Les révélations sur le salaire exorbitant des députés et des sénateurs congolais révèle le fossé abyssal entre le niveau de vie des élus et celui de la population.
Quel est le vrai salaire d’un député congolais ? Depuis fin août et la sortie médiatique de l’opposant Martin Fayulu, affirmant que les émoluments des députés s’élevaient à 21.000 dollars, on ne connait toujours pas la réponse. Le chiffre astronomique avancé par le patron de l’Ecidé a rapidement créé la polémique, faisant des députés congolais les élus parmi les mieux payés dans le monde. Un salaire choquant, représentant 400 fois le revenu moyen, dans un pays où la majorité de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Un mois plus tard, le sujet est toujours sur la table, d’autant que l’Assemblée nationale, qui conteste les chiffres de Martin Fayulu, n’a toujours pas publié la fiche de paie des honorables députés.
Corruption
Pour le président de l’Ecidé, « cela s’appelle de la corruption à grande échelle, gabegie et pillage des finances publiques de la part du pouvoir usurpateur en quête de légitimité interne ». Il faut dire que la question du salaire des politiques est sensible alors qu’un simple fonctionnaire ne gagne pas plus de 50 à 100 dollars par mois. Les 21.000 dollars mensuels passent d’autant plus mal que le budget de l’Etat dépasse péniblement les 10 milliards de dollars pour administrer un territoire grand comme l’Europe occidentale avec 90 millions d’habitants. Les sommes allouées pour le fonctionnement de la présidence, du gouvernement et des institutions semblent vampiriser le budget de l’Etat qui n’est pas en capacité d’assurer ses principales missions.
Clientélisme et opacité
Ce que dénonce Martin Fayulu, relayé par les députés Delly Sesanga et Jean-Baptiste Kasekwa, c’est le train de vie dispendieux de l’Etat, le clientélisme, et l’opacité qui entourent la rémunération des députés. Alors que l’Assemblée nationale refuse toujours de rendre public les émoluments de ses élus, le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, a révélé sur TV5MONDE que le salaire des députés était fixé à 7.000 dollars « auquel s’ajoute des primes variables et diverses ». Des frais dits « invisibles » qui sont distribués à la discrétion de l’Assemblée, dans un parfait manque de transparence : participation à des commissions parlementaires, jetons de présence pour chaque congrès, vacance parlementaire… Les députés de l’Union sacrée, la majorité présidentielle, étant particulièrement bien lotis en la matière.
Des salaires plafonnés
Pour clarifier et assainir le financement de la classe politique, le député Delly Sesanga demande depuis 4 ans la réduction du salaire des parlementaires en proposant de les plafonner à 4.000 dollars. « J’ai été vilipendé par tous et traité de populiste pour avoir dit cela » explique le député du Kasaï-Central. A l’Assemblée, le sujet est jugée hautement sensible. Les députés Sesanga et Kasekwa ont même été convoqués devant une commission spéciale pour s’expliquer. Une « intimidation » et un « harcèlement » inacceptable pour Martin Fayulu.
Des politiciens déconnectés
Dans un pays où la politique est un business comme un autre, les députés provinciaux se sont saisis de l’affaire des émoluments exorbitants de leurs collègues nationaux. Non pas pour dénoncer l’incongruité de ces salaires au regard du niveau de vie des Congolais, mais pour exiger « les mêmes avantages »… Et réclamer leur 21.000 dollars par mois ! Une déconnexion qui prouve que la route risque d’être longue pour réduire la fracture entre la classe politique et la population.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Le système date de longtemps, avant ce nouveau régime. Fayulu que tu parles, est à l’hémicycle depuis 2011, il n’a jamais proposé aucune loi sur les émoluments mais à cause du populisme, il veut passer d’un donneur de leçons. Il est député national, qu’il vienne débattre ce problème au sein de l’hémicycle au lieu de faire du buzz. C’est aux députés de bien faire les choses pour que la population se retrouve. Il ne faut pas inciter la population à la désobéissance civique et à la révolte alors que ce régime n’est pas sanguinaire, ni dictatorial et encore moins des méchants.
De la même manière que l on peut considérer les émoluments perçus par les parlementaires d excessif, il est toutefois nécessaire d éviter le populisme. Il ne s agit pas d enrichir les députés, mais ils représentent la nation et doivent pouvoir valablement représenter leurs concitoyens au parlement. Un parlementaire élu en ituri, avec femme et enfants, doit pouvoir assumer ses charges en ituri et à Kinshasa.