Alain Atundu confirmait cette volonté de rapprochement de Kinshasa avec Paris : « La question est de savoir si la France doit rester confortablement installée dans la position de suiveuse de la Belgique ? Je ne le pense pas. L’importance politique, le potentiel et la puissance économique de la France ne la prédestine pas à cette vocation ». Mais en cherchant l’épreuve de force avec Bruxelles, le pouvoir congolais joue surtout contre son propre camp : il s’isole diplomatiquement, ne rassure pas les possibles investisseurs étrangers, et surtout… pénalisent les Congolais en rendant les voyages en Europe plus compliqués. Ces tensions n’augurent rien de bon sur le volonté de Joseph Kabila de conserver le pouvoir.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Pendant combien de temps Kinshasa tiendra-t-il tête devant la communauté internationale ? Et là je pense que la France de Macron doit faire attention. Inexperimenté, Macron risque de s’embourber dans le bourbier congolais.